Ravin de Velacu intégral (ou le Trou de la bombe à l'envers !)
Par PhE le samedi 20 octobre 2012, 20:45 - Ravinisme - Lien permanent
L'exploration des ravins de Carciara et Velacu en octobre 2011 m'avait fait arriver jusqu'à l'endroit où le ravin de Velacu oblique brusquement à droite en prenant d'un seul coup une pente impressionnante pour remonter de 700m à 1340m et arriver au Tafonu di u Cumpuleddu, c'est-à-dire le "Trou de la Bombe" bien connu des touristes de Bavella puisque c'est quasiment la seule randonnée qui leur est proposée au col ! Comment résister à l'envie de monter au Tafonu par ce ravin pour arriver par un chemin improbable à cet endroit où défilent des colonnes de touristes lors de chaque journée estivale ?
Mais la raideur du ravin et les difficultés envisagées pour le franchir me poussaient à ne pas prendre le risque d'y aller en solo comme d'habitude mais plutôt d'y être accompagné : moins de risques, possibilité d'escalade encordée, confort moral et psychologique, ... Mais pour cela, il me fallait un partenaire intéressé par cet objectif qui ne paraissait pas à la portée du randonneur lambda. Pourtant, l'occasion m'en fut donnée fin août dernier lors du séjour à Sainte-Lucie de mon fils, Laurent, et de son épouse, Anna. Nous avions eu l'occasion en début de séjour de faire quelques randonnées de mise en jambe, avec une promenade aux bergeries de Luviu puis autour de Muchju Biancu sur le littoral au Sud de Roccapina, pour aller plus loin avec la descente du ruisseau de Sainte-Lucie et une visite de la brèche de Carciara. Ravi du parcours de la brèche de Carciara, avec ses parois alléchantes pour un fort grimpeur comme lui, Laurent avait envie de faire une course longue et engagée qu'il n'avait pas eu l'occasion de réaliser depuis longtemps en Corse, sans doute depuis 1996 et notre parcours du Ravin de la Solitude. Je lui ai donc proposé immédiatement les ravins de Frassiccia et de Velacu, avec une préférence pour celui du Velacu qui s'annonçait de loin comme le plus engagé.
Et c'est ainsi que nous avons démarré cette aventure au petit matin du Jeudi 30 août 2012, dernier jour de beau temps annoncé par la météo avant une période de mauvais temps exceptionnelle de quatre ou cinq jours...
Vous trouverez sans doute le récit qui suit un peu trop relaté façon "A mes montagnes" ou "Les conquérants de l'inutile", mais j'ai trouvé amusant de construire mes récits de ravinisme comme les épopées alpines des années 50/60, et de donner les détails de ces aventures pour bien faire comprendre aux visiteurs ambiances et émotions de ce genre de course ! De plus, ce sont des livres que j'ai relus des dizaines de fois dans ma jeunesse et qui ont donc un style que je dois apprécier...
Vous pouvez consulter sur la gauche de la page la carte de la partie de la Haute Vallée du Cavu contenant les ravins parcourus lors de la course décrite dans cet article.
Le parcours depuis le Mela jusqu'à la brèche du Carciara
Partis en voiture de Sainte-Lucie avant 8h, nous arrivons à 08h05 au dernier parking avant le pont de Marion, et, comme d'habitude depuis le 15 juillet dernier, nous trouvons la barrière incendie fermée, empêchant de franchir le pont et de remonter en RG du Cavu. La solution de secours est connue, mais il faut un 4x4 : elle consiste à revenir à la citerne en amont du parking et à prendre la piste en RD du Cavu qui remonte vers le pont IGN300, puis à descendre au ruisseau de Sainte-Lucie par un embranchement à droite embrayant sur une portion de piste plutôt défoncée, surtout vers le bas. Nous nous garons vers le bas de cette piste à 08h25, descendons au ruisseau et, après l'avoir traversé, remontons sur l'autre versant pour atteindre le parking habituel de Mela/Lora à 08h45 (291m). Bilan : 30mn perdues pour ce nouveau plan de circulation 2012 qui n'apporte rien de positif et ne fait que priver les touristes habituels de places de parking supplémentaires sans les empêcher de remonter en amont du pont de Marion !
