Un récit d'ascension de la Punta di a Spusata (1964)
Par PhE le dimanche 14 novembre 2021, 22:41 - Escalade - Lien permanent
La Punta di a Spusata est complètement ignorée des topos de randonnée et d'escalade en Corse !
Une tentative personnelle de l'approcher et de la grimper en juillet 2006 avait abouti à un échec "sanglant" pour cause d'obstacles rédhibitoires du maquis local et aucune opportunité ne s'est présentée à moi ensuite pour y retourner. Le mystère restait donc total puisque, jusqu'à ces derniers jours, je n'avais trouvé sur Internet aucun élément d'information, ni sur l'itinéraire d'approche, ni sur la voie d'escalade, et seul un vague commentaire de Fred Bruschet, grimpeur-randonneur d'Ajaccio, avait signalé que son ascension avait été faite.
Par un heureux hasard, récemment, je suis rentré en contact avec Robert Romanetti, grimpeur bien connu dans les Alpes, les Calanques et plusieurs massifs insulaires où il a inauguré des voies originales : l'arête de Zonza à l'Acellu à Bavedda, l'arête des Casette à la Punta alle Porte en Liamone et la face W du Capu Tafunatu en Falasorma...
Il me contactait au sujet de l'arête SE de la Punta alle Porte ("arête des Casette") pour me signaler qu'il en avait fait la première en 1967 avec son client Yves Coulombeix, puis un parcours intégral ensuite en 1973 avec des grimpeurs du CIHM.
Evidemment, nous avons trouvé beaucoup de points et de lieux communs, en particulier la face W du Tafunatu, au pied de laquelle j'ai passé tant de bivouacs et sur laquelle il n'a pas hésité à ouvrir trois voies autour de l'éperon SW dans les années 1980, et la Punta alle Porte et les aiguilles de Bavedda. L'un de ces points communs s'avéra être cette "fameuse" Punta di a Spusata qu'il me dit avoir escaladée en 1964 et répétée plusieurs fois par la suite !!
Après plusieur échanges de mails sur les détails de ses itinéraires d'approche et sur le tracé de la voie, nous nous sommes accordés pour en faire ci-dessous un petit article détaillant tout cela...
Les textes insérés dans la suite de l'article sont des textes de Robert (en bleu) concernant son ascension et les itinéraires, suivis en fin d'article par des commentaires personnels associés.
Le récit de la première ascension par Robert Romanetti :
L'ascension :
Sorti du stage de guide endeuillé par l’accident de la Verte (14 morts), je viens en Corse pour un bref séjour. N’ayant pas de partenaire, je n’emporte pas la corde. Je suis avec mon épouse native de Vico. Nous logeons chez son grand-père et, de la maison, je vois deux choses : la Spusata, objet d’une célèbre légende, et le Monte Rotondu au fond de la vallée de Guagnu.
Je m’occupe d’abord du second : la route se termine un km après Guagnu. De là, je vais au col de Manganellu, puis à gauche la longue crête jusqu’à la pointe 2525, magnifique tas de cailloux. La suite est alors évidente : il faut descendre au lac du Rotondu puis monter au sommet (4h 45min). Je choisis de retourner par Bocca Soglia et la bergerie de Belle e Buone, l’occasion de repérer une portion du futur GR et la Punta alle Porte (la boucle en 8-9h).
Je vais faire ensuite une reconnaissance vers la Spusata. Je décide de passer par Muna, mais il n’y a pas encore la route. Départ donc du pont entre Vico et Murzu par le sentier de Muna. Du haut du village, un sentier me conduit sensiblement au col d’où je bascule versant Vico. Avec quelques problèmes de maquis à contourner, j’arrive aux premiers rochers de mon but. Cela suffit pour aujourd’hui.
Quelques jours après, je repars avec un jeune cousin, Jacques Delfini. Nous arrivons ainsi aux premiers rochers, un peu moussus, et nous montons alors au niveau du cou de la Spusata. Je découvre là une large vire et je trouve le seul passage pour la suite : une fissure en plein milieu de la face (bien visible le soir, de Vico). Aidé par un arbuste, je rejoins facilement une niche. Le passage pour contourner le surplomb consiste à ramoner la cheminée (III+/IV), très technique, impossible pour Jacques. Au-dessus, le rocher est solide et facile pour atteindre le sommet. En redescendant, je repère une chatière communiquant avec la niche. Je fais ensuite la courte échelle à mon cousin qui se retrouve coincé dans le surplomb. Il ne me reste plus qu’à repasser le surplomb et le tirer par la chemise. Au final nous faisons tous deux la première, sans corde.
