Patrimoine oublié du Haut-Cavu
Par PhE le lundi 04 février 2013, 19:53 - Archéologie - Lien permanent
Toujours le Haut-Cavu et toujours un sujet d'archéologie en abordant cette fois-ci les autres éléments de patrimoine que l'on peut encore retrouver dans ces vallées désertées !
En effet, en dehors des vieux chemins oubliés de la région tels qu'ils ont été indiqués dans l'article précédent, il semble a priori qu'il n'y ait aucun vestige patrimonial à se mettre sous la dent en amont du pont de Marion... Mais ce n'est pas tout à fait vrai si l'on accepte d'inclure dans les vestiges patrimoniaux tous ceux qui faisaient encore partie de la vie de tous les jours il y a seulement deux ou trois siècles : églises, bergeries, pacages, charbonnières, etc... Et il suffit de consulter alors dans le détail les anciennes cartes de la région pour s'apercevoir que les cartes IGN les plus récentes, encore plus que pour les anciens chemins, sont loin de recenser les restes du patrimoine local des derniers siècles.
C'est essentiellement le Plan Terrier qui nous renseigne sur la question et l'on y trouve quatre secteurs où l'on se dit qu'il devrait rester des traces de la présence de nos anciens :
- Localisation sur les cartes anciennes et actuelles
- Le secteur central de la confluence Sainte-Lucie/Mela avec :
- Le secteur Est de San Martinu avec l'église de San Martinu
- Le secteur Ouest du Finicione avec la bergerie de Strascinella
- Le secteur de Luviu avec :
- Les bergeries de Luviu qui existent depuis plusieurs siècles bien sûr
- Les deux zones de bergeries appelées "Pasciale", Pasciale d'Iricia et Pasciale del Forello
- La bergerie de Biancarellu
Restait encore à examiner ce qu'il subsistait de tout cela sur le terrain ! Et, surprise, des vestiges existent bien pur presque tous les éléments repérés, même si on ne trouve rien d'extraordinaire ou de spectaculaire et qui soit digne d'être fouillé plus avant...
Localisation sur les cartes anciennes et actuelles :
Les cartes ci-dessous sont issues d'examens début 2012 des anciennes cartes en ma possession et m'ont permis de recenser les différents éléments qui ont été listés plus haut en tête d'article. Elles ont été reproduites ci-dessous en distinguant les deux secteurs concernés par des éléments notables de patrimoine, Haut-Cavu Centre et Haut-Cavu Luviu, avec, pour chacun d'entre eux, l'extrait du Plan Terrier et la carte IGN correspondants comportant la localisation des éléments répérés.
N'hésitez pas à agrandir les cartes ci-dessous au maximum, à l'aide de l'icône , quand vous cliquez dessus pour les examiner plus précisément.
Secteur du Haut-Cavu Centre :
Dans ce secteur, en dehors des anciens chemins déjà décrits dans l'article précédent, on ne trouve que d'anciennes bergeries, pas souvent nommées sur le Plan Terrier et que j'ai appelées Mela, Lora, Sainte-Lucie et Strascinella, ainsi que l'église de San Martinu, seul élément du patrimoine local à être référencé par l'IGN. Les seuls autres éléments trouvés sur le Plan Terrier et le Cadastre sont les sources, répertoriées précisément et exhaustivement par nos anciens alors que nos cartes actuelles les dédaignent souvent.
Tous ces éléments, même les sources ou "fontaines", ont été reportés sur la carte IGN la plus récente avec leur position evaluée par étalonnage, ainsi que les tracés estimés des anciens chemins locaux indiqués sur le Plan Terrier (en vert) et sur le Cadastre Napoléonien (en ocre).
Secteur du Haut-Cavu Luviu :
C'est le secteur autour des bergeries de Luviu. Curieusement, celles-ci n'apparaissent pas à leur position actuelle sur le Plan Terrier où il n'est fait mention que de "Pâturages", alors que les bergeries locales semblent être concentrées sur les trois zones appelées "Pasciale di Balbo", "Pasciale d'Iricia" et "Pasciale del Forello", Pasciale étant le terme corse pour "lieu de bergeries" ou "lieu d'estive". On ne retrouve plus rien de tout cela sur les cartes actuelles où seul le hameau des résidences de Luviu est représenté ! Là aussi, les seuls autres éléments trouvés sur le Plan Terrier et le Cadastre sont les sources, en dehors des anciens chemins déjà décrits dans l'article précédent.
Tous ces éléments, même les sources ou "fontaines", ont été reportés sur la carte IGN la plus récente avec leur position evaluée par étalonnage, ainsi que les tracés estimés des anciens chemins locaux indiqués sur le Plan Terrier (en vert) et sur le Cadastre Napoléonien (en ocre). On pourra remarquer qu'ici aussi l'IGN ne trace plus les sources, même celle de Paliaceta placée 80m sous les bergeries de Luviu et encore utilisée par les résidents du hameau, alors que les réservoirs DFCI en bordure des pistes sont eux précisément marqués...
