Trek du Col Saint-Georges à Cartalavonu du 12 au 16 juin 2012

Prologue

« On cherche toujours à reproduire les grandes réussites. Mais l’histoire ne se renouvelle jamais exactement à l’identique, et c’est bien ainsi ».

Ce lundi soir 11 juin 2012, après la pose photo souvenir du départ et les adieux à Marie-Pierre, nous embarquons à bord du Mega-Express 5 de Corsica Ferries, sous une grosse pluie battante illuminée par les éclairs violents d’un orage bien toulonnais.
Comptons-nous : François et Marie, Jean-Bernard, Gilles, Véronique, Alix et Hubert.
Nous mettons quelque temps à frayer notre chemin jusqu’aux cabines, puis, par un réflexe non concerté désormais acquis, nous nous retrouvons assis au piano-bar autour d’une toujours fraîche … « Pietra » !

La troupe avant le départ au bistrot du Col Saint-Georges Ce mardi 12 juin, après une courte nuit, nous nous réveillons lentement, écarquillant nos yeux, accoudés au passavant des canots de sauvetage. La côte de l’Ile de Beauté déroule sur bâbord son long ruban sombre de montagnes. Les Sanguinaires défilent sur une mer d’encre. Le ciel qui vient tout juste de se faire rincer, est encore pavé d’épais nuages bouchant l’horizon que déchirent les premiers rayons du soleil.
Cette arrivée théâtrale dans le golfe d’Ajaccio nous rappelle que la cité vit naître « l’ogre de Corse », ce jeune officier d’artillerie parti à la conquête du monde avec un appétit sans mesure. Avant de virer devant la citadelle, nous croisons un gazier stoppé au milieu de la rade qui semble attendre encore que la ville s’éveille.
07h00 : A peine amarré, suivant un rite bi-quotidien presque immuable, le ferry déverse sur le quai Bonaparte sa cargaison de camions, voitures et passagers, comme un flot soudain libéré. Et nous voilà partis à pieds tous les sept à la conquête de la Corse, sous la houlette de François, et bientôt sous l’égide de notre ami Philippe de « Corse Sauvage ».
08h00 : D’abord prendre un solide petit déjeuner. Au flair, nous nous dirigeons vers l’hôtel « Delphini » où nous avions eu le bonheur, l’année précédente, de nous gaver d’excellents « croissants à volonté ». Mais la crise est bien là : un seul croissant par personne, et sous l’œil attentif de la patronne, c’est mesquin !
09h00 : Au tempo suivant, nous voilà embarqués à bord d’un autocar à destination de Sartène et Bonifacio qui nous hisse confortablement jusqu’au col Saint-Georges, entre Cauro et Grosseto, pour le départ de la première étape « Saint-Georges/Frasseto ».
Devant l’hôtel du col Saint-Georges, nous retrouvons nos amis Corses d’adoption,  Philippe et Nicole (« Corse Sauvage »), ainsi que Pierre et Monique conduits par sa sœur Jacqueline, notre coéquipière de l’an dernier que nous sommes très heureux de retrouver au départ de cette randonnée. Nous regrettons bien qu’elle ne puisse nous accompagner cette fois encore. L’escouade des randonneurs est maintenant au complet, le ravitaillement aussi.
Petite pluie fine, mais, comme chacun sait, pluie du matin n’arrête pas le pèlerin.

Mardi 12 juin : 1ère étape de SAINT-GEORGES à FRASSETO - 18km

Carte de l'étape Col Saint-Georges - Frassetu J1 Saint-Georges - Frasseto :
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Arrivée de la troupe à Bocca di Foce Après quelque hésitation, nous prenons le bon chemin vers l’Orient : Pianu di Sopare, Giocatoio, Punta Maggiola (1082), forêt domaniale de Santa Maria Siché, Punta d’Arghiavana (1275m), puis descente sur Quasquara et enfin Frasseto.

Sur le Pianu di Sopare : Alix, Marie, Pierre, François, Véronique Le sentier après Pianu di Sopare : Pierre toujours valide

Pause vers Giocatoio : Pierre est blessé Vers Punta Maggiola : la troupe

La crête autour de Bocca Sant'Antone, la forêt de Santa Maria Siché et le golfe d'Ajaccio Les sous-bois dans la descente vers Quasquara

Digitales En ce début du mois de juin, la montagne est garnie de fleurs parmi lesquelles la belle digitale fait notre admiration ; les bois encore frais nous ont réservé leurs meilleurs fruits : des vrais cèpes, de jeunes bolets encore inhabités, du « boletus edulis » suivant l’expression de nos botanistes distingués. Les crêtes nous présentent de beaux rochers de granit ruiniformes, des statues animalières à la mesure de nos imaginations. De beaux panoramas s’ouvrent vers l’Ouest sur le golfe d’Ajaccio, vers le Nord sur le Monte d’Oro (2389m) et le massif du Renoso (2352m). Au pied de la Punta d’Arghiavana, la vue porte à l’est vers le massif de l’Incudine, au sud vers les reliefs anarchiques de la Corse méridionale. Nous descendons dans les châtaigneraies vers Quasquara, village perdu au flanc de la montagne qui semble désert.