L’année suivante le jeune frère de Jacques, Christian, me demande de l’amener à la Spusata avec un de ses copains, Ange Poli, du village de Murzu. Nous partons à trois par le même itinéraire. Surprise au sommet, il y a un drapeau, prouvant que la seconde est faite. Renseignement pris ensuite, c’est un légionnaire habitant Chigliani. Pour nous, il ne nous reste plus qu’à mettre une bouteille avec nos noms (Christian avait emporté une bouteille en prévision) et redescendre. Je décide de tenter un « chemin » plus rapide : suivre l’épine dorsale de la Spusata puis le vallon qui descend tout droit vers la piste qui vient de Murzu (qui deviendra plus tard la route). Sans problème au début nous arrivons au niveau du maquis et heureusement des chasseurs sans doute ont eu la bonne idée de venir par ici.
Ensuite, j’ai dû revenir 5 ou 6 fois sur la Spusata avec plusieurs amis de Vico, randonneurs, mais pas grimpeurs, et, je crois, toujours par l’itinéraire 2. Pour l’escalade du « dos », je mettais les moins hardis sur une corde pour les rassurer. Maintenant, avec la route, je crois que les deux itinéraires sont possibles. Je pense qu’il vaut mieux essayer le vallon (emporter un sécateur). S’il y a trop de maquis, aller à Muna.
Les itinéraires :
Côté Spusata, je vais essayer de préciser mes deux itinéraires :
- Par Muna : accessible maintenant par la route (l'ancien sentier existe encore).
En haut du village, sentier qui passe au cimetière puis monte (en tirant sur la gauche au départ) jusqu’au col entre le Capu a u lucu et Spusata (vers la fin il s’estompe, je crois me souvenir). On passe donc versant Vico et on traverse plus ou moins horizontalement pour s’approcher du but. On monte ensuite les rochers au niveau du poitrail de la mariée. Il me semble que le rocher est moussu par endroits. On arrive ainsi à son menton où on découvre une large vire horizontale à gauche. Le seul passage est une fissure en plein milieu de la tête, d’une vingtaine de mètres. Cette fissure est bien visible de Vico, le soir au soleil rasant. - Par le vallon de Tigliu (le repérer, il aboutit à la nuque de la Spusata).
Suivre toujours le fond du vallon en espérant que les chasseurs continuent à venir. Emporter de toute façon un sécateur. Plus haut le maquis disparait, on monte sous des arbres (chênes?). On est au niveau du dos de la Spusata que l’on escalade facilement (pins laricio, assurance possible, mais attention aux aiguilles de pin glissantes). On arrive ainsi à la vire, mais du côté gauche.
L'escalade terminale :
Au niveau du cou de la Spusata, on trouve une large vire que l'on atteint par la droite avec l'itinéraire n°1 et par la gauche avec l'itinéraire n°2. La fissure est bien face à Vico, en plein milieu de la tête. Elle comporte un surplomb formant niche. L’ascension des premiers mètres était facilitée dans les années 70 par un arbuste robuste (houx ?). Depuis la niche du surplomb. gravir la cheminée en ramonage (III+ à IV). Au-dessus, le rocher se couche et devient plus facile (III-).
Commentaires : Robert a sans doute réussi une première avec l'escalade de cette voie en 1964, car on ne trouve aucune trace d'une escalade antérieure (et peu d'escalades postérieures d'ailleurs, en dehors de la seconde, découverte ci-dessus, du légionnaire de Chigliani et de celle indiquée par Fred Bruschet). D'après les explications de Robert, il semble que le maquis était moins virulent à l'époque, aussi bien dans la montée de Muna au col 850m que dans le vallon de Tigliu. Dans les années 2005-2010, ce n'était plus du tout le cas et Charles Pujos et moi-même avons été confrontés à des obstacles nécessitant des outils pour passer.
