Ravins de Carciara et Frassiccia
Par PhE le samedi 29 septembre 2012, 15:48 - Ravinisme - Lien permanent
A la fin du séjour de Dominique à Sainte-Lucie, nous nous étions mis d'accord pour tenter une nouvelle course, non connue de moi-même et plus engagée que les parcours précédents que nous venions de réaliser depuis le début de la semaine. J'avais proposé le ravin de Frassiccia, en prolongement de mon exploration en octobre 2011 dans l'autre branche en amont du Carciara qu'est le Velacu (Cf. article Ravins de Carciara et de Velacu de janvier 2012). Le ravin de Frasiccia ressemble beaucoup à celui du Velacu, à l'exception du fait qu'il ne comporte pas le raide couloir final qui descend du Tafonu di u Cumpuleddu que je n'avais pas fait et qui semble de difficulté nettement supérieure à toutes les autres parties des deux ravins. Mais, contrairement au Velacu, la Frassiccia démarre par une cascade en ressaut et un boyau rocheux en amont que l'on voit depuis la confluence et qu'il faut évidemment contourner. Cet obstacle le rend plus difficile à franchir que la partie basse du Velacu. Mais, si l'on en croit la carte, il ne semble pas comporter d'obstacle important au-dessus de ce ressaut. C'était donc une réalisation majeure que de remonter ce ravin : plus de 1000m de dénivelé depuis le carrefour des pistes Mela/Lora (290m) jusqu'à Bocca di Fumicosa (1325m) d'où le ravin descend, environ 8,5 km à franchir et les obstacles de la cascade et du maquis des deux rives !
Ce fut le Samedi 7 juillet 2012 au matin que nous nous sommes préparés à affronter ce nouveau parcours en nous levant avant 7h... Malheureusement, ce matin-là, Dominique se retrouva en mauvaise forme et affligé d'un mal de crâne qui l'engagea à renoncer à la course : il me proposa de la faire sans lui, puisque nous étions levés et que tous les préparatifs avaient été faits. Et me voilà parti en solo pour cette course, comme lors de ma précédente sortie dans ce coin l'année dernière...
Vous trouverez sur la partie gauche de la page la carte du parcours que j'ai réalisé ce jour-là, même s'il n'a pas été possible d'aller jusqu'au col en haut du ravin, et le rappel du parcours d'octobre 2011 dans le Velacu tout proche.
Le parcours depuis le Mela jusqu'à la brèche du Carciara
Parti en voiture de Sainte-Lucie vers 08h20, j'arrivai à 08h45 au parking du carrefour des pistes Mela/Lora. C'était d'ailleurs la dernière fois de l'été que j'allais pouvoir emprunter cette piste puisque ensuite à partir du 15 juillet, la barrière incendie sera systématiquement fermée avant le pont de Marion, empêchant de franchir le pont et de remonter en RG du Cavu !
Pas grand chose à dire de neuf sur le trajet entre le parking et la brèche du Carciara : remontée du sentier du Mela, en traversant l'aire de pique-nique à 09h15, jusqu'au point où l'on descend au Mela vers une grande vasque circulaire atteinte à 09h30, puis remontée des lits du Mela jusqu'au Peralzone, du Carciara ensuite. Au passage, je notai à nouveau les magnifiques vasques qui existent au niveau de la confluence avec le Peralzone et que nous avions déjà largement utilisées pour des baignades fraîches et reposantes avec Eckard et les Despax lors de notre semaine d'après-trek durant la dernière quinzaine de juin... Arrivée à la porte du canyon du Carciara à 10h10, à la vasque qui est située juste en aval et qui est longée en RD par le vieux chemin d'exploitation dont les vestiges sont largement présents dans ce coin.
La brèche du Carciara, son ancien chemin d'exploitation, ses parois rocheuses
La première fois que j'ai traversé le canyon de Carciara par cette brèche, c'était pour aller visiter le ravin de Velacu en octobre dernier : j'avais bien noté alors les vestiges d'un ancien chemin en RG du ruisseau, mais uniquement sur une centaine de mètres, sans avoir vu les autres ruines évidentes quand on prend le temps de regarder ! Depuis lors, nous avons découvert des vestiges du même chemin, d'abord en RD en aval de la brèche, puis aussi en RD en amont de la brèche, le tout sur environ 1000m allant depuis le Vangone di a Neve en amont jusqu'au ruisseau de Pino Negro en aval. En attendant d'explorer la suite du chemin vers l'aval le long du Carciara...
