1ère partie : La côte sauvage

Plage de Mucchju BiancuEn Corse, les littoraux « sauvages », c’est-à-dire où les routes ne passent pas, se dénombrent facilement : l’extrémité du Cap Corse, le désert des Agriates, la réserve de la Scandola, et les rivages du sud-ouest, entre Campomoro et Bonifacio. J’avais parcouru les deux premiers l’an dernier, le troisième ne comporte pas de sentier littoral, restait le quatrième qui présentait de sérieux avantages pour notre premier trek : mise en jambe progressive, campings disponibles aux étapes, et jonction facile avec notre montagne mythique ; de plus, Nicole avait décidé de nous accompagner, attirée par la proximité de la mer, et l’absence de dénivelés impressionnants. De Ste Lucie de Porto-Vecchio, nouvelle résidence de Philippe et Nicole, nous partons à deux voitures, en laissons une à Pianotolli, et poursuivons sur Campomoro avec l’autre : petit café pour nous donner du courage, chargement des sacs sur nos épaules encore tendres, et départ vers 10 h 30.

• Campomoro-Tizzano (1er jour) :

Punta di Scalonu (Stalonu)Nous saluons la tour de loin, pressés que nous sommes de réellement commencer à marcher. Le chemin se faufile au milieu de blocs aux formes étranges, résultats d’un concours cosmique de sculpteurs un peu fous, propres à concrétiser nos phantasmes nocturnes. Le sentier est bien tracé, cairné régulièrement ce qui permet de lever quelques ambiguïtés. Les « cala » (renfoncements que l’on peut traduire selon les cas par calanque, fjord ou baie) se succèdent, offrant des tentations de baignade d’autant plus vives qu’il fait chaud en cette dernière semaine de juin : Agulia d’où l’on peut boucler sur Campomoro par un sentier intérieur, Arana, et enfin la célébrissime cala de Conca où nous nous attardons pour un dernier bain de la journée avant d’affronter Scagliu Longu et le cap de Senetosa.

Petite cala entourée de murets entre Punta di Scalonu et Punta di Puntinu Arrivée à Cala d'Agulia

Cala d'Arana

En quittant Cala di Conca : le rocher-tortue Après Cala di Conca : vers la pointe de Senetosa

Nous laissons le phare à main gauche, le sentier contourne les cala de Tivella, Longa et de Murta Spana ; à celle de Barcaju, nous retrouvons la piste et sa fréquentation automobile, dont nous profitons sans vergogne pour ne pas arriver trop tard à Tizzano. Coup de chance, la voiture qui nous recueille est conduite par la charmante responsable locale du Conservatoire du Littoral ; bientôt attablés devant Pietra, Colomba et Orezza, nous devisons agréablement sur le « royaume » de notre hôtesse, qui nous apprend notamment qu’un nouveau sentier vient de s’ouvrir ente Figari et Bonifacio. Nous nous installons au camping de l’Avena, où, si l’on n’arrive pas trop tard, il est possible de faire ses courses ; un peu fourbus et affamés, nous renonçons aux lyophilisés au profit d’excellentes pizzas…

Capu di Senetosa : le phare Cala Longa

Arrivée à Cala di Tivella : la plage

• Tizzano-Roccapina (2ème jour) :

Arrivée à Capu di ZiviaN’étant guère des stakhanovistes du matin, nous démarrons « piano » vers 9 h 30 : le sentier s’élève sensiblement pour éviter une zone escarpée puis redescend pour lécher le rivage de la pointe Latoniccia. Il faut être attentifs aux cairns car le maquis est présent, et il y a mille occasions de s’égarer. Nous repérons au passage un abri sommaire pour kayakistes fourbus. A la cala de Brija, nous retrouvons la piste qui permet de regagner directement Tizzano, et, deux petits kilomètres plus loin, la plage de Tralicetu, « envahie » (tout est relatif !) du fait de la possibilité de venir ici en voiture par la piste qui prend sur la route de Tizzano. Une kayakiste de 80 printemps, étonnamment jeune, nous vante les mérites de l’endroit et déplore son prochain retour à Paris…

Sur le sentier de Capu di Zivia Sur le sentier de Capu di Zivia

Traversée de la plage de Tralicetu (Tradicetta)

Nous décidons de pique-niquer un peu plus loin, à la plage d’Argent (Cala Barbaria), où hélas, les rares coins d’ombre sont déjà occupés.La suite est plus problématique. Le sentier nouvellement officiel contourne la pointe de Murtoli. Philippe se rappelle l’existence d’un sentier direct sur Erbaju, et avec son flair habituel, finit par le découvrir, soigneusement camouflé. En vue de Murtoli et de ses "bergeries" : domaine à contourner avant Erbaghju et RoccapinaAu passage, nous prenons en charge un jeune couple désespérant de trouver la suite. Le sentier monte, laisse à droite la Punta de Cala Barbaria, et descend sur la trop fameuse résidence de Murtoli, dont il faut longer la clôture, en attendant l’accord qui doit intervenir entre le Conservatoire et le propriétaire. Reconnaissons que ce contournement, s’il manque de charme, ne pose aucun problème.