En démarrant le sentier de Mela, Laurent prend la tête et imprime un rythme de marche que je trouve trop rapide mais que je dois suivre à contre-cœur. Il me dira ensuite que c'était pour éviter au maximum la montée en basse altitude en pleine chaleur, mais je ne suis pas sûr qu'on ne l'ait pas payé plus tard... Les horaires habituels sont enfoncés : aire de pique-nique en 30mn au lieu de 45mn, descente dans le Mela à la hauteur de la grande vasque circulaire peu après le ruisseau de Vega Bianca en 40mn au lieu d'1h, arrivée à la brèche du Carciara à 10h15 (445m - 1h30), soit 1h30 au lieu de 2h/2h30 !! Pas de baignade à la vasque de la confluence Mela/Peralzone comme nous en avions pris l'habitude et tentative réussie de raccourci via la remontée sur 80m du ruisseau de Pinu Negru pour retrouver l'ancien chemin d'exploitation en RD du Carciara que j'avais démaquisé quelques jours plus tôt jusqu'à ce point. Le chemin nous évite les blocs et les divers obstacles des 400 derniers mètres sous la brèche pour nous emmener directement au point de traversée vers la RG dans la partie aval du canyon. Toute cette partie du sentier est restée bien marquée, dépourvue de toute végétation de type ronces et seulement entravée par les branches d'arbousiers plus ou moins morts qu'il avait fallu trancher. Une meilleure solution que la progression dans le lit du torrent !
De la brèche du Carciara à la confluence Frassiccia - Velacu
Après la traversée du torrent, nous retrouvons rapidement l'ancien chemin, mais en RG maintenant, et l'utilisons pour franchir le canyon jusqu'à son extrémité. Il permet par endroits de découvrir les parois du canyon des deux rives : incroyablement spectaculaires avec plus de 150m de hauteur en rochers ocres et gris profondément sculptés par les tafoni, elles proposent des voies d'escalade improbables. Laurent n'en croit pas ses yeux et se demande comme moi si des grimpeurs ont déjà eu l'opportunité de découvrir ces parois et d'y équiper des voies : il faudra d'ailleurs que je me renseigne auprès des milieux corses d'escalade...
Le chemin s'interrompt un moment dans une zone de rochers au fond du ruisseau, pour reprendre un peu plus haut toujours en RG. Nous préférons continuer plus directement dans les blocs du lit du ruisseau, longeons le câble métallique que je connais déjà, reste de l'exploitation locale (téléphérique à bois ?) et arrivons à la grande double vasque qui marque la fin du canyon. Ici, on retrouve l'ancien chemin en RD où il poursuit encore sa course sur plus d'une centaine de mètres, alors que les cartes du Cadastre Napoléonien l'arrêtaient à l'entrée du canyon. Qui nous racontera l'histoire de ce chemin et de l'exploitation qu'il desservait ?
Après la double vasque d'où l'on a une vue superbe sur la brèche en aval, le lit du ruisseau se transforme en cours d'éboulis de roches peu aquatique. Il redevient ensuite plus étroit, aborde de nouvelles vasques, puis des cascades avant d'arriver à un nouveau et court rétrécissement rocheux, aisé à passer à l'exception d'un pas d'escalade humide pour franchir un ressaut de cascade.
Quelques minutes après, nous atteignons la confluence Frassiccia - Velacu (593m - 2h), d'où le Velacu apparaît beaucoup plus facile que la Frassiccia avec sa cascade initiale au contournement obligatoire ! Il est 10h45, soit 2 heures depuis le parking habituel Mela/Lora : à comparer aux horaires de mes deux précédents passages en ces lieux, 2h25 le 17/10/2011 et 2h30 le 07/07/2012. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on n'a pas chômé !
La remontée du bas-Velacu
Une centaine de mètres à peine après avoir enfilé le début de la branche du Velacu, nous rencontrons à nouveau des restes de câble métallique descendant jusque dans le lit du torrent depuis des rochers de la RG : toujours le téléphérique qui venait donc du Velacu ? Cette première partie du bas-Velacu est aisée pour la progression et vasques et cascades se franchissent facilement. Une seule vasque fait exception en demandant un peu d'imagination pour trouver un contournement peu visible en RG. Un moment donné, Laurent tombe sur un mouflon qu'il surprend derrière un bloc qu'il finit d'escalader. Évidemment, la bestiole ne nous attend pas et s'enfuit tranquillement vers l'amont du ruisseau sans me laisser le temps de sortir l'appareil photo et juste de quoi reconnaître une belle femelle solitaire.
