Punta Buvona
Par PhE le dimanche 09 août 2015, 21:14 - Ravinisme - Lien permanent
Depuis la fin avril dernier et le raid Conca - Sari réalisé avec Olivier et Francè, peu de randonnées de mon côté puisque la majeure partie de mon temps a été consacrée à la création de sentiers pour l'association ("A Punta Bunifazinca") avec démaquisage à n'en plus finir...
Aussi, lorsque Olivier me proposa une course dans ma région, relativement pas trop éloignée d'Ajaccio en ce qui le concerne, je fus bien content de pouvoir y participer, en espérant une météo favorable. C'est le sommet de Punta Buvona qu'il visait : pas beaucoup de topos sur la question, hormis le sempiternel "Guide des montagnes corses" de Michel Fabrikant, et encore, dans sa première édition de 1971 où il indique son ascension personnelle du 10 juin 1963 avec deux équipiers allemands par le couloir SW, coté PD (description non reprise dans les éditions suivantes 1982 et 1993). Cette course m'intéressait spécialement parce que Fabrikant indique aussi dans le même coin un itinéraire qu'il considère comme le plus pratique pour atteindre Bocca di u Lariciu et le pied de la Punta Bunifazinca (Punta di Bonifacio sur IGN) franchissant un "collet" bien marqué dans l'arête Sud de Punta Buvona. En gros, par rapport aux 5 heures de montée à Bocca di u Lariciu par le ravin de Figa (que j'avais appelé à l'épque "Vangone di Lariciu", vu que l'IGN ne lui donnait aucun nom) ou les crêtes de Pinetu Pianu et Punta di u Larcietu utilisées par les locaux en Haut-Cavu, cet itinéraire doit permettre de raccourcir le parcours d'environ 1h30 mais en partant de Bavedda...
C'est donc dans la perspective de réaliser ces deux itinéraires Fabrikant que nous avions pris la décision de nous y attaquer le Lundi 25 mai dernier durant une période météorologique instable que les prévisionnistes avaient du mal à expliquer !
Pour suivre plus facilement les détails de l'article, vous trouverez ci-contre, à gauche la carte avec le tracé du parcours depuis la D268 et les péripéties autour de Punta Buvona puis dans la descente au retour vers Bocca di Fumicosa.
Dimanche soir, la veille de notre randonnée, les prévisions météo avaient viré au pire : beau temps le matin, avec forte dégradation orageuse dés le début de l'après-midi... Je téléphonai alors à Olivier pour prendre une décision commune et, finalement, nous maintenons l'objectif en ayant bien à l'esprit qu'il allait falloir partir tôt pour avoir un peu de beau temps et que ce n'était pas trop la peine de compter faire un long parcours puisque le retour en début d'après-midi était programmé d'avance.
C'est donc à 08h30 que nous nous retrouvons le Lundi matin à l'entrée de la piste d'Argazavu au-dessus de l'hippodrome de Viseu sur la route du col de Bavedda. Le beau temps est bien au rendez-vous comme prévu, mais avec encore beaucoup d'humidité provenant d'averses de la nuit et des jours précédents...
Le début du parcours commence à être une balade bien connue pour ma pomme et nous arrivons rapidement à la fin de la piste d'Argazavu, puis du sentier de Manzaghja vers 09h25. De là, plutôt que passer par Bocca di Fumicosa, nous montons directement sous Punta Samulaghja jusqu'au pied des parois de l'éperon W que nous contournons par la gauche (N) pour trouver le couloir montant au col Nord de Samulaghja (environ 1400m, sans nom IGN) atteint sans problème à 10h. Au passage, quelques curiosités comme un abri-bergerie dans le sous-bois, une salamandre au pied de Samulaghja et de nombreux arbres nouvellement déracinés par la dernière tempête de mars 2015 dans le couloir de Samulaghja...
Après avoir franchi le col, on bascule en versant Est, zone beaucoup moins parcourue que le versant précédent et source d'un couloir affluent du Finicione. Plutôt que rester proches de la crête, parcours recommnandé pour rejoindre Bocca Buvona, nous n'hésitons pas à descendre en écharpe dans la pente pour rejoindre à l'altitude de 1300m les rochers de l'arête Sud de Punta Buvona. Bocca Buvona n'est qu'à une cinquantaine de mètres de dénivelé au-dessus de nous, cachée par la forêt de sapins qui recouvre ce versant. Le départ apparaît simple puisqu'à cette altitude un seul couloir accessible monte vers le NE. Nous l'empruntons et ne tardons pas à le voir se rétrécir 100m plus loin, en se terminant sans doute en impasse pour la randonnée. Olivier entreprend néanmoins d'y aller voir et, pendant ce temps-là, j'explore un passage sur la droite en escaladant facilement des "blocs coincés entre deux pointes rocheuses". Ce passage s'avère être le bon, avec quelques cairns qui le jalonnent, et tel que décrit dans le topo de Fabrikant : il permet de rejoindre un couloir plus important, parallèle au premier et remontant jusqu'aux environs du sommet.