Depuis ces découvertes, j'utilise le chemin pour traverser la brèche, et, ce jour-là, je le pris à hauteur de la vasque d'entrée sur la RD (flèche en peinture fluo sur un pin) pour le remonter entre les branches mortes qui l'entravent un peu et rejoindre le ruisseau dans la brèche en évitant la partie de blocs que j'avais utilisée antérieurement. Le chemin franchissait le ruisseau à cet endroit à un resserrement des berges qui permet toujours de le traverser à pied à peu près sec. Sur l'autre rive (RG), on retrouve les restes de murets 50m plus loin qui soutenaient le chemin que l'on peut continuer à suivre pour contourner les blocs centraux.
Il parcoure toute la brèche sur cette rive, face aux impressionnantes parois rocheuses de la RD dont la hauteur doit dépasser 150m de rochers spectaculairement surplombants et profondément découpés par les fissures et les tafoni. Une magnifique paroi propice à l'escalade et qu'il faudrait absolument signaler aux grimpeurs corses en mal d'ouverture, si ce n'est déjà fait !
En suivant de bout en bout ces vestiges, agrémentés de restes d'abris et de grottes, je parcourus ainsi la brèche jusqu'à son extrémité amont où le sentier, dallé par endroits, redescend dans le lit encombré de blocs du Carciara. Au total, la brèche fait environ 500m de long que le chemin aide encore à franchir facilement. Fin du canyon vers 10h30.
De la brèche du Carciara à la confluence Frassiccia - Velacu
Une nouvelle surprise après la brèche ! Alors que les anciennes cartes (Cadastre Napoléon) tracent ce chemin depuis le Mela jusqu'à l'arrivée dans la brèche, si l'on prend la peine de chercher un peu en amont de la brèche, on s'aperçoit que le chemin continue bien au-delà. Au chaos de blocs, il suffit de remonter d'une dizaine de mètres en altitude sur la RG pour retrouver la suite qui continue en empruntant une branche annexe du ruisseau, sans doute seulement en eau lors de certaines crues. Je remontai ce sentier, toujours aussi spectaculairement dallé et bordé de beaux murets, jusque dans cette branche où je retrouvai l'extrémité haute du câble métallique que j'avais trouvé en octobre 2011. Preuve d'une exploitation utilisant ces câbles et ce chemin, pour, sans doute, redescendre du bois (?).
Un peu plus loin, j'arrivai à cette belle double vasque qui offre une bonne possibilité de baignade avec une vue splendide sur l'enfilade du canyon en aval. Ici, de nouveau, le chemin devait retraverser le Carciara puisque je découvris à nouveau des ruines et des vestiges bien conservés de murets, en RD cette fois-ci, qui permettaient de contourner la vasque par la gauche. Je pus encore continuer à le parcourir sur une cinquantaine de mètres avant qu'il se perde...
Au-delà, le parcours redevint un parcours "normal" de ravin sauvage avec une première partie de ruisseau transformée en vaste champ de blocs avant d'arriver à une nouvelle brèche rocheuse, une miniature par rapport à la brèche précédente. Cette brèche était l'annonce d'une série de petites cascades avec ressauts à franchir dont l'un exigea un pas d'escalade dans l'eau de la cascade pour l'escalader sans trop réfléchir. Je me souvins d'ailleurs que j'avais aussi réalisé cette petite escalade douteuse lors de mon passage précédent. Cinq minutes plus tard, à 11h15, j'arrivai à la confluence Frassiccia/Velacu, terme de la partie que je connaissais déjà... ou croyais déjà connaître !
La remontée de la Frassiccia
Effectivement, le départ de la remontée du ruisseau de Frassiccia posait immédiatement un problème que l'on n'avait pas du côté du Velacu ! En effet, une magnifique cascade d'une douzaine de mètres de haut et un ressaut rocheux correspondant bouchent totalement le début du ravin. Rien d'autre à faire que de contourner : j'ai choisi la droite (RG) avec déjà un pas d'escalade délicat pour éviter de mettre les pieds dans l'eau, puis une remontée dans un maquis sous pinède que j'abrégeai au maximum afin de gagner le sommet de la cascade. Mais là, pas moyen de continuer non plus car une belle vasque surmontée d'une cascade et un boyau rocheux bien raide empêchaient le passage. Retour dans le maquis sous pins afin prolonger le contournement entamé. Mais c'est une véritable ascension qu'il me fallut faire pour contourner ce ressaut rocheux prolongé par une arête le long de laquelle il faut grimper. Les pins étaient très peu espacés, le maquis très dense avec troncs et branches mortes, ronces et lianes grimpantes...