Arrivée à Cala Barbaria (Plage d'Argent)

Nous étions inquiets de la traversée de l’Ortolo. Charles Pujos, habitué des randonnées d’hiver ou de printemps, en avait fait une description sportive, avec de l’eau à mi-poitrine et les affaires sur la tête… mais non, l’Ortolo était redevenu le sage petit ruisseau que l’on traverse en se mouillant à peine les mollets.

Arrivée à la plage d'Erbaghju

Plage d'Erbaghju : traversée de l'Ortolu Plage d'Erbaghju : traversée de l'Ortolu

La plage d’Erbaju est magnifique : presque 3 km de sable quasiment désert ! Nous y prenons nos aises méridiennes. Nous ne sommes guère pressés, notre étape étant le camping de Roccapina, juste derrière la crête occupée par le Lion et la tour ; un sentier, qui prend aux 4/5 de la plage, escalade les contreforts du cap, et nous monte à la tour, d’où la vue est bien digne des guetteurs de Barbaresques.

Plage d'Erbaghju :traversée de la plage vers la crête de Roccapina

Tour de Roccapina : la tour Tour de Roccapina : plage et baie de Roccapina

Le site est un peu plus fréquenté que le reste, proximité du camping oblige… nous y descendons sans difficulté, et plantons notre tente dans un lieu nettement moins étoilé que le précédent : encore des problèmes d’investissement, notamment en ce qui concerne les sanitaires… Ici encore, on peut trouver du pain et un ravitaillement sommaire, mais suffisant si on a décidé de ne pas se charger. La nuit fut bercée par les vocalises d’un infatigable bambino qui testait en endurance ses poumons…
Moralité : ne pas oublier ses bouchons d’oreille !

• Roccapina-Pianotolli (3ème jour) :

Anse d'Arbitru : embouchure du ruisseau de LaticiatuNous démarrons la journée un peu crevés de la nuit, fort heureusement par la piste qui part du parking est et monte pour dominer le rivage. Pour qui, pourquoi fut créée cette voie ? Mystère, sans doute devait-elle rejoindre un peu plus loin la nationale ? Toujours est-il qu’elle se termine brusquement au point coté 39 sur IGN ; à une vingtaine de mètres avant cette fin, un discret cairn sur la droite montre le début d’un discret sentier qui descend plein sud pour gagner le bord de mer, que l’on suit au mieux, mais sans difficulté, au travers des lieux-dits Mucchiu Biancu, Saparella et Furnellu, jusqu’à retrouver une sente cairnée qui mène à la tour d’Olmeto : de là, un vrai « boulevard » conduit à la cala di Furnellu, que nous élisons pour notre pause-déjeuner.

Plage de Roccapina avec la tour et la crête depuis la piste Est Première plage du sentier littoral de Roccapina ("la plage du pirate") La "maison du pirate"

Plage de Mucchju Biancu (des baigneurs !!) Vers la tour d'Ulmetur Vers la tour d'Ulmetu : la tour et le cormoran

Cala di Furnellu (ou de Caniscione) : vue vers la Punta di Caniscione et la tour d'Ulmetu Cala di Furnellu (ou de Caniscione) : l'étang derrière la plage et l'embouchure du ruisseau de Spartanu

Cala di Furnellu (ou de Caniscione) : la plage et l'embouchure du Spartanu

La suite est la seule partie nettement scabreuse de ce parcours, du fait des propriétés privées qui obligent, pour longer le littoral, à quasiment sauter de rocher en rocher. Ce n’est pas le parti qu’adopte Philippe ; les yeux fixés sur notre carte, nous suivons le chemin fort bien marqué sur IGN, passant par les points 32, 49, 35, 33, 15, mais qui nous contraint, en début et en fin de parcours, à traverser des domaines résolument privés, heureusement déserts (quoiqu’ouverts) à cette heure : la sieste ? Halte et bain dans l’anse d’Arbitru.

Anse d'Arbitru : la plage vers les propriétés privées Anse d'Arbitru : embouchure du ruisseau de Laticiatu

Après, c’est le bonheur : la presqu’île des Bruzzi redevient propriété du Conservatoire ; plusieurs circuits y sont indiqués, dans une nature très marine et sauvage. Gagner l’anse de Chevanu est facile, rejoindre Pianotolli l’est moins, car il faut suivre la route. Nous confions à la femme du groupe la mission de se faire prendre en stop, et de venir nous chercher avec la voiture laissée là-haut, ce dont elle s’acquitte avec brio. Pietra et Colomba scellent le succès de ces trois jours…

Vers le départ du sentier littoral des Bruzzi : les rochers Sur le sentier littoral des Bruzzi

Sur le sentier littoral des Bruzzi : la pointe des Bruzzi et les îles

• En conclusion :

Ce parcours côtier ne présente aucune difficulté technique ; mais… il vaut mieux l’avoir exploré auparavant, les occasions d’errance n’étant pas complètement négligeables. Heureusement pour moi, c’était le cas pour Philippe et Nicole.

En cette saison, il y fait chaud, mais le voisinage de la mer entretient une certaine fraîcheur dont on profite encore plus avec les multiples occasions de baignade. Reste le problème de l’eau : les sources sont peu nombreuses, il en existe une à la cala di Conca, mais nous l’avons mal cherchée…

Le seul réel point noir est la solution de continuité entre Furnellu et Arbitru : un contournement « autorisé » par le nord est-il possible ? En tous cas, cela mériterait un traitement officiel. Mais ne rêvons pas, nous sommes en Corse…