L'itinéraire préférable (itinéraire n°2) consiste à remonter le vallon de Tigliu et demande d'avoir la chance que les chasseurs soient passés récemment (comme en 1965, quand Robert a pu le faire dans le sens de la descente). Dans les années récentes (mai 2018), Olivier Hespel est allé y faire une exploration en remontant jusqu'à la crête contiguë de Punta di Curiccia et a annoté un tronçon très maquisé sur la carte de son itinéraire (cf. carte IGN à gauche et post Facebook sur Rando Explo Corse) dans la partie amont du vallon. Mieux vaut donc avoir des renseignements préalables sur l'état de la trace ou y aller systématiquement avec pinatu et sécateur.
En ce qui concerne la voie d'escalade terminale, il faut bien noter que les photos avec les schémas d'itinéraires sont là uniquement pour donner une idée du tracé possible en privilégiant l'approche, mais ne le garantissent pas. D'une part, les photos sont prises de trop loin et pas sous le meilleur angle pour qu'on se repère bien, d'autre part, des souvenirs de près de soixante ans en arrière n'aident pas à donner des précisions fiables.
Diaporama "Punta di a Spusata"
Cliquer sur la photo ci-dessus pour visualiser le diaporama
Punta di a Spusata
Photos et images diverses
Nota : Le diaporama ci-dessus est lancé avec un paramètre (fill) qui fait que les photos remplissent complètement le lecteur et sont donc partielles. Pour en voir la totalité, soit dézoomer avec la molette de la souris ou l'icône +/- , soit utiliser l'icône d'affichage normal . Visualiser en Plein Ecran avec l'icône .
Commentaires
@Romanetti
Bonjour Robert,
Il faudrait que je revienne dans le secteur de la Spusata pour constater si il y a ou non des cairns dorénavant, mais je suis un peu trop loin de ce coin et bien occupé avec la vallée du Cavu et les 70km de sentiers dont j'ai initialisé la création/restauration depuis 2015 avec l'associu "A Punta Bunifazinca" ! :-)
Personnellement, je n'ai pas entendu parler de ces cairns : j'espère que ce n'est pas une conséquence de l'article sur ce blog...
Pour le Tafunatu face W, il faut effectivement bien comprendre qu'on accède à la vire par les deux côtés :
- Nord par Bocca di I Mori, la brèche dans l'arête N du Capu et la descente du couloir W de Bocca a Rossu
- Sud par Ghjarghjole ou Silvastriccia et descente dans les aulnes
- Le tour du Capu Tafunatu est manifestement une rando sportive du plus haut intérêt (une des plus belles de Corse) et du même niveau que l'autre tour local, celui de la Paglia Orba !
Bonjour aux passionnés de la Spusata et de la face W du Tafunatu,
Quelques réflexions tardives :
- J'ai la réputation de ne pas aimer les cairns. Il semble que la Spusata soit encombrée de cairns mis sur des échecs ! Merci pour les suivants qui sont tentés de se tromper aussi. Au sujet des accès à la face ouest du Tafunatu J'avais donné à Fabrikant les 2 accès, nord et sud, ce qui permettait de faire le tour. Dans le topo il a mis "repère RR".
Pour Sylv20 : Tu parles de Sagone. J'y habite une bonne partie de l'année et je crois qu'il serait intéressant de discuter de tout ceci (tel 0603253015)
@PhE :
Complément à mon commentaire précédent :
Il y a aussi une édition Didier-Richard du Guide des Montagnes corses de Fabrikant qui date de 1993 : elle ne prend plus en compte les voies d'escalade, on n'y trouve que les approches de la vire de la face W (par le col des Maures, par Ghjarghjole et par la vallée du Fangu/A Rossa) et aucune mention de repère RR. 8-)
@Sylv20 :
Suite des réflexions sur les approches de la Spusata :
- L'approche par le col Nord est envisageable : Olivier Hespel l'a faite en mai 2018 sans signaler de gros problèmes de végétation pour y monter ! Et la suite est possible puisque Robert l'a déjà faite...
- L'approche par la rive droite du couloir W/NW semble effectivement la plus directe, mais il faut esquiver le maquis du bas du couloir
- La montée par le ravin au-dessus de Muna et l'accès au col Sud par le couloir Est (ou SE) me paraît effectivement difficilement envisageable !
Pour moi aussi le repère RR de Fabrikant dans son Guide des Montagnes corses est resté inexpliqué (je ne comprends toujours pas pourquoi il utilise ce repère mystérieux qui ne peut aider les randonneurs). Attention : c'est l'édition 1982 Didier-Richard dont vous parlez pour les pages 216-217 : j'ai une édition précédente de 1974 qui ne mentionne pas ce repère RR, ni évidemment la voie Romanetti qui date du 26/08/1981. Cela va effectivement dans le sens de votre hypothèse que RR puisse être les initiales de Robert dont la voie date de l'année précédant cette édition Fabrikant.