Vers Punta Maggiola : vue depuis la crête sur la vallée du Prunelli Bocca di Foce : vue vers le massif du Renosu

Arrivés tôt dans l’après midi à Frasseto, nous dégustons une fraîche blonde au pied du beau clocher de son église, tout en attendant l’autocar qui nous emportera vers Cozzano, un petit village bien corse situé au bout d’une route passablement tortueuse, à quelques dizaines de kilomètres dans le nord-est, au fond de la vallée du Faravo. Je remarque que nous passons à Zevaco puis à Zicavo, et ma voisine d’autocar indignée me lance qu’on ne doit tout de même pas confondre Zevaco et Zicavo !
A Cozzano, nous prenons possession de notre nouveau cantonnement à partager avec quelques touristes marcheurs du nord de l’Europe. La table est excellente. Le chef nous sert aimablement le plat de cèpes que nous avons cueillis sur notre trajet. Demain avant l’aurore, il sera sûrement au fond des bois les plus sombres sur la piste des bolets …
Mercredi 13 juin, un beau soleil chaud et sans nuage se lève lentement, illuminant bientôt le bourg de Cozzano puis Giovicacce, Sampolo, Ciamanacce … C’est l’heure de reprendre nos bâtons pour l’étape suivante.

Village de Quasquara Porte d'une maison de Cozzano

Mercredi 13 juin : 2ème étape, de COZZANO à BASSETA - 16km

Carte du Taravu et du Cuscionu de Cozzano aux bergeries de Bassetta J2 Cozzano - Basseta :
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Châtaignier cyclopéen dans la montée vers le barrage du Partusu Après un solide déjeuner et quelques emplettes au village pour le pique-nique d’altitude, nous quittons Cozzano par un dédale d’antiques chemins forestiers à l’ombre de la châtaigneraie : châtaigniers cyclopéens couvrant de leur verdure des rocs de granit gigantesques. Nous remontons la vallée du Partuso jusqu’à la prise d’une conduite forcée récemment installée.

Environs des bergeries de Pinettu Barrage du Partusu et départ de la trace vers les bergeries de Chiasolli

Lac et barrage du Partusu De là, notre sentier nous conduit à flanc de montagne, dans une prairie d’herbe fraîche, à Bocca di Chiarasca au pied de la Punta di l’Arleda 1421m. Nous plantons là notre bivouac, pour le temps du pique-nique seulement en admirant le Monte Occhiatu (1752m), le Padulelli, le Tignosellu. Mirabelle et Calva nous assurent une première sieste pleine de belles images. La route n’est plus très longue pour aujourd’hui : après les bergeries de Chiasolli, nous arrivons au refuge de Basseta, par le côté « carcasses de voitures ». Nous sommes bien accueilli par une fratrie de jeunes typiquement corses. On se croirait dans les récits de voyages aventureux du 19ème siècle. Le refuge est bien ensoleillé à cette heure-ci et certains s’offrent une seconde sieste tandis que d’autres entreprennent une marche de reconnaissance au-delà de Basseta.

Arrivée à la pause pique-nique sous Punta di l'Arleda Hameau ruiné des bergeries de Chiasolli

Bergeries de Chiasolli : une habitation en activité Repos aux Bergeries de Bassetta