Dans cette végétation extravagante, j'eus la surprise de trouver des murets sous-tendant une sorte d'aire plane ayant sans doute servi à du pacage (?) et, comme dans le Velacu, la question de savoir pourquoi des gens venaient à une époque jusqu'ici dans ce coin perdu... La montée s'est poursuivie pendant un long moment, au mieux des trouées dans le maquis et il fallut gagner près de 85m d'altitude pour sortir de la végétation et apercevoir sur la G un col bien taillé dans l'arête rocheuse que j'atteignis à 12h. De là, on avait une triple vue sur les trois branches de ravins : le Carciara déjà remonté avec le canyon en aval, le Velacu sur la D et la suite du ravin de Frassiccia devant moi avec le chaînon rocheux entre Punta Buvone et Punta di Bonifacio.
La descente du col vers le lit du ruisseau, beaucoup plus courte évidemment que la montée, fut assistée par ce qui me sembla être une trace facilitant le passage dans le maquis. Il y a peut-être quelques malades comme moi qui font ce parcours de temps en temps ? Arrivé dans le ruisseau, je pris le temps de le redescendre un moment pour contempler l'arrivée du boyau rocheux dont j'avais vu le départ plus bas. Puis, vers 12h20, je me remis à monter dans le ruisseau devenu ravin étroit et encombré de blocs.
La suite du parcours ne fut pour moi qu'une suite confuse de franchissements de blocs, de vasques, de ressauts rocheux avec cascades, de troncs d'arbres en travers sans que j'arrive à me souvenir de paysages marquants. Près de 1000m de parcours entre 660 et 790m d'altitude, sans obstacle majeur mais une incessante bataille pour contourner ou escalader les mille petites difficultés du lit du ruisseau. Et près d'une heure pour parcourir ce petit kilomètre...
Seul souvenir marquant : la vue magique au-dessus de moi du Campanile de Santa Lucia, surgissant des nuages masquant les sommets, accolé au Promontoire et à Punta Cumpuleddu !
Le ruisseau avait obliqué en s'axant sur ce qui semblait être la pointe 1209m du chaînon Punta Buvone - Punta di Bonifacio au-delà de laquelle il paraissait perdre de ses difficultés. En attendant, il continuait à les accumuler avec un enchaînement de boyaux rocheux étroits pas faciles à négocier, entrecoupé de quelques vasques avec ressauts.
Le dernier, abordé vers 13h05, me fut fatal. Je choisis de le contourner en RD par la gauche, pensant que l'autre rive était plus encombré de maquis. Après une escalade de la rive dans une raide pente de terre grasse, de blocs descellés et de racines de chênes-verts, je tentai de progresser en ligne de niveau pour dépasser la cascade qui fermait la fin du boyau et redescendre dans le lit du torrent. Malheureusement, je fus bloqué à 7/8m de hauteur au-dessus du ruisseau par un éperon rocheux vertical non franchissable. Il y avait peut-être une solution en montant beaucoup plus haut sur cette même rive pour passer au-dessus de l'éperon, mais la pente plus le dénivelé plus le maquis m'ont incité à en rester là et à faire demi-tour. Retour écœuré au point de départ du boyau à 13h30 vers 790m d'altitude...
Je profitai de cet échec pour faire une pause-déjeuner jusque vers 13h50, mais cela ne me profita pas puisque je trouvai toutes les excuses possibles pour entreprendre immédiatement la descente : fatigue, heure trop tardive pour terminer les 1700m de distance et les 535m de dénivelé restants plus la descente ensuite, etc...
La descente et le retour
Cette descente démarrée à 13h50 fut finalement plus aisée et rapide que je l'avais imaginée. Arrivée à l'aiguille du contournement de la cascade et de son ressaut à 12h45, confluence Frassiccia - Velacu à 15h20, traversée de la brèche de Carciara de 16h à 16h20 et arrivée aux vasques vers la confluence Peralzone à 16h50.