L'édition Fabrikant 1974 ne mentionne d'ailleurs qu'une seule voie dans la face W du Tafonatu (celle de Cousin et Lamort de Gail du 13/10/1963) et qu'une seule approche par la vallée du Fangu depuis Monte Estremu (Fabrikant estime que ce n'est pas le Fangu ici, mais le ruisseau d'A Rossa, le Fangu descendant pour lui du col de Caprunale). Personnellement, je suis monté souvent à la vire du pied de la face W par Tana di l'Orsu et mon unique tentative pour y monter par le ravin (en visant sa RG et l'arrivée à l'extrémité Sud de la vire) a été arrêtée à cause d'une progression bien trop lente dans la végétation du bas !! :evil:
Merci avant tout à vous 2 pour vos 2 récits historiques et épiques de l'approche et ascension de cette mystique Spusata qui attire tant le regard depuis Vicu.
C'est ce genre de récits qui pousse à franchir le pas pour partir tenter l'aventure dans ces montagnes sauvages, pas du tout à vaches, malgré l'altitude relativement modeste. Et d'ailleurs, on ne croise pas une seule trace de vaches ni de chèvres en chemin et c'est fort dommage car cela favoriserait le démaquisage.
Au sujet de cette végétation épineuse et problématique, je rejoins l'avis de Robert de tenter de remonter le vallon rive droite pour éviter les ronciers du fond du couloir et la traversée scabreuse de celui-ci plus haut.
D'ailleurs, si l'on ne suit pas l'une des 2 traces de peinture fluo qui bifurque et monte à droite jusqu'au col de Capu a u Lucu, l'autre trace se perd au fond du vallon de Tigliu juste après être passé en rive droite. Où donc continueraient ces autres traces de peinture ?... Car hormis un 2ème itinéraire sauvage - très sauvage - en direction du col Nord, peu de chance que ce "chemin" mène à Rome ! ;-)
Concernant l'autre accès hypothétique au sommet aperçu depuis le col Sud, on devine ce couloir sombre montant dans l'ombre en diagonale sur la photo du diaporama du versant Est.
Mais, aussi rares qu'aient été les conquérants du sommet de la Spusata, je ne peux croire qu'aucun, et notamment Robert le 1er, n'aie repéré cette autre voie d'accès au sommet... sinon, cela signifierait que cette variante n'est pas plus facile que l'escalade via la fissure !?
Pour ce qui est de l'approche jusqu'au col Sud par le ravin et le couloir Est au-dessus de Muna, il semble quand même sur les photos prises de ce versant que les parois soient assez verticales. Donc, pas sûr que cela vaille la peine de se frotter au maquis de ce coté-là ? Sauf à trouver une vire magique comme celles du Falasorma...
PS: à ce sujet, je profite de l'actualité récente dans cet autre lieu fascinant pour savoir si quelqu'un peut m'éclairer sur la signification d'un mystérieux "repère RR" ?
Indication de durée mentionnée à 2 reprises par M. FABRIKANT dans son fameux "Guide des MONTAGNES CORSES" pages 216 et 217 au sujet du tour du Tafunatu par la spectaculaire vire serpentant au pied de sa face Ouest.
Cela correspondrait bien aux initiales de Robert qui a ouvert une voie d'escalade par là-bas le 26 août 1981...
@Sylv20 :
Bravo à Sylv20 pour son exploration très détaillée, de plus en solitaire. D'après mes souvenirs, datant de plus de 50ans(!), il aurait mieux valu continuer le vallon rive droite, même sans peinture, pour arriver à gauche de la Spusata, ce que j'appelle son dcos. Bravo d'être arrivé si haut, même si c'est râlant d'arrêter tout près du but. Il y a 2 mètres un peu difficile (sans doute IV). Bravo quand même d'avoir renoncé : il faut savoir renoncer si on sent qu'il y a danger, surtout seul.
@Sylv20 :
Voilà un commentaire exceptionnel sur ce Blog !! LOL
Bravo pour ce récit et tous nos remerciements pour ces informations qui donnent beaucoup plus de lumière sur le parcours de l'approche de la Punta di A Spusata et des pièges de cette approche !! :-)
Évidemment, j'y ai retrouvé des tas de souvenirs : la sente du vallon de Tigliu (pas de peinture en 2006), le roncier en bas du couloir entre Spusata et pointe 1182, les difficultés pour rejoindre ce couloir, etc...