Le soleil décline et le berger voisin fait quelques approches pour attirer la clientèle. Véronique et Alix se laissent séduire. Les voilà bientôt dans une antre cyclopéenne basse, sombre et humide, fleurant fort le lait caillé, en admiration devant les rangées de fromages de tous âges qui mûrissent en silence. Elles y ont goûté, elles ont trouvé que cela était bon. Ce sont donc un, puis deux, puis trois fromages qui vont prendre la route avec nous. Le premier sera dévoré à l’apéritif par petites tranches le soir même, le second sera englouti au pique-nique du lendemain et le troisième disparaîtra mystérieusement.
Le dîner à la grande table du refuge de Basseta, agrémenté par les cèpes cueillis en chemin, est fort sympathique et d’excellente qualité. Le refuge se serait bien prêté à une veillée, mais la plupart de nos marcheurs étaient recrus de fatigue ; seuls veillaient François interviewant des jeunes qui partaient le lendemain vers le massif de Bavella, et Gilles qui nous a offert une de ces fameuses myrtes dont je me rappelle encore ! Elle m’a réchauffé pour la nuit. Une nuit d’altitude dans des bungalows qui fut un peu fraîche au goût de certains. Mais les plus sages avaient pris leurs précautions, en enfilant tous leurs habits disponibles les uns sur les autres. Il est vrai qu’au petit jour, j’apercevais un rai de soleil passant entre la toiture et le parement de bois : aération imprévue, certes, mais qui inondait de froid nos couchettes durant toute la nuit !
Préparatifs de départ le matin aux Bergeries de Bassetta A vrai dire, ce n’était tout de même pas la belle étoile …
Au petit matin, après le déjeuner, nous goûtons le plaisir de boucler nos sacs à la chaleur du soleil levant, tandis que Véronique retourne chez le berger faire encore l’emplette de quelques autres fromages.

Jeudi 14 juin : 3ème étape de BASSETA à SERRA DI SCOPAMENE - 22km +300m –600m

Carte du Cuscionu des bergeries de Bassetta au centre de ski de fond de Bucchinera Carte du Cuscionu et d'Alta Rocca de Bucchinera à Serra-di-Scopamene J3 Basseta - Serra di Scopamene :
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Après les Bergeries de Bassetta : chapelle San Petru La caravane entame son étape la plus longue. Nous montons au soleil vers la forêt domaniale de Coscione, passons en vue de la chapelle de San Pietru investie par un troupeau de moutons et de chèvres, dont le chien se prend pour le bélier !
Détour par les bergeries abandonnées de Frauletu, retour à la piste d’altitude par des sentiers improvisés, puis arrivée dans les prairies d’herbe verte semées de trous d’eau où nous faisons étape le temps d’une courte sieste matinale. Après avoir traversé un beau troupeau de vaches, nous atteignons une suite de modestes sommets coiffés de gros rochers de granit ruiniformes, comme une forêt de menhirs bretons : Castellu d’Ornucciu (1745m), Monte Canoso (1673m). Nous traversons la station de ski de fond du Castellu d’Ornucciu, bâtiments tout neufs au milieu de nulle part, investis en cette saison par les troupeaux non de skieurs mais de bovins.

Bergeries de Frauletu : les ruines abandonnées Repos aux pozzines du ruisseau de Frauletu

Sur la crête de Serra Longa avec la crête Castellu d'Ornucciu - Monte Canoso à gauche Le long du ruisseau source du Codi avec le circuit de l'eau du PNRC

Centre de ski de fond désaffecté de Quenza - Bucchinera

Nous nous écartons des vaches et des fameux porcs corses à la toison gris-noir, pour partager notre pique-nique un peu plus bas, sur les dernières pelouses au bord du ruisseau de Codi.
L’après-midi est consacrée à la descente de la belle et longue vallée du Codi. Certains y ont pris un bain vers la Funtana d’Orzu dans des cuves d’eaux vives à treize degrés.

Pause-déjeuner sur les pozzines hautes du Codi

Plein écran en cliquant sur Plein Ecran

Puis nous achevons notre descente vers Serra di Scopamene par de beaux chemins à travers le plateau de Pianu Sotranu et Bosca di Paradisu, le bien nommé : parvenant à une chapelle familiale entourée de son curieux enclos, la vue panoramique s’ouvre d’un coup sur la Corse méridionale, le Golfe de Valinco et le pays de Sartène. Vers le levant, nous apercevons le massif de l’Incudine et les Aiguilles de Bavella.
Notre gîte « Scopos », aussi accueillant que confortable, est situé tout en haut du village qui s’étage à flanc de montagne. Sierra signifie la montagne et Scopamene, d’après nos savants, est dérivé du mot grec skopeïn, regarder. On ne peut mieux dire.
Exercices de détente musculaire au salon, avant ou après dîner. Le dîner gastronomique et le petit déjeuner sont commentés par l’hôtesse qui passe beaucoup de temps à mijoter miels, confitures, desserts, petits plats, pour le plus grand plaisir de ses hôtes.
On tente bien une veillée Scrabble avec Marie, mais elle nous bat à plate couture avec deux scrabble d’entrée de jeu ! Une bonne nuit réparatrice nous conduit jusqu’au lendemain.