Le secteur central de la confluence Sainte-Lucie/Mela :
C'est le secteur encore desservi par les restes des pistes carossables en amont du pont de Marion au-delà du Cavu, le long de la Sainte-Lucie et de la confluence avec le (la ?) Mela. De nos jours, ce coin est encore fréquenté par les chasseurs (rarement), quelques pêcheurs (encore plus rarement) et quelques indigènes et touristes (en été exclusivement) qui prennent le risque de remonter le Cavu au-delà des "pataugeoires" en aval du pont de Marion. Plus aucune trace d'estive, de pâturage, d'élevage ou d'agriculture dans cette micro-région où seuls les loisirs y poussent encore les individus.
Les bergeries de Lora :
Ce fut la première recherche à laquelle je me suis attelée en mai 2012 sur la base des éléments recensés sur les anciennes cartes. Ces bergeries sont indiquées sur les deux cartes, Plan Terrier 1770 et Cadastre Napoléonien 1886 et leur position évaluée était si proche de mon parking habituel de la RG (N) de la Sainte-Lucie, à la croisée de la piste du Mela et de la piste qui descend aux vasques du ruisseau que je les ai placées en premier objectif...
Du parking, il suffit de prendre la piste à gauche (non marquée sur IGN) qui descend vers la Sainte-Lucie, de virer tout de suite à gauche sans aller vers le belvédère un peu plus loin mais en prenant une vieille piste visiblement plus utilisée qui emmène 80m plus loin dans une clairière envahie de végétation. En bordure de cette clairière, sur la gauche (N), les ruines d'une habitation se laissent entrevoir à l'orée du sous-bois. A droite (S) de la clairière, quelques restes de murets témoignent de l'utilisation antérieure de cette zone. En traversant la clairière vers l'Est, l'entrée d'une vague sente vous fait descendre au SE jusqu'au ruisseau, si vous êtes suffisamment habitué aux traces pourries et obstiné à découvrir où vous emmène ces restes d'ancien sentier. Comme la fontaine de Lora est juste à proximité, dans la première boucle aval de la Sainte-Lucie, on peut imaginer que ce sentier servait à l'atteindre et à se baigner.
Après cette visite initiale, encouragé par ces premières trouvailles, j'ai remonté le sentier jusqu'à revenir à la clairière et je suis rentré dans le sous-bois derrière les ruines de la première habitation découverte afin d'examiner ce qui s'y trouvait derrière, en imaginant que c'était dans cette partie, bien plane et facile à démaquiser, que devait se trouver la majeure partie du site des bergeries, ainsi que les pacages pour les animaux. Et, effectivement, après toute une première série de murets de toutes tailles et de restes de pacages, je tombais sur plusieurs magnifiques vestiges de bergeries, encore assez bien conservés : l'une d'entre elles, surtout, montre encore une belle hauteur de murs, une vaste surface disponible et dispose d'aménagements spacieux découpés dans ses murs. Tout cela semblerait témoigner du passé d'une belle activité et d'une petite population venant travailler et s'abriter à cet endroit !
Compter de 1h à 2h si vous voulez visiter ce site depuis le parking de Mela, en prenant le temps de descendre à la Sainte-Lucie par le sentier des bergeries pour aller voir la "Fontaine de Lora"...
Les bergeries de Mela :
Le même jour après les bergeries de Lora, fin mai 2012, je me mis à chercher leurs homologues sur la piste de Mela. Elles aussi assez proches de mon parking habituel, ces bergeries ne sont indiquées que sur le Plan Terrier, alors que le Cadastre n'en donne plus aucune indication lors du tracé de 1886 (?).
La première visite m'amena, en 20mn le long de l'ancienne piste de la RG du Mela, jusqu'à une boucle où aboutit un bout de sentier marqué sur la carte IGN et qui semble ne plus exister de nos jours. Ce bout de sentier est actuellement sous un immense roncier d'une surface et d'une hauteur peu communes. Cela ne me fit bien sûr pas reculer puisque la première des bergeries était localisée à moins de 100m de la piste et sur cet ancien sentier ! Et me voilà défrichant à la machette une tranchée de 2m de large et de 1 à 4m de haut selon les endroits, en évitant par des sinuosités les recoins les plus fournis... Au bout d'une heure, j'arrivai sans rien trouver au ruisseau qui dévale le long de l'aiguille rocheuse 441m située juste au-dessus du site supposé des bergeries. Ce ruisseau n'est pas indiqué par l'IGN, mais existe bien sur le terrain et était tracé aussi bien sur le Plan Terrier que sur le Cadastre, servant sans doute de prise d'eau aux anciens bergers locaux. Une heure de tranchée, 120 à 150m de progression dans les ronces, ... sans rien apercevoir ressemblant à des restes de bergeries : même au niveau du ruisseau, où la densité des ronces est moindre, il était impossible de progresser vers l'amont ou l'aval sans outils. Comme il était plus de 18h, je renonçais en me jurant de revenir ultérieurement.