Du coup, c'était un peu tôt, puisqu'il ne me restait plus qu'un peu plus d'une heure de descente, et j'en suis presque venu à regretter de ne pas avoir poussé l'exploration du ravin plus haut ! Pause donc à la plus belle vasque où je restai une bonne heure pour me baigner et me laver de toutes les saletés ramassées plus haut. Redémarrage vers 17h50 et arrivée à la voiture à 18h45 après cette journée bien remplie.
Conclusion :
Comme pour la précédente reconnaissance dans le Velacu, voilà encore un enchaînement de ravins méritant le détour, simplement déjà par l'ambiance de cette remontée vers les crêtes de Bavella et les paysages magnifiques qu'elle procure : brèches rocheuses spectaculaires, vasques et cascades habituelles des ravins de la région, végétation assez tropicale par endroits, ... Plus difficile que le bas-Velacu (en excluant le ravin final vers le Tafonu di u Cumpuleddu) à cause de son départ rendu compliqué par la cascade et le ressaut initial, puis des multiples petits obstacles accumulés ensuite, il est assez confiné et souvent austère sous une végétation souvent refermée au-dessus du lit du ruisseau. La progression en est d'ailleurs ainsi rendue un peu plus stressante (au moins en solo !).
A nouveau et de manière renforcée, la remarque sur ces traces d'une activité ancienne et révolue dont je n'ai pas l'historique ! L'ancien chemin d'exploitation qui permettait d'accéder en ces lieux est encore plus important que ce qui en apparaît sur les anciennes cartes puisqu'il dépasse largement la brèche en amont... Et tous ces vestiges patrimoniaux constituent un attrait supplémentaire non négligeable pour le site du canyon du Carciara.
Comme les ravins précédents du coin, ce parcours est réservé aux habitués de ce genre de loisir avec essentiellement de la marche en blocs et la confrontation à une multitude d'obstacles rocheux avec d'incessants choix de contournements d'obstacles. Là non plus, aucun vrai passage d'escalade à franchir. La durée du parcours (4h30 jusqu'au point extrême atteint à 790m, et il reste encore bien 2h de montée) empêche de flâner dans ce ravin et, en ce qui me concerne, je ne le finirai dans sa totalité que dans le cadre d'une traversée, ainsi que le Velacu d'ailleurs, en redescendant de Bocca di Fumicosa sur Viseu et en m'y faisant prendre en voiture. L'aller-retour dans la journée pour la totalité du parcours n'est plus de mon âge et, dans ce genre, l'épreuve du Finicione m'aura suffi !
Vous pouvez re-consulter sur la gauche de la page la carte de la partie de la Haute Vallée du Cavu contenant les ravins parcourus lors de la course décrite dans cet article, ainsi que celui du Velacu en octobre 2011.
Enfin, ci-dessous, le diaporama avec les photos provenant de ce parcours :
Commentaires
@François :
Je n'aime pas trop aborder les ravins par le haut en descente : d'abord cela est plutôt de la pratique du canyoning (en cherchant l'eau !) et ensuite, lorsqu'il y a un obstacle que l'on ne peut franchir, on est obligé de remonter ce qui est parfois délicat une fois épuisé et démotivé...
Finalement, tu as raison, ce n'est sans doute plus de mon âge et je me suis effectivement rabattu en fin de saison sur des parcours de tout repos ! Le Trou de la Bombe (Tafonu di u Cumpuleddu) à Bavella, cette grande classique proposée à tous les touristes qui descendent du car au col, cela te convient ? LOL De plus, je l'ai fait accompagné par mon fils, ce qui fait qu'il n'y avait même plus de problème de sécurité !! ;-)
Je ne sais pas trop si cela doit faire l'objet d'un article sur Corse sauvage, mais j'y pense quand même pour bientôt... 8-)
Là encore, ça nous rappelle les bonnes baignades de cet été, et la découverte de ce vieux chemin qui doit se prolonger en RD en aval de la brèche, mais dans quel état? Encore une source d'exploration...
Quitte à faire une traversée, ne penses-tu pas qu'il vaudrait mieux l'aborder par le haut? Mais tu préfères peut-être explorer en montant, et profiter à chaque fois de l'expérience acquise lors des tentatives précédentes? A moins de prévoir un bivouac mais évidemment, on se charge un peu plus. En tout cas chapeau, mais il me semble que, "à ton âge", c'est limite prudent de partir seul dans une zone où évidemment le portable ne passe pas. Le mieux serait d'y aller à 3 ou 4. Pourquoi pas l'an prochain?