Vendredi 15 juin : 4ème étape, de SERRA di SCOPAMENE à LEVIE - 12km

Carte de l'Alta Rocca de Serra-di Scopamene à Levie J4 Serra di Scopamene - Levie :
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Rue du village de Sorbollano A part l’air du temps et la vue panoramique, il n’y a pas grande ressource au village de Serra di Scopamene. Le pique-nique du vendredi sera donc maigre. Après la descente des ruelles ensoleillées de Scopamene, nous dégringolons jusqu’au village de Sorbollano à travers jardins et prairies. Nous repartons sur de vieux chemins corses à travers bois et châtaigneraies, pour cheminer au fond de la fraîche vallée du San Pietro, une belle rivière à l’onde pure dont nous visitons l’ancien moulin gagné par le lierre et les ronces.

Ruisseau du Codi en bas de la descente de Sorbollano Moulin du ruisseau du Codi

Sur le sentier entre le Codi et le Saint-Antoine : aiguilles de Bavella Superbe vue sur les Aiguilles de Bavella à travers une prairie semée de meules de foin ; le chèvrefeuille en fleurs embaume au coin des bois.
Baignade dans les eaux claires et fraîches (14 à 15°) à la passerelle du Rizzaneze, entraînés par Véronique toujours à l’affût des eaux glaciales. C’est sur la rive que nous partageons notre pique-nique.

Pause-déjeuner et baignade dans le ruisseau de Saint-Antoine Pause-déjeuner et baignade dans le ruisseau de Saint-Antoine

Nous visitons ensuite une partie du site de Cucuruzzu : chapelle, murailles, fouilles, castrum avec base de donjon carré du 11ème.

Vestiges médiévaux de Capula à proximité de Cucuruzzu Vestiges néolithiques de Capula à proximité de Cucuruzzu

Au sortir d’un long chemin pour les troupeaux, Levie se dévoile sans prévenir : c’est Livia, alias Julia Libica, la femme d’un des Césars. Chère Levie ! L’église de Levie, c’est une nef de style oriental, byzantin, flanquée d’un haut clocher à cinq étages coiffé d’un toit en forme de bulbe. Nous allons savourer une rafraîchissante Pietra au café du Progrès.

Sentier Mare a Mare vers Levie (pour les troupeaux ?) Arrivée à Levie

A notre arrivée, nous sommes heureux de retrouver Pierre de retour d’Ajaccio ; son réchaud à café nous a tellement manqué ! Et sa large voiture dans laquelle nous entassons nos lourds sacs à dos !
Nous sommes hébergés dans un gîte confortable et très bien tenu, bonne table aussi, mais peu soucieux apparemment des objets oubliés par les pensionnaires …

Samedi 16 juin : 5ème étape, de LEVIE à CARTALAVONU - 15km –300m +1000m

Carte de l'Alta Rocca à l'Ospedale de Levie à Cartalavonu J5 Levie - Cartalavonu :
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Dans la montée du flanc S d'Uovacce : la trace cairnée Ce n’est pas la plus longue étape, mais ce sera la plus forte dénivelée : au moins 1000m. Toujours au soleil levant, nous quittons Levie pour descendre dans la fraîcheur de vieux chemins jusqu’au fond de la vallée du Fiumiccioli, le point le plus bas de notre étape. Après la traversée de la rivière, commence la longue marche vers les sommets, avec une station à Carbini (env. 600m) pour visiter la curieuse église et son haut clocher lombard planté à l’écart, sur le site de l’ancienne église.

Traversée de la troupe au Fiumicicoli Campanile et église de Carbini

A partir de là commence la véritable ascension vers le sommet de la Vacca Morta (1315m).
O divine surprise : le chemin très ombragé monte bien régulièrement en face nord-ouest, donc à l’ombre, à cette heure encore matinale. Nous atteignons le plateau en fin de matinée. Après quelques fraise des bois glanées en guise d’apéritif, parvenus au pied du sommet, nous partageons notre pique-nique qui s’achève pour une fois par un café bien chaud !

 

Dans la montée du col de Mela vers la Vacca Morta Pause-déjeuner à Foce Alta

Sans désemparer, nous montons à l’assaut de la Vacca Morta : sublime panorama sur toute la Corse méridionale, jusqu’à la Sardaigne et, qui sait ? l’Italie peut-être par très très beau temps.
La descente vers le gîte de Cartalavone par un sentier en balcon sur le golfe de Porto-Vecchio n’est plus qu’une formalité enchanteresse avec ses fleurs variées et son panorama continu. Pour étancher nos émotions de la journée, il ne faut pas moins de deux Pietra bien fraîches.

Sommet de la Punta di A Vacca Morta : panorama vers l'E Sommet de la Punta di A Vacca Morta : panorama vers l'W

Sommet de la Punta di A Vacca Morta : panorama vers l'E Sommet de la Punta di A Vacca Morta : la troupe

Un diaporama Corse sauvage de ce trek :