Je réussis à revenir quelques jours plus tard (le 29/05). Après un départ sous un ciel menaçant, je réussis rapidement à prendre l'averse, puis l'orage... Comme ce n'est pas très simple de jouer de la machette dans les ronces avec une cape de pluie et des vêtements trempés, je dus me contenter de refaire le chemin de la tranchée jusqu'au ruisseau, puis à revenir en essayant quelques incursions dans les parties de moindre végétation. Peine perdue, je ne trouvai rien de plus !
En final, je n'ai pas eu trop l'occasion d'y retourner ensuite, et, de toute manière, je ne vois pas trop comment aller plus loin tant il y a de ronces dans ce coin. Il faudrait fournir un travail de titan pour démaquiser tout le site ou, autrement, chercher dans les ronces au hasard...
En fait, j'ai réussi plus tard (avril 2013) à retrouver une des bergeries recherchées : voir commentaire personnel en bas de page !
La bergerie de Sainte-Lucie :
J'ai mis beaucoup plus de temps à trouver une occasion de chercher la bergerie de Sainte-Lucie et ce n'est que mi-octobre que j'eus l'occasion d'aller faire une tentative pour la retrouver en couplant cette recherche avec d'autres dans le secteur de San Martinu de l'église ruinée. Cette bergerie n'est indiquée (sans nom) que sur le Plan Terrier et on ne la retrouve pas du tout sur le Cadastre, un siècle plus tard.
La première recherche personnelle effectuée dans ce secteur fut l'objet d'une journée dont je garderai un souvenir inaltérable ! Ce Mardi 16 octobre 2012 devait être consacré, comme souvent à cette époque, à la restauration du "Chemin de la Montagne aux Plages", en rive Sud du Finicione. Lorsque j'arrivai en voiture au départ de la marche d'approche, ce fut pour constater un vent violent devant avoisiner les 80-100 km/h et ployant les arbres sous de constantes rafales. L'idée de partir seul, à plus de 2h de là, sur mon chemin presque complètement sous les arbres avec la menace de chute de branches, me fit changer d'objectif : bof, je deviens plus prudent avec l'âge... Et j'en profitai donc pour aller visiter les secteurs de Sainte-Lucie et de San Martinu où il me restait des objectifs archéologiques à trouver.
J'ai donc commencé par le secteur le plus proche, celui de la RD de la Sainte-Lucie. On y accède en berline par la piste RD de la Sainte-Lucie jusqu'à la piste secondaire qui descend vers le ruisseau. Cette piste n'est en ce moment facilement empruntable que par les 4x4 et j'ai donc laissé ma voiture dans sa partie haute en terminant à pied. Il m'a fallu pas mal de temps, après être descendu au ruisseau et y avoir déjeuné, pour trouver une sorte de piste secondaire (non marquée sur IGN) traçant une boucle à partir de la fin de la piste principale au-dessus du ruisseau. Vers l'une des extrémités de cette boucle, j'ai trouvé un espace clair et aplani avec quelques vagues arases et pierres sèches pouvant laisser supposer que cela correspondait à la bergerie cherchée. En outre, ces vestiges sont situés exactement où le Plan Terrier les plaçait et l'on peut donc imaginer que ce site est bien le bon !
Rien de bien extraordinaire donc, avec ces ruines bien réduites, mais cette fois-ci, comme aux bergeries de Lora et contrairement à celles de Mela, la satisfaction d'avoir retrouvé les restes de ce que les anciennes cartes nous indiquaient...
Vous trouverez la suite de l'histoire ci-dessous avec l'exploration du secteur de San Martinu !
Le secteur Est de San Martinu :
C'est le secteur du massif situé à l'Est de la région du Haut-Cavu. Il est desservi par la piste qui traverse le Cavu au pont de Marion puis monte ensuite vers Conca jusqu'à Bocca di Sadica à 524m d'altitude. Là encore, pas grand monde ne fréquente ce coin à part queques rares chasseurs ou insulaires en 4x4 et parfois d'encore plus rares VTTistes.
Sur cette piste, la carte IGN nous indique "San Martinu (Egl. rnée)", sans marquer précisément où l'église est localisée. C'est le Plan Terrier qui la situe précisément avec une petite icône sans ambiguïté. Curieusement, on ne la retrouve plus sur le Cadastre Napoléonien du secteur datant de 1886 qui, lui, indique bien la "Fontaine de Brancolella" toute proche et une multitude de parcelles cadastrales démontrant que cette zone faisait l'objet d'une exploitation active à l'époque.