Et nous arrivons ainsi sans encombre à la confluence avec le ruisseau de Paliri (sans nom sur IGN, mais appelé Carcia ou Carciara sur les anciennes cartes) vers 11h.
La suite du bas-Velacu n'est qu'un enchevêtrement de troncs et d'obstacles végétaux se superposant à de gros blocs rocheux. Ce résultat des tempêtes d'hiver nous oblige à un moment à quitter le lit du Velacu par la RG pour contourner tout ce fatras. Nous commençons à apercevoir les parois au-dessus de nous sur la D (RG) du ruisseau en reconnaissant Calanca Murata et Punta di Cumpuleddu à l'extrémité de la crête du Promontoire. Au point extrême que j'avais atteint en octobre 2011, nous voyons le départ de la partie raide du haut-Velacu 100m plus loin. C'est ici que j'avais retrouvé des restes de murets sur la RD montrant les derniers points d'exploitation du ruisseau (?).
Nous atteignons le départ du vrai ravin (700m - 2h55) en sortant complètement de la végétation à 11h25, soit moins de 3h après notre vrai départ du parking de Mela/Lora. Nous sommes à 700m d'altitude environ, avec encore plus de 600m de ravin raide à gravir...
La remontée du haut-Velacu
La cascade de 30m
Nous sommes immédiatement dans l'ambiance avec une cascade verticale d'une trentaine de mètres de haut qui bouche l'entrée de la combe du ravin ! Depuis l'entrée de la combe, elle semble incontournable tant les rives des deux côtés sont escarpées et difficilement grimpables.
En pénétrant plus avant dans la combe, Laurent remarque à G (RD) une sorte de rampe oblique menant au sommet de la cascade. Si la rampe semble effectivement praticable, le mur d'accès vertical de 5/6m en bas a l'air beaucoup moins aisé. Nous essayons néanmoins, Laurent par une montée sur la G du mur puis une traversée hasardeuse pour rejoindre la rampe, moi-même sur la D du mur par des prises assez bonnes mais couvertes de poussière de rochers. Cette poussière recouvre l'ensemble de cette partie de la muraille et s'explique par un éboulement récent dont on aperçoit le départ juste au-dessus de nos têtes !
Un peu stressés par cette découverte, nous continuons à progresser sur la rampe quand Laurent est inexplicablement arrêté à la hauteur d'un buisson de ronces en bordure des dalles poussiéreuses inclinées. De là où je suis, 5m au-dessous de lui, le passage semble évident, mais il m'explique qu'il lui semble impossible de continuer car le pas d'adhérence est trop précaire sur ces dalles glissantes. Compte tenu de son niveau d'escalade et malgré ma perplexité, je ne discute pas sa décision et j'envisage avec beaucoup d'appréhension de redescendre le mur vertical. Je m'en sors pas trop mal grâce à la mémorisation des prises à la montée. Laurent me suit de la même manière et nous nous retrouvons à notre point de départ après avoir perdu une dizaine de minutes dans cette tentative avortée.
Je commence à me demander s'il ne va pas falloir faire demi-tour, mais Laurent, toujours lui, remarque alors que l'on peut atteindre la partie haute de la rampe en revenant presque à l'entrée de la combe et en utilisant une vire peu visible partant derrière un laricio. Aussitôt dit, aussitôt fait, et nous rejoignons rapidement la vire au prix de quelques pas d'escalade faciles, puis le haut de la rampe où une traversée sur les dalles encombrées des restes de l'éboulement nous demande pas mal d'attention. Ouf ! Nous voici en haut de la cascade (790m - 3h20) à 11h50, au creux d'une brèche profonde marquant la suite du ravin.