Ce couloir principal n'est pas très difficile à remonter. Il se rétrécit à l'approche des deux sommets en commençant à entamer une série de zigzags sous les pointes. Difficile de savoir exactement où aller, mais c'est le sommet Est qui semble le plus facilement accessible sans que ce sommet soit bien dessiné. Nous suivons des cairns jusqu'à une brèche étroite caractéristique donnant vue sur Punta Velacu et les raides couloirs qui en descendent sur son versant SE. En suivant des vires et couloirs étroits au-dessus, nous arrivons vers 11h à une plate-forme (quasi-)sommitale où nous prenons pas mal de photos avant de redescendre pour atteindre un autre belvédère plus à l'Ouest qui donne de plus belles vues dans cette direction et vers le Nord. Le sommet Ouest y est bien visible mais donne l'impression d'être d' un accès malaisé. De l'autre côté, la Punta Bunifazinca donne une vue splendide sur les parois de sa face Ouest et l'amphithéâtre herbeux qui la sépare de notre pointe. Les vues vers le Sud y sont par contre partiellement cachées par les contreforts de la pointe dans cette direction...
Après avoir entamé le retour par le même chemin, en redescendant de la brèche étroite, nous remarquons sur la gauche une plate-forme accessible autour d'une sorte d'arche trouée où nous pensons pouvoir prendre les photos qui nous manquent vers le Sud. Outre une amusante traversée la paroi par l'arche, elle nous permet effectivement de compléter nos photos avec une vue impressionnante du Cavu jusqu'à son embouchure et l'intégralité de la crête de Pinetu Pianu qui constitue le bas de l'arête SE de Punta Buvona.
Les nuages commencent à envahir le ciel, prémices de la perturbation orageuse annoncée...
Reprise de la descente après cet intermède... Nous retrouvons le couloir principal, mais, cette fois-ci, nous le descendons complètement, sans reprendre l'échappatoire des blocs coincés, en espérant trouver à son pied un accès à la brèche de l'arête Sud décrite par Fabrikant.
Tout se complique rapidement : le bas du couloir est bien raide et demande quelques précautions et, ensuite, les ressauts de l'arête sont difficiles à escalader. Rien d'aisé pour atteindre cette brèche que nous entrevoyons en hauteur sur notre droite en regardant l'arête. Tout est encore trempé et grimper les cinq premiers mètres des ressauts de l'arête demande pas mal d'efforts pour trouver la méthode et se hisser dans le passage. Au-dessus, sans chercher plus avant, nous prenons la vire sur la droite qui mène au couloir précédement entrevu qui nous semble débonnaire. Arrivés au couloir, il nous paraît beaucoup moins débonnaire !
La remontée du couloir pose effectivement quelques problèmes inattendus avec la pente raide en herbes, les deux ressauts rocheux à escalader, les obstacles végétaux et les passages étroits. La fin du couloir paraît même délicate à escalader, mais une fissure sur la gauche permet de contourner opportunément la difficulté et d'accéder à la brèche. Il est 12h20...
De la brèche, nous avons quelques difficultés à reconnaître la description de Fabrikant : "Franchir celui-ci (le collet) et rejoindre le pied de la Punta di Bonifacio par une marche sensiblement en courbe de niveau" ! La courbe de niveau est barrée par l'arête SE en face de nous qui n'est franchissable que par d'autres brèches et des couloirs d'aspect plutôt malsain... Sinon, à gauche, en haut de cette arête SE, on a l'impression qu'un large passage séparant la paroi SE de la pointe des aiguilles qui hérissent le début de l'arête SE pourrait permettre de la franchir. En commençant à descendre le couloir de l'autre côté de la brèche et en allant sur sa rive droite, nous réussissons à bien distinguer ce passage, effectivement facile à franchir mais nettement plus haut en altitude que notre couloir que nous n'avons même pas encore descendu complètement. Il y aurait bien 100m de dénivelé à remonter depuis le bas du couloir vers le passage à gauche des aiguilles : comme ligne de niveau... Soit Fabrikant a écrit n'importe quoi (cela lui arrive aussi !), soit il y a une autre explication que, personnellement, j'attribue au fait que nous sommes à une brèche différente de celle indiquée et qu'il en existe une autre au-dessus de nous dans l'arête Sud. Olivier n'en est pas persuadé et, de toute manière, il nous faut faire retraite car le mauvais temps se précise et nous devons retrouver des zones moins dangereuses avant de nous balader sous orage et pluie...