Les bergeries et charbonnières de San Martinu :
C'est le Mardi 16 octobre 2012 que je pus aller visiter ce secteur dans la foulée de la découverte des vestiges de la bergerie de Sainte-Lucie relatée dans le chapitre précédent. Cette exploration s'étant terminée en début d'après-midi, j'en profitai pour la prolonger par la visite du secteur de San Martinu, autre objectif archéologique de l'année : sauf que je n'avais ni carte, ni coordonnées de l'église et que cette recherche se fit donc au pifomètre.
C'est avec la carte IGN que je me mis à chercher l'église. Comme écrit plus haut, cette carte ne donne aucune précision quant à la localisation des ruines. Sans coordonnées précises et persuadé que l'église était à gauche de la piste (E) en montant, j'ai remonté la piste de Bocca di Sadica jusqu'au réservoir. Je savais que l'église était le long de la portion rectiligne de la piste qui suivait et examinai donc le côté gauche de la piste jusqu'à trouver une amorce de sente. Finalement, je fus réduit à explorer les sentes tracées sur l'IGN au Sud de la partie San Martinu de la carte IGN. Toutes ces sentes existent encore vaguement à l'état de traces ténues, mais je n'ai pu réussir à les suivre en direction de l'église. Je revins donc à pied vers l'aval de la piste et réussis enfin à trouver cette amorce de sente que je cherchais. Avec l'aide de la machette, je réussis ainsi à atteindre ce qui reste du sentier marqué sur IGN à l'E de la piste et qui doit correspondre aux anciens chemins marqués sur les vieilles cartes en provenance de Conca. Un peu plus loin vers le N, je suis tombé sur des ruines envahies de maquis que j'ai essayé de sortir de la végétation. Après démaquisage, il s'avéra que c'était au mieux des ruines de bergerie, mais qu'elles n'avaient pas grand chose à voir avec les restes d'une église. La suite des recherches dans le coin en essayant de suivre les restes de traces me mena à un ensemble de charbonnières (carbonara) montrant bien que la région du Haut-Cavu était bien marquée par l'exploitation du bois... Mais pas plus d'église que de...
Pas de découverte de l'église donc, mais je savais que, pour aller plus loin, il me faudrait revenir avec les informations détaillées de localisation pour la trouver.
Le retour de San Martinu et l'affaire de la barrière-incendie :
Vers 18h, je me remis en route en voiture pour revenir à Sainte-Lucie et c'est là que l'aventure devint cocasse... Après la traversée du pont de Marion et alors que la nuit approchait, je me retrouvai coincé derrière la barrière à incendie qui ferme le dernier parking à touristes. Un petit plaisantin local avait jugé subtil de fermer cette barrière en fin de journée à mi-octobre ! Peu enclin à faire le trajet à pied de nuit jusqu'à chez moi (7km !) en laissant la voiture sur place, j'eus la brillante idée de vouloir essayer de contourner la barrière sur sa droite par une raide montée dans le maquis suivi d'une redescente sur la piste. Ma Toyota n'étant pas un 4x4, cela se termina par un échouage sur une souche avec la roue avant gauche dans le vide et la voiture en passe de basculer à gauche dans le vide au-dessus de la barrière ! Impossible de reculer ou d'avancer, pas moyen de me dépanner seul sans frontale, pas de réseau pour le mobile... Et me voilà donc entamant la marche à pied dont je voulais m'affranchir. Je la raccourcis au maximum en adoptant le footing et j'arrivai peu avant 20h à Tagliu Rossu (3,2km) dans l'obscurité intégrale. Contnuant à trottiner en footing dans le village, je suis heureusement remarqué et reconnu par Pascal, le dernier berger de Luviu, à qui je peux expliquer ma mésaventure. Lui et son copain Emile décident de me dépanner, me ramènent au Cavu avec leur 4x4, ouvrent la barrière avec le carré dont disposent tous les locaux et arrivent à faire reculer la Toyota en l'empêchant de basculer durant son retour sur la piste. Un coup de chance incroyable qui m'a permis d'eviter de faire appel à un dépanneur le lendemain sans garantie de réussite ni de coût financier. Tout cela s'est terminé vers 22h à Tagliu Rossu autour d'un verre dans la maison d'Emile... et une engueulade par Nicole qui n'avait pas de nouvelles de moi (pas de réseau à Tagliu Rossu !)...
Encore un grand merci à Pascal et Emile pour le miraculeux coup de main qu'ils m'ont donné ! Cela valait bien plus que les quelques bouteilles de pastis et de vin données en remerciement...