Les dalles noires
La suite ressemble à un ravin plus traditionnel et nous commençons à imaginer que nous avons passé la plus grosse difficulté. Malheureusement, 5mn plus tard, nous arrivons à une zone du ravin dotée d'une conformation étrange : sur la gauche des dalles noires, humides et presque verticales, indiquent le ruisseau principal mais sont impraticables, et, dans le prolongement de la partie d'où nous venons, un ressaut rocheux de quelques mètres paraissant délicat à franchir. Il semble qu'il faille réaliser un contournement par la droite (RG) des dalles noires en escaladant le ressaut, puis revenir au mieux au-dessus des dalles dans le ravin au-dessus du coude qu'il fait à cet endroit.
Mais le ressaut s'avère corsé, avec comme seuls points faibles, sur la droite un petit surplomb surmonté d'un buisson de ronces coriaces, et sur la gauche un bloc proposant une belle adhérence exposée. C'est pourtant pour cette dernière solution que nous optons, les ronces empêchant tout tentative sérieuse à droite. J'essaie de grimper la marche en bas du bloc pour mettre les pieds sur les rotondités de la traversée en adhérence. Un petit coincement en fissure me le permet et je me retrouve à 3/4m du sol, jonché de rocailles peu avenantes pour les chevilles, à tenter les trois ou quatre pas de la traversée pour me sortir de ce mauvais pas. Finalement, avec les conseils de Laurent qui voient les prises d'en bas, je m'en tire somme toute facilement et franchit le passage pour atterrir dans une zone boisée et végétale où Laurent me rejoint bientôt.
Nous remontons le couloir d'éboulis qui fait suite en ne sachant trop où aller. J'aperçois bientôt une sorte de vire dans le mur de dalles à gauche qui pourrait permettre de rejoindre la partie du ravin au-dessus des dalles noires, mais Laurent me dit que les dalles sont trop raides à l'endroit où la vire les rejoint. Nous continuons donc la progression dans le couloir d'éboulis en zigzaguant entre les ronces et les branches mortes. J'espère pouvoir grimper encore une trentaine de mètres avant de pouvoir nous échapper sur la gauche pour revenir dans le ravin. Un boyau rocheux étroit permet de continuer la progressions, mais je suis arrêté par un ressaut, à hauteur de mes épaules, obstrué par un entrelacs de ronces à gauche et de branches d'arbousiers morts au-dessus. Après avoir pris le temps de casser toutes les branches, j'essaie de passer le ressaut en évitant les ronces, en vain. Sans prise de pied ferme, sans prise de main autre que les ronces ou les restes d'arbousiers morts, je suis quasi sûr de me prendre un but et de retomber du sommet du ressaut dans le boyau d'éboulis au-dessous. De plus, la suite est du même acabit, avec un nouveau ressaut végétalisé quelques mètres plus loin et aucune sortie assurée vers la gauche au-dessus ! Je renonce et redescends en me demandant bien comment sortir de ce mauvais pas. Laurent propose une tentative par la droite, mais c'est un couloir végétal du même genre et qui nous éloigne encore plus du ravin...
Nous redescendons donc d'une vingtaine de mètres et j'en profite pour essayer de rejoindre la vire entrevue antérieurement pendant que Laurent enfile son pantalon long, échaudé par la partie de ronces et de végétaux que nous venons de jouer. J'arrive à escalader la rambarde rocheuse verticale qui protège l'accès à la vire, la rejoins et la suis sur une vingtaine de mètres. En fait, elle arrive bien aux dalles qui ne sont pas si inclinées que cela et qui sont sèches sur la partie droite (RG) du ravin. Une petite escalade en adhérence facile me permet d'arriver à une plate-forme marquant la fin des difficultés (835m - 3h25) vers 12h10.
Laurent rejoint la plate-forme quelques minutes plus tard et nous continuons à remonter le ravin maintenant largement ouvert et où l'eau coule encore abondamment pour la saison. D'ailleurs un peu plus haut, nous rencontrons un gros spit de rappel de canyoning montrant que certains ont essayé cette descente plus directement que nous à la montée ! Ce canyoning ne doit pas être fait souvent et je ne l'ai pas trouvé référencé dans la base canyons de descente-canyon.com : ce qui montre qu'il est resté confidentiel et peu digne d'intérêt.