J'ai enfin réussi à comprendre pas mal de choses que je n'avais pas appréhendées en 2006 : la confirmation que la traversée exposée était peu envisageable pour rejoindre le couloir au-dessus du roncier depuis la crête de Bocca a Lucu en RG du ravin (ayant décidé de ne pas l'effectuer, je suis descendu dans le couloir, mais suis arrivé SOUS le roncier ! cf. photo depuis la RG du ravin), la possibilité de traverser le couloir vers sa rive droite en évitant le roncier et en rejoignant les rochers moussus de Robert, des détails sur la fin de l'escalade lorsqu'on a rejoint le nez de la Spusata, l'utilisation du chêne dans la fissure, la niche et la "chatière", le niveau d'escalade du surplomb (IV), ...
Reste à vérifier l'accès que vous suggérez par le couloir Sud que j'ai compris être un accès au sommet depuis le col Sud (ou Sud-Ouest) mais qui ne change rien au fait qu'il faut atteindre le col Sud par le couloir Ouest et les rochers moussus comme vous l'avez fait ou par le col Nord et la vire qui fait le tour du nez de la Spusata.
Il reste donc effectivement de la place pour d'autres explorations et aventures, par exemple en tentant un accès par le ravin au-dessus de Muna et le col Sud via le couloir (Est) de ce côté-là (?). Le maquis doit quand même y être horrible ! :evil:
Pour faire suite au récit historique de la 1ère de Robert Romanetti ainsi qu'à la "sanglante" ascension de la pointe 1182m de juillet 2006, voici un état des lieux et notamment de la végétation à la fin de l'été 2022.
L'emblématique face de la Spusata ayant attisé ma convoitise depuis quelque temps, une fois les fortes chaleurs estivales passées, décision est prise de partir en repérage depuis le vallon de Tigliu.
Ce choix s'étant naturellement ou disons kilométriquement imposé, ayant corsé l'aventure en partant de Sagone en VTT.
La bonne nouvelle est que la sente de chasseurs est toujours empruntée et donc relativement propre. Elle est même jalonnée de quelques cairns et une fois passé les anciennes "carbonara", on trouve carrément des marques de peinture jaune/vert fluo. Traces qui me laissent plus penser à des randonneurs qu'à des chasseurs...
Au-delà de 650m d'altitude, le cheminement devient plus problématique.
Les traces de peinture fluo deviennent difficiles à trouver et s'orientent à gauche vers l'autre rive (droite orographique) du ruisseau. Une fois le ruisseau franchi, je perds toute trace et déchantant je me résous à revenir sur mes pas d'une centaine de mètres. Là, je retrouve des cairns et des marques de peinture fluo semblent bifurquer à droite cette fois-ci en direction du col du Capu a u Lucu. Un cairn plus important marque cet endroit clé où la sente quitte donc le fond du vallon pour obliquer perpendiculairement à droite et s'élever vers le col 830m.
Ayant manqué cette bifurcation, je monte directement à travers le maquis arborescent dans l'idée de rejoindre le couloir Nord-Ouest issu du col entre la Spusata et la pointe 1182m. Ce couloir est malheureusement complètement envahi par des murs de ronces de plusieurs mètres infranchissables même armé d'un pinatu.
Obligé de contourner une barre rocheuse par la droite, j'arrive à sortir de la végétation vers une sorte de brèche marquée d'un beau pin lariciu... et d'un cairn salutaire, pour ne pas dire solitaire !
En effet, il s'agit quasiment de la dernière trace provenant de la crête rocheuse issue du col du Capu a u Lucu.
Au-delà de ce pin lariciu, plus grand chose de commode. En longeant vers la gauche la base de la paroi verticale de la pointe 1182m, on peut quand même parvenir à un accès à la partie supérieure du fameux couloir Nord-Ouest. Mais ensuite, cela nécessite une traversée exposée et dangereuse d'abord descendante au-dessus d'une véritable jungle de ronces qui envahissent tout le fond du vallon jusqu'à son extrémité au col Sud-Ouest. Sur l'autre versant de ce vallon, les rochers moussus évoqués par Robert Romanetti permettent de grimper jusqu'à la base de la tête de la Spusata. Arrivé à une brèche faisant communiquer les 2 itinéraires décrits par Robert, où l'on découvre la "vire horizontale" marquant l'entame de l'escalade finale.