L'église de San Martinu :
Retour quelques jours plus tard (le 19/10/2012) sur cette même piste de San Martinu. Cette fois-ci, avec les coordonnées du Plan Terrier et l'information d'Emile qui connaissait l'église, c'est à droite (W) de la piste que je cherche une trace après le réservoir. Il n'en manque pas et l'exercice consiste à trouver le meilleur accès pour rejoindre les ruines ! En fait, j'ai suivi une trace parallèle à la piste qui m'a permis de trouver d'abord d'anciennes habitations ou abris-bergeries avant de tomber sur les vestiges de l'église, eux-mêmes sacrément enfouis sous une végétation inextricable empêchant d'en appréhender ses formes et dimensions. La différence entre les deux types de ruines ? Les habitations ont été érigées avec des murs de pierres sèches non taillées ni dégrossies alors que les murs de l'église ont été construits avec des pierres de taille aux parements bien rectilignes.
Cela vaudrait sans doute le coup d'enlever végétation, branches et troncs au-dessus de l'église pour essayer d'avoir une idée de son importance, mais il y a pas mal de boulot en perspective ! En relation avec ces trouvailles, je n'ai malheureusement pas pu trouver trace de l'histoire de cette église, ni sa date de construction.
Le secteur Ouest du Finicione :
On retrouve ici la partie Ouest du Haut-Cavu avec la zone autour du Finicione et de ses affluents en amont du pont IGN300. Dans ce secteur, le Plan Terrier ne nous montre qu'une seule bergerie, non dénommée et que j'ai appelée Strascinella en relation avec le ruisseau affluent du Finicione qui coule au pied du versant où elle a été construite. En dehors d'elle, il n'y a ques des sources qui sont signalées. Il faut dire que c'est le secteur le plus sauvage du Haut-Cavu avec le secteur du Mela au Nord et que vous ne risquez pas de croiser quelqu'un à pied dans ces parages. Quant à y aller en voiture, il faudra attendre encore quelques siècles, peut-être ?
Côté Cadastre Napoléonien, rien ! Même la bergerie n'y est pas mentionnée, mais l'on retrouve le tracé détaillé de ce superbe "Chemin de la Montagne aux Plages"...
La bergerie de Strascinella :
Rien de nouveau à rajouter sur la bergerie de Strascinella que l'on trouve assez rapidement après avoir rejoint le "Chemin de la Montagne aux Plages" par la sente de chasseurs qui m'a permis de trouver les restes de ce vieux sentier traditionnel. Elle est située sur la droite du sentier en montant et est évidente à trouver, ainsi que les quelques autres vestiges qui l'accompagnent, dont une sorte de vieux four à pain (?).
Rien non plus sur son histoire et sa datation.
Le secteur de Luviu :
C'est le secteur autour des bergeries de Luviu. Curieusement, celles-ci n'apparaissent pas à leur position actuelle sur le Plan Terrier où il n'est fait mention que de "Pâturages", alors que les bergeries locales semblent être concentrées sur les trois zones appelées "Pasciale di Balbo", "Pasciale d'Iricia" et "Pasciale del Forello", Pasciale étant le terme corse pour "lieu de bergeries" ou "lieu d'estive". On ne retrouve plus rien de tout cela sur les cartes actuelles où seul le hameau des résidences de Luviu est représenté ! Là aussi, les seuls autres éléments trouvés sur le Plan Terrier et le Cadastre sont les sources, en dehors des anciens chemins déjà décrits dans l'article précédent.
Ci-dessous les extraits du Plan Terrier et du Cadastre pour le secteur.
Les bergeries de Luviu :
Ce hameau est l'un des quatre grands hameaux exotiques de bergeries en Corse-du-Sud avec Bavella (plus très exotique !), Naseu et Bitalza. Comme les autres, il est devenu un centre de petites résidences secondaires pour les habitants de Tagliu Rossu et Sainte-Lucie et il est surtout habité le week-end et l'été lors des belles journées. Contrairement à certains autres, il est lui encore un centre d'estive pour le dernier berger de Tagliu Rossu, Pascal, qui y transhume encore annuellement de mai à octobre. Même si ce n'est pas Bavella, on y trouve donc un certain confort, mais sans bar, restaurant, gîte ou commerce quelconque. Les bergeries sont situées à proximité d'une magnifique crête reliant le Monte Calva au Cavu en surplomb des grands ravins du Finicione et du Valdu Grande au Nord et de l'Osu au Sud. De la crête ou de la pointe 1221 proche du hameau, on obtient des vues panoramiques splendides sur l'ensemble de la région, Ospedale, Bavella, Haut-Cavu et Osu. Accessibles aussi bien par des pistes, depuis Tagliu Rossu (4x4 recommandé) ou Ospedale/Illarata (berline possible), ce site de bergerie ne peut plus être classé comme patrimoine archéologique, même si subsistent encore quelques vestiges de l'activité de "Pâturages" d'autrefois...