Plus haut, le ravin amorce un virage à 90° à gauche (WSW) et commence à rentrer dans une partie végétale avec une conformation complètement différente (880m - 3h35).
La partie forestière
Après le virage, nous entamons maintenant une montée toujours aussi raide, mais dans un lit en auge étroit, encombré de gros blocs rocheux et couvert d'un toit de branches de laricii et de chênes-verts. Juste avant de rentrer dans ce tronçon végétal, nous avons le temps d'apercevoir au-dessus de nous, à gauche la Punta di Cumpuleddu, partie avancée de l'arête E du Promontoire, avec le sommet du Campanile de Sainte-Lucie à ses côtés, et à droite la muraille imposante de la paroi SE de Calanca Murata cachant plus haut le "trou" du Cumpuleddu. Nous nous arrêtons sur des blocs à 12h20 pour déjeuner en contemplant ce magnifique paysage et avec de quoi faire de l'eau dans le ruisseau...
Reprise de la partie vers 12h50 avec un ravin toujours aussi raide et une progression qui commence à devenir épuisante. En effet, à la pente viennent se rajouter pas mal d'obstacles : escalades de blocs, enjambements de troncs, traversées de ronces, ... qui, s'ils ne posent pas de gros problèmes, finissent par user les organismes. Nous passons la confluence avec un ravin descendant du col de la crête de Calanca Murata entre Punta San Petru et Punta Erbajola, lui aussi arrosé, et revenons dans le ravin du Velacu sous un couvert bien dense. Derrière nous, une vue splendide sur les escarpements de la crête Calanca Murata - Paliri dans une trouée de végétation. Il nous faut une trentaine de minutes pour parcourir cette partie forestière avant que le couvert végétal s'éclaircisse... En sortant de cette forêt (1000m - 4h05), nous avons l'impression que les obstacles de la course sont derrière nous : la suite allait nous démontrer le contraire !
La partie finale avec le bloc coincé
Il est 13h20 et nous pensons arriver rapidement au col en haut du ravin, mais cela n'en finit pas de monter avec une partie qui devient encore plus raide. Nous sommes tout de même en vue du "trou" du Cumpuleddu que nous apercevons à droite dans la paroi de Calanca Murata. Nous entendons même les voix des touristes qui y sont grimpés. D'ailleurs nos épouses y sont arrivées puisque j'entends Nicole qui nous appelle. Nous lui répondons et elle comprend que nous allons bientôt la rejoindre. Pourtant, cela se complique, car le ravin se referme encore et offre des obstacles plus importants. Un premier ressaut assez difficile nous épuise encore un peu plus, mais ce n'est rien par rapport à la suite...
Nous blêmissons en voyant l'obstacle suivant à la verticale sous le "tafonu" : un énorme bloc coincé obstrue la totalité du ravin, encadré par des parois infranchissables ! Sur le coup, nous sommes écœurés à l'idée que nous risquons d'avoir à redescendre si près du but et le moral est au plus bas... En regardant de plus près, pas moyen de contourner le bloc par les murs latéraux, verticaux ou surplombants, mais, en entrant dans la grotte formée par le surplomb du bloc, nous entrevoyons une possibilité d'escalade constituée d'une traversée depuis le fond de la grotte vers le bloc permettant d'atteindre son socle et des prises pour se hisser en haut. Risquée vue d'en bas, mais c'est la seule solution !
C'est Laurent qui se colle à la tentative, débarrassé de son sac et muni de la cordelette d'escalade en 7mm et des quelques sangles et coinceurs que nous avons emportés : pas de quoi assurer un premier de cordée, mais le second assurément. Finalement, il passe sans souci et installe un relais sur le tronc de l'arbuste qui coiffe le bloc. Après le hissage des sacs, j'escalade à mon tour, plus difficilement que lui en ratant une prise de pied sur le bloc, et arrive à sortir tant bien que mal sans avoir eu besoin de la corde (1230m - 4h55). Il est 14h10.
Cette fois-ci, nous espérons en avoir fini et, effectivement, l'ambiance du ravin devient plus accueillante avec une pente restant toujours raide mais sans ressaut important à franchir. Nous rencontrons une quantité incroyable de casquettes, bobs, chapeaux divers,... Après avoir imaginé que cette partie du ravin était visitée depuis le haut, je comprends rapidement mon erreur quand Laurent me dit que tout ce fatras a dû être perdu par les touristes depuis le "trou" juste au-dessus de nous !