Demi-tour donc, et redescente du couloir, un peu plus simple quand on a fait la montée, puis désescalade avec précaution (toujours beacoup d'humidité !) des ressauts du pied de l'arête. Là, en remontant pour retrouver le pied du couloir SW principal, nous avons une vue sur une autre brèche, à gauche de la notre dans l'arête Sud, qui pourrait être celle de Fabrikant : néanmoins, le bas de son couloir n'est pas visible et il nous semble que le meilleur moyen de l'atteindre aurait été de continuer droit après l'escalade des ressauts en bas de l'arête au lieu d'emprunter la vire vers la droite et le couloir que nous avons remonté. Ce sera pour une autre fois car le mauvais temps approche... On rejoint facilement, en obliquant sur la gauche (W), la pente permettant de monter à Bocca Buvona où nous faisons une pause et déjeunons de 13h à 13h40.
Nous revenons ensuite en suivant au plus près le fil de l'arête, ce qui nous entraîne immanquablement, en haut de la crête, à rencontrer des couloirs offrant des passages de descente sur le versant Ouest. Olivier est bien sûr disposé à les essayer, mais j'y suis beaucoup moins par expérience et lui indique qu'il y a 90 chances sur 100 que ces couloirs soient barrés par un ressaut rocheux infranchissable à leur pied. Nous nous engageons tout de même dans le premier rencontré. Très facile tout du long, il nous amène aisément 30m au-dessus de la trace cairnée menant à Bocca di Fumicosa, mais, comme subodoré, il est barré en bas par des rochers inclinés à 60/70° que je n'envisage pas de descendre sans risque.
Remontée donc, et même tentative au couloir suivant rencontré sur le fil de la crête. Même sanction en bas du couloir où un nouveau ressaut rocheux nous barre le passage. Cette fois-ci, Olivier pense le passage franchissable le long d'un arbre opportunément placé pour faciliter la descente des 4/5 m verticaux posant problème. Une fois en bas du ressaut, il me demande de lui passer son sac laissé en haut et, là, catastrophe, en tirant le sac par son sommet, nous voyons l'appareil photo s'échapper de la poche laissée ouverte, rouler dans la pente et franchir brutalement le ressaut en s'écrasant en dessous. Malgré toutes nos craintes, l'appareil restera utilisable puisque, après quelques essais infructueux, seul l'écran restera endommagé sur une partie de sa surface. Ouf !
Nous arrivons ensuite, sans plus de difficulté, à Bocca di Fumicosa, proche du pied du couloir descendu et nous y faisons une courte pause vers 14h30, car nous voyons bien que nous n'allons pas échapper à la pluie qui approche. Toute la fin de la descente s'effectue sous de fortes averses qui nous rincent complètement, même si nous sommes relativement bien équipés, mieux, en tous cas, que le randonneur amateur doublé dans la descente, sans sac, en tee-shirt et tennis, ... Arrivée à la D268 à 16h00 et fin de journée, toujours sous la pluie, à un bar de Zonza pour déguster une bonne bière en parlant des prochains objectifs...
En conclusion : un parcours peu connu et peu parcouru, même si quelques cairns parsèment la fin de la montée au sommet. Punta Buvona est en fait un superbe bélvédère sur Bavedda et le Haut-Cavu. et ses versants Sud et Est sont d'une sauvagerie sans égale dans le massif de Bavedda. Ce chaînon isolé Punta Buvona - Punta Bunifazinca permet des parcours compliqués et engagés comme le montre notre erreur de brèche pour rejoindre l'amphithéâtre entre les deux pointes.
Les statistiques du jour : 11km, D+/D- 1200m, 6h30...
Rappel ci-contre à gauche, de la carte avec le tracé du parcours depuis la D268 et le périple accompli.
Voir les photos dans le diaporama ci-dessous prises avant l'orage et le déluge final qui nous poursuivis jusqu'à Zonza... :
Commentaires
Confirmation que notre hypothèse était la bonne le Samedi 22/08/2015 où, avec Laurent, nous avons réalisé la traversée jusqu'à l'autre brèche dans l'arête SE (celle qui est prolongée par Pinetu Pianu en bas).
Cette fois, nous avons pris la bonne brèche dont le couloir part presque exactement du même endroit que le couloir de la brèche de droite que nous avions pris la fois précédente : il suffit de ne pas faire les 20m de traversée à droite que nous avons effectués après le ressaut rocheux du bas et de monter tout droit au-dessus...
Malheureusement, mauvais temps avec brume épaisse et amorce de pluie nous ont fait renoncer à la descente dans l'amphithéâtre : elle semble pourtant assez facile en écharpe dans cette arête...
@olihulk :
Et oui ! Reste à savoir si notre hypothèse (bas du couloir directement au-dessus des ressauts escaladés) est bien la bonne ?
Prochain objectif : la bonne brèche jusqu'au plateau de Laricciu