Traversée de la Cagne : Giannuccio - Vignalella (Bernard AUBERT)
Par PhE le jeudi 13 août 2009, 19:37 - Randonnée + - Lien permanent
Après une période intense d'inactivité, le Blog "Corse sauvage" essaie de se sortir de la léthargie imposée par l'absence habituelle de disponibilité des nouveaux retraités, partagés entre restructuration de leur vie personnelle et familiale d'une part, et intensification de leur agenda réorienté vers des loisirs de pur hobby !
Comme solution pour couper court à l'absence d'articles en juillet, je n'ai trouvé comme stratagème que de faire travailler les autres..., en l'occurrence Bernard Aubert, personnage fort sympathique que j'ai rencontré récemment, accompagné de sa femme, à Bavella et qui m'avait fait le plaisir de me dire qu'il connaissait "Corse sauvage" et qu'il le trouvait très réussi. Lui aussi est un récent immigré en Corse et habite Sartène : on risque donc de se retrouver régulièrement sur les massifs du coin, Bavella et Cagna, et pas seulement sur Internet !
Bernard avait envie depuis longtemps de réaliser la traversée de la Cagne et ce fut chose faite début juillet dernier, sans sa femme sur le point d'accoucher mais avec un ami québécois, Steff, qui a trouvé les sangliers corse plus farouches que les orignaux canadiens... Beau périple entre Giannuccio et Vignalella, réalisé dans la journée du 3 juillet dernier en 10 h de marche effective, deux jours après mon propre passage lors de notre trek Campumuru - Sainte-Lucie de Porto-Vecchio où nous avons aussi traversé la Cagne entre San Gavinu et le col de Bacinu les 30 juin et 1er juillet ! C'est le compte-rendu de sa traversée que je vous propose de lire ci-dessous, accompagné des photos du parcours illustrant bien l'ambiance particulière de cette étrange région...
Avec mes remerciements à Bernard pour cette contribution à "Corse sauvage", même s'il m'assure que le site lui a fourni beaucoup d'infos pour cette traversée, et avec tous mes voeux de bonheur à la nouvelle petite Aubert, Lisa, qui est arrivée fin juillet dernier, et à ses heureux parents.
Traversée d’une partie du massif de Cagna, Giannucio - Vignalella
Faite le 03 juillet 2009 avec Stef le canadien.
Cette traversée nous tentait depuis plusieurs mois déjà, après plusieurs balades en aller retour dans ce massif si particulier et si attirant, mais la grossesse de mon épouse rendait toute tentative trop risquée. J’ai donc profité du passage en corse d’un ami québécois pour réaliser ce projet.
Au départ de Giannucio, à 7 h du matin, nous avons partagé un moment fort intéressant avec un vieux monsieur de 84 ans, originaire du village, qui connait très bien le massif (il monte encore à l’Uomo, et y chasse régulièrement) et qui nous a parlé des téléphériques installés dans le temps pour le débardage des bois , et des parachutages sur la prairie de l’Ovace pendant la guerre . Une mine de renseignements, et un bel humain comme je les aime… Je repasserai d’ailleurs le voir le lendemain, en revenant chercher ma voiture, pour continuer la conversation.
Donc, montée à l’Uomo, chemin connu, quelques photos au sommet, il est tôt, nous y sommes seuls et mon canadien est emballé par le site (moi aussi, bien sûr).
Ensuite début de la traversée. N’étant pas redescendus assez bas, nous avons dû sauter de blocs en blocs pendant un moment pour retrouver la trace marquée en jaune qui part NE vers le plateau de Presarella. Une fois ce sentier trouvé, il est aisé d’aller jusqu’au col du Monaco où l’on quitte cette trace jaune qui doit descendre, je pense, aux bergeries de Naseo (NDLR : "Je confirme : cette trace descend à Bocca di Tonnari et remonte ensuite aux bergeries de Naseu").
A partir de là il faut vraiment ouvrir l’œil, il y a des cairns (ou des bouts de cairns !) disséminés ça et là, parfois pas, parfois trop et qui visiblement amènent ailleurs. Bref, il faut savoir en gros où l’on veut aller, ne pas vouloir inventer un nouveau passage (à moins d’avoir du temps pour explorer), et