Dix minutes après le sommet du bloc coincé, nous arrivons en bas du raide couloir à droite (NE) menant directement au Tafonu di u Cumpuleddu en évitant le col du sommet du ravin. Nous voyons Nicole et Anna en haut du couloir qui commencent à nous mitrailler avec leurs appareils photos.
Arrivée au "Tafonu"
Il ne nous reste plus qu'à escalader ce couloir, bien raide malgré tout, sous les vivats de la foule en délire, en essayant de garder bonne contenance, fraîcheur et forme physique, dans le genre "C'est tous les jours qu'on fait cela !" avant de rejoindre la civilisation sous le "trou" (1320m - 5h15) à 14h30.
C'est étonnant comme cette randonnée du Tafonu di u Cumpuleddu est devenue la tarte à la crème locale, dans le même genre que celle du lac de Melu à la Restonica. Les randonneurs (pseudo-randonneurs ?) se succèdent en une file ininterrompue entre le trou et la brèche au-dessous, avec embouteillage à la brèche où il y a désormais deux passages : l'ancien super patiné et un autre juste au-dessus plus fréquemment utilisé maintenant. Le retour au col de Bavedda se déroule au milieu d'une foule bigarrée allant du touriste en tongs (et oui, j'en ai vu et ce n'est pas une légende, mais ceux-là n'atteignent pas le "trou") à l'alpiniste suréquipé. Difficile pour Laurent et moi de croire que l'on était au fin fond du monde moins d'une heure auparavant !
Conclusion :
Ce ravin de Velacu est le must du Haut-Cavu ! Il est presque aussi spectaculaire que ces célèbres confrères de Bavella, Polischellu et Purcaraccia, mais est certainement plus difficile encore à remonter, avec, en outre, de très intéressantes curiosités dans sa partie basse avec le canyon et les vestiges de l'exploitation (du bois ?) dans le Carciara.
Ses caractéristiques techniques, en ne prenant en compte que la partie ravin depuis la descente au Mela à la vasque circulaire jusqu'au Tafonu :
- Long de 4620m, de 392m à 1340m d'altitude, il propose environ 1150m de dénivelé positif pour 200m de dénivelé négatif
- Temps de parcours d'environ 5h30, auquel il faut rajouter 1h de marche d'approche sur sentier entre le parking de Mela/Lora et le point de descente au Mela. Notre horaire personnel a été de 4h30 pour le ravin lui-même et de 45mn pour l'approche, mais avec marche rapide et bonne connaissance préalable du parcours
- Il est clair que cet itinéraire peut être réalisé en 1h de moins par des ravinistes le connaissant déjà et en condition physique, car beaucoup de temps a été perdu dans la recherche des franchissements et contournements
La brèche du Carciara constitue à elle seule un objectif majeur de randonnée avec sa forme spectaculaire, ses parois fantastiques, les restes de l'ancien chemin menant de Conca au canyon, les vestiges métalliques de l'exploitation qui y était pratiquée et les vasques somptueuses en aval. Au-delà, le Carciara et la partie basse du Velacu se remontent plutôt aisément quand on est habitué à ce type d'exercice, en tous cas sans obstacle notable. Par contre, le ravin final à partir de la cascade de 30m est clairement réservé à des randonneurs plutôt 'avertis en matière d'escalade. Si le contournement de la cascade peut se faire sans véritable pas d'escalade, les conditions dans lesquelles nous l'avons effectué sous l'éboulement et avec la poussière et les débris qui recouvraient le moindre bout de rocher, le rendaient particulièrement délicat dans la partie finale. Les trois autres passages-clés, le bloc rocheux, la vire des dalles noires et surtout le bloc coincé, demandent de vrais qualités de grimpeurs au niveau III et concentration et calme en passages exposés.
Bref, ce n'est pas pour tout le monde et je vous l'aurai dit une fois pour toutes ! Néanmoins, ce n'est pas un parcours d'alpinisme et il n'y a aucune difficulté d'orientation et pour cause...