A noter : la fontaine historique de Paliaceta (nom du Plan Terrier) au Nord des bergeries que l'on atteint en suivant une sente balisée en rouge 60 à 80m plus bas, à la naissance du Valdu Grande.
Pasciale d'Iricia (et del Forello) :
A priori, pas de problème pour aller retrouver le site de Pasciale d'Iricia puisque la localisation est claire sur le Plan Terrier, même si l'on ne la retrouve pas sur le Cadastre. Le 2 octobre 2012, arrivé aux bergeries vers 15h, je rencontrai Pascal, l'estivant du plateau, qui m'appris des tas de choses sur la région que je croyais être quasiment le seul à arpenter en dehors des sentiers battus ! Et bien non, il en reste qui aiment suffisamment leur pays pour l'explorer à pied autrement que sur les plages de Pinarellu...
Evidemment, lorsque je lui parlai de mes recherches, il me doucha un peu en me disant qu'il ne restait quasiment plus rien des trois sites que je cherchais : Pasciale d'Iricia, Pasciale del Forello et bergerie de Biancarellu. Je me mis néanmoins en route vers le premier site (Pasciale d'Iricia) en prenant la bonne piste au Sud des bergeries. Bonne au début, mais, après 500m, le sentier qui y fait suite se rétrécit rapidement au fur et à mesure de la descente et s'encombre de ronces traversières et de branches bien entravantes. La fin de l'approche fut assez pénible, puisque, ne sachant pas exactement où se trouvait le site que j'avais localisé trop à l'Est, je perdis beaucoup de temps à chercher hors sente. En fait, le site, ou ce qu'il en reste, est pile sur la sente, un peu après le point 1146 de la carte IGN. Compter en gros 1300m à parcourir depuis les bergeries et 20mn d'approche (Cf. carte sur la gauche de la page).
Le site est constitué d'une sorte de plateau, dorénavant envahi par une pinède et par un maquis bas, avec quelques traces d'arases de vieilles bâtisses et des vestiges de murs et murets peu élevés. Il faut déjà être bien attentif pour repérer tout cela, conformément à ce m'avait prédit le berger de Luviu...
Quant au site de "Pasciale del Forello", situé 400m plus au NE le long de la piste de montée à Luviu par Tagliu Rossu, je n'ai pas eu le temps, ni l'occasion d'aller le visiter, mais ce n'est que partie remise...
La bergerie de Biancarellu :
La bergerie de Biancarellu est dénommée ainsi, avec le qualificatif "d'ancienne bergerie", sur la carte du Cadastre Napoléonien de 1886 de la zone où elle se situe, alors que le Plan Terrier ne fait mentionne que "Pasciale di Balbo". Elle se situe assez à l'écart du plateau de Luviu et de ses environs de pâturages, sur une crête assez aérienne encadrée par les deux profonds et sauvages ravins de Quarcitellu et du Valdu Grande.
En prolongement de la visite de Pasciale d'Iricia qui me prit environ 1h aller - retour depuis le hameau de Luviu, je repartis vers 16h40 en direction du lieu présumé de la bergerie de Biancarellu, en empruntant au départ la piste en direction du Monte Calva. Cette piste commence par descendre jusqu'à la naissance de la branche principale du ravin du Valdu Grande, puis remonte de l'autre côté jusqu'à franchir la crête suivante (celle de la bergerie !) et redescendre à nouveau jusqu'à un col en forme de large plateau.
A partir de là, la carte IGN ne montrant aucun sentier, je décidai de me diriger au NNE pour rejoindre assez vite la crête rocheuse et la suivre en descente vers la bergerie. L'avantage était de pouvoir, d'une part bénéficier de vues saisissantes sur la crête de Luviu et les ravins du Valdu Grande et du Finicione et, d'autre part, de rester en terrain dégagé pour pouvoir apercevoir la bergerie. Ce qui ne tarda pas d'ailleurs puisqu'elle est située exactement sur la crête, sur un replat à la limite de la forêt. A la bergerie à 17h10, soit moins de 30mn depuis Luviu avec une partie de navigation à l'estime que l'on peut éviter (Cf. carte sur la gauche de la page et le retour).
Ruines de bergerie très esthétiques situées sur un site magnifique doté de vues spectaculaires sur les ravins et les crêtes des environs. En outre, en descendant encore quelques dizaines de mètres sur la crête, on découvre un panorama supplémentaire sur le Castellucciu et la crête qu'il domine... Il faut d'ailleurs mettre cette bergerie au pluriel, puisqu'elle comporte des vestiges d'au moins deux bâtisses avec des restes de murs encore assez élevés.
Pour le retour, il m'a suffit d'examiner la forêt dans l'axe de la crête pour trouver une sorte de sente qui s'est avérée plus ou moins bien cairnée et qui m'a ramené au plateau du col et à la piste, selon un itinéraire plus simple à suivre et plus direct que mon parcours de l'aller. Cette sente se trouve aisément dans l'autre sens si on prend soin de partir du col dans l'axe sans chercher à rejoindre la partie rocheuse à droite.