L'arbuste est désormais un arbre (un chêne précisemment), indispensable échelle naturelle permettant de grimper dans la fissure.
Vient ensuite la fameuse niche dont le toit est formé par des blocs coincés qui créent la "chatière" ayant permis au cousin de Robert de déboucher de la fissure.
Malheureusement, personne pour me faire la courte échelle ni me tirer par la chemise !
Après une ultime tentative de ramonage en opposition de cette fissure en dévers surplombant, force est de constater qu'il va donc falloir en rester là. On est clairement dans un passage d'escalade (plutôt IV que III) et désescalader sans corde la partie haute qui déverse comporte une grande prise de risques.
Au retour, après un crochet au col Sud-Ouest souhaitant éviter de désescalader la partie avec les rochers moussus en tentant à la place de descendre dans le haut du vallon (en vain toujours à cause des murs de ronces), une autre approche potentielle du sommet m'est apparue. Sur l'autre versant, donc côté Sud, une sorte de couloir encombré de gros blocs permet peut-être d'atteindre également le sommet ?
Une connaissance m'a dit avoir atteint le sommet, mais que depuis il y avait eu un éboulement. Cela correspond hypothétiquement à ce couloir aperçu car la voie historique ne semble pas avoir bougé depuis 1964 !
Avis aux aventuriers qui réussiront à déjouer les murs de ronces d'aller explorer cela...
@Romanetti :
Bonjour Robert,
Effectivement, le commentaire de Fred Bruschet est complètement conforme à ton récit en ce qui concerne l'escalade finale (fissure, arbuste, écart, ...) ! Par contre, il n'est pas très clair sur la marche d'approche... même si on peut imaginer qu'il est venu par Muna et Bocca a u Lucu.
J'ai lu le message de Fred Bruschet sur son ascension en 2006. Je pense qu'il est monté par Muna et je confirme les derniers mètres : il y a bien un arbre (que j'appelle arbuste robuste), un écart (je dit ramonage) et la fissure au-dessus est facile et large.
J'espère de nouvelles visites sur la spusata et les commentaires...
Une autre illustration musicale de la Punta di a Spusata !
Antoine Ciosi - La Sposata
Antoine Ciosi - La Sposata
@olivier hespel :
Je ne me souvenais plus de ta visite de Bocca a u Lucu en 2017 !
Elle confirme les dires de Charles Pujos qui l'avait essayée en 2005/2006 et avait perdu beaucoup de temps dans le maquis à la montée, en final sans pouvoir dépasser le col.
En 2006, j'avais atteint ce col beaucoup plus facilement de l'autre côté par le vallon de Tigliu... Par contre, à cette époque, je n'avais pu continuer dans le bas du vallon vers le col Nord (sans outils)... 8-)
Bravo pour ce récit bien détaillé. On est monté aussi par Muna y'a pas si longtemps (cf Rando Explo Corse) Bocca di Lucu.Muna. Dui sorru. Jul 17 Assez sale mais passable.
Une illustration musicale de la Punta di a Spusata ?
Voce Ventu - A spusata maladetta
Voce Ventu - A spusata maladetta
Quella ch’omu chjama A Spusata
Petra da u tempu ruzzicata
Quassu frà la tarra è lu celu ritta
Par sempre sola è par sempre zitta
Quella chi una parolla hà seccu
Parolla sola, parolla d’azzeccu,
Cio ch’elle facenu e ghjasteme,
A ci ramenta è face teme !
Quassu sticchita par l’eternità,
Sola sola in la so virginità
In lu so vistitu di sciappa liscia
Piu nulla nè piu nimu a miscia
A capu à capu incu a luna guercia,
A notte santa li face una treccia
Di mute streie eppo di murtulaghji
Scappati da li so fuculaghji
Sola a neve di u Capudannu
A si veste dino d’un biancu pannu
E tandu rinvivisce A Spusata
Pianu pianu si ne colla a scalinata
Ma quesse so finzione da fole
E si ne durghjuleghjanu à u sole.
Maladetta fu è maladetta stà
Quassu spusata pà l’eternità !
Maladetta fu è maladetta stà
Quassu spusata pà l’eternità…