S'il me semble difficile et épuisant de le pratiquer en aller-retour (parcours de plus de 10h pour mon niveau, mais c'est ce que j'avais fait au Finicione), sachez qu'avec une bonne condition physique (de tri-athlète ?), Charles Pujos l'a remonté intégralement comme nous, puis a enchaîné avec la Crête des Terrasses jusqu'à Bocca di Fumicosa et est redescendu à son point de départ par le ravin de Frassiccia. Tout cela, dans la journée ? Voir son commentaire sur ce Blog où il nous avait écrit cela discrètement...
Vous pouvez re-consulter sur la gauche de la page la carte de la partie de la Haute Vallée du Cavu contenant les ravins parcourus lors de la course décrite dans cet article.
Enfin, ci-dessous, le diaporama avec les photos provenant de ce parcours ainsi que d'explorations antérieures :
Commentaires
@Eric M
Merci pour vos encouragements ! :-)
Mais je ne sais pas où vous avez posté votre photo du ravin... :-(
Je viens relire la page suite au fait que j'ai posté une photo du ravin vu depuis le promontoire et que j'ai ajouté dans mon commentaire un lien vers votre page.
Bravo, c'est bien toutes ces infos qui renseignent et font rêver, j'aurais tant aimé faire ce genre de parcours avec des années en moins.
Certaines parties de cet article ont besoin d'une bonne mise à jour !
@François :
Belle balade effectivement, mais, comme dirait Laurent, on peut toujours la faire par l'autre face... (hors saison alors !) LOL
Ci-dessous les commentaires de Laurent en complément de l'article ci-dessus :
Quelques commentaires:
- Cascade 30m
"Laurent est inexplicablement arrêté à la hauteur d'un buisson de ronces en bordure des dalles poussiéreuses inclinées. De là où je suis, 5m au-dessous de lui, le passage semble évident, mais il m'explique qu'il lui semble impossible de continuer car le pas d'adhérence est trop précaire sur ces dalles glissantes"
En fait, il fallait faire des pas d'adhérence sur du rocher recouvert de résidus d'éboulis, de cailloux et de poussière, donc même si c'était peu pentu, c'était très précaire et dangereux parce que là, il ne fallait pas faire de faux pas, pas le droit à la chute (20m du sol).
- Bloc coincé à la fin:
- Tu peux aussi dire que c'est une bonne balade permettant aux papas/maris (ravinistes) de faire la remontée du ravin jusqu'au cumpulellu par la face ardue (6h) et aux mamans/femmes de le faire par la face normale (1h30), tout le monde se retrouvant au trou à la fin content de sa "randonnée/bavante".
- Je suis OK avec le commentaire final "bref, ce n'est pas pour tout le monde".
En tout cas, c'était une super balade, vivement la prochaine du genre!
Effectivement, j'avais oublié le pas au sommet du bloc coincé ! Deux possibilités : sur la droite un petit ressaut de 1,5m de haut mais avec une montée athlétique, sur la gauche montée de 2m de haut sur des racines d'arbres... Laurent a préféré à droite et moi à les racines de gauche qui étaient vraiment bien enracinées !!
Hallucinante balade, que je ne ferai hélas que dans une vie ultérieure...
Bravo, le père et le fils ... et même la mère qui, si je comprends bien, a prêté son cher 4X4 pour le départ!
En ce qui concerne le chemin d'exploitation allant à la brèche du Carciara et les restes de câbles métalliques trouvés dans le ravin, j'ai récemment appris que c'était une exploitation de bois qui était localisée dans la partie en amont de la brèche au XIXème siècle et jusque peu avant la 2ème guerre mondiale.
Le câble métallique, ainsi qu'une roue métallique qu'on doit encore trouver dans la brèche (je ne l'ai pas vue !) sont les vestiges d'un téléphérique qui descendait de la brèche jusqu'à la maison du pont de Funtanella, soit plus de 5km à vol d'oiseau , et qui servait à descendre le bois (ou le charbon de bois ?)... :-)
C'est l'équivalent des restes du téléphérique de Cagna que l'on trouve dans la traversée Uovacce - Apaseu qui servait à descendre le bois à l'Ortolu ! ;-)