Pour les horaires, 30mn aller de Luviu aux bergeries et 35mn au retour en sens inverse. J'étais de retour au hameau de Luviu et à la voiture à 17h50. Jolie petite boucle à faire en randonnée avec beaucoup de possibilités de variantes tout autour, y compris le sommet du Monte Calva...
Commentaires
Compléments :
Salut @Jplm :
Jean-Pierre, tu aurais eu du mal à trouver mon aide à Sainte-Lucie vu que je suis actuellement sur le continent et ne reviens que vers mi-avril ! ;-)
En ce qui concerne l'église de San Martinu, tu dois savoir dorénavant où elle se trouve si tu as lu l'article du Blog qui l'explique : je n'ai trouvé sa localisation qu'en cherchant sa position exacte sur le Plan Terrier ou le Cadastre (sur la carte IGN, on ne sait pas où elle est située). Il ne reste quand même que des "arases" et bien enfouies sous le maquis : emporter une machette est bien utile et un bon démaquisage permettrait au moins de retrouver la forme au sol de l'église...
Si maintenant, ils ferment la barrière avant le pont de Marion même en hiver, il va falloir que je me trouve un carré (comme tous les locaux au courant) pour pouvoir me l'ouvrir moi-même. J'ai déjà failli y laisser ma Corolla en essayant de contourner imprudemment cette barrière en 2012 (ne pas essayer avec autre chose qu'un bon 4x4 ! :evil: )
A l'occasion d'une balade samedi dernier, je me suis moi-même mis à la recherche de la fameuse église (ruinée) San Martinu, sans avoir lu le blog Corse Sauvage auparavant. J'aurais pu y penser, ça nous aurait éviter de chercher en vain nous aussi en amont de la piste (j'étais même persuadé que c'était sous le a de San sur IGN !) alors qu'apparemment c'est en aval...
Côté aval, non loin du réservoir, il y a un endroit sombre avec un gros figuier (je crois) où j'ai aperçu quelques murs mais rien qui ressemble à une église. C'est quoi ?
Comble de bonheur, au retour nous aussi avons trouvé la barrière du pont Marion fermée, à 17h00. Sans un promeneur allemand et bricoleur qui passait par là, j'étais bon pour descendre à pied chercher du secours à Tagliu Rossu où je ne connais personne ou à Ste-Lucie - où je connais Philippe !
Jplm
@dume :
Et oui, même si dans le Haut-Cavu ce n'est pas de l'archéologe bien ancienne ! ;-)
Il n'empêche effectivement que TOUT ce qui était marqué sur le Plan Terrier et sur le Cadastre Napoléon a été retrouvé sur le terrain : église de San Martinu, bergeries du Mela (difficilement et en trois essais + 200 m de ronces), de Lora, de Sainte-Lucie, de Strascinella et celles du secteur de Luviu (Luviu et Pasciale d'Iricia). Il me reste à retrouver Pasciale di Forellu et Pasciale di Coperchjata dans ce coin... et toutes les fontaines et sources indiquées dans des endroits pas possibles... et tous les vieux chemins à restaurer... 8-)
Merci de m'avoir aidé à attraper ce virus, Dumé, et bonnes fêtes de fin d'année à toi et à toute ta famille !!
salut Philippe je vois avec plaisir que le virus de l'archéologie est bien implanté ! Joyeuses fêtes et bises à Nicole.
@olihulk :
Oui et je ne suis heureusement pas le seul barjot dans l'île puisque j'en connais d'autres que toi et moi.
En ce moment, d'ailleurs, David Abadie, plutôt spécialiste de l'Islande mais adepte ponctuel de la Corse et du Blog, est arrivé le 1er mai dernier pour faire un raid ambitieux en solo dans le massif de Bavella. Après avoir avorté une tentative sur Giru di Vangoni pour cause d'orages (+ neige sur les crêtes), puis abouti à une impasse dans les Ferriate dans le Giru di Ferriate où il n'a pas trouvé le boyau de descente après 'les dalles pentues" et "la fissure horizontale", je l'ai donc recueilli pour une nuit avant de le remettre dans la dernière partie prévue de son raid : remontée du Carciara, puis de Frassiccia jusqu'à Bocca di Fumicosa où il a dormi cette nuit. J'irai le chercher à Bavella après qu'il aura bouclé son tour avec la Crête des Terrasses (s'il trouve le tunnel, pas facile à trouver dans ce sens !) et Punta Velacu.
Tu es un vrai bargeot, Philippe.
Mais je te comprends à 100%.
La passion permet de franchir les montagnes et les ronciers !!!
Et bien, j'ai enfin réussi à trouver une des bergeries de Mela que j'avais cherchées l'année dernière en vain, malgré une magnifique tranchée creusée dans les ronces aux environs des coordonnées supposées données par le Plan Terrier ! :-)
Hier, par un soleil estival et une température de 23°C, j'avais entrepris un travail de démaquisage de début de saison du sentier de Mela/Peralzone (celui qui monte à la crête de Paliri). En revenant en fin de journée, j'ai simplement voulu voir ce qu'était devenue la tranchée creusée presque une année auparavant dans les ronces : surprise, elle avait pas mal résisté, et c'est en moins de 5mn que j'atteignis le ruisseau qu'il m'avait fallu plus d'une heure pour rejoindre l'année dernière.
Du coup, j'ai eu l'idée de remonter le ruisseau, pas mal entravé mais avec moins de ronces qu'ailleurs, et d'en sortir sur sa RD de temps en temps pour aller voir si je trouvais quelque chose. A ma deuxième tentative, je suis tombé sur les ruines d'une des bergeries cherchées, bien engoncées sous la végétation, mais encore bien visibles quand on s'en approche de près...
@Ami Gilbert d'Ahuy :
C'est toujours sympa de lire des commentaires louangeurs ! LOL
Il est certain que nos sites Web (deux de mon côté !) sont assez différents et que, pour ma part, je n'arrive pas à trouver suffisamment d'attraits aux chemins de Saint-Jacques de Compostelle pour aller les "explorer" !
Chacun ses passions, chacun ses trips... et la Corse pour tous :!: 8-)
Superbe blog, disons Site, super bien fait et très pro. qui mérite d'être noter pour y revenir souvent...le mien à côté fait plutôt brouillon! Bon, le tout, c'est de se faire plaisir et de partager avec les autres les mêmes passions et on est pas tous pro de l'informatique... J'ai reconnu de nombreux coins de cette île merveilleuse où j'ai vécu dix années de belles vacances, surtout à Calvi... Ami Gilbert d'Ahuy
Salut @François :
Me comparer à Fenimore Cooper est très valorisant pour moi, mais je ne suis pas à son niveau bien sûr. Je peux, par contre, très certainement être comparé au "Dernier des Mohicans" quant il s'agit de faire les explorations locales et les travaux de restauration ! LOL
Je suis muni depuis pas mal de temps de la machette Fiskars qui est effectivement très efficace pour les coupes normales, mais aussi pour les ronces et salsepareilles où son "bec" est assez performant...
Les autochtones ne pensent pas grand chose de mes pérégrinations car ils ne doivent être que deux ou trois à les connaître et ces deux ou trois me prennent pour un fou !
Quant aux cartes anciennes, c'est effectivement un problème que de les synchroniser avec les cartes actuelles et de retrouver les vraies coordonnées des marques qui y sont inscrites. Si tu as des idées sur la question, je suis preneur ! 8-)
Effectivement, ces récits se lisent comme du Fenimore Cooper: quel acharnement et quelle patience! J'ai entr'aperçu sur une photo la redoutable machette Fiscars (je viens d'en faire acquisition pour les abominables salsepareilles du Var); et puis j'imagine que tu vas te procurer le carré magique pour les barrières du haut Cavu.
Que pensent les autochtones de ta passion pour le patrimoine sylvestre de la région?
Félicitations aussi pour ta maîtrise des plans Terrier et cadastraux, qui n'ont pas, eux, de quadrillage UTM...
@dominique :
Tu as raison ! Sur le moment, puisqu'il s'agit d'archéologie, j'ai cru que c'était Dumè (Dominique Martinetti : mais je crois qu'il s'identifie Dumè et pas Dominique) qui avait écrit ce commentaire...
Cela ne change rien au fait que ton commentaire était très sympa et à ce que j'ai raconté de ces aventures !
Au fait, j'espère que la famille Treillard s'est bien agrandie récemment, sans problème et comme prévu, de la petite Lise :?:
@PhE :
je crois que tu te trompes de dominique 8-) mais ce n'est pas grave
@dominique :
Enfin quelqu'un qui apprécie ma prose et mes tentatives archéologiques ! LOL
Merci, dans tous les cas, de m'avoir initié et donné le virus de la recherche de ces vieux éléments du patrimone insulaire. C''est un excellent moyen, en Corse, de cumuler la joie des (re- ?) découvertes culturelles et la passion de l'exploration... lorsqu'on les pratique dans les régions et zones oubliées de l'île. ;-)
Je ne sais pas si c'est bien rendu dans l'écriture, mais c'est vrai que cela a été l'occasion d'aventures passionnantes (romanesques :-? ) en 2012 ! :!:
Bravo Philippe pour tes deux derniers articles, tout simplement fantastiques !
On se plonge dans leur lecture comme dans un roman... une véritable chasse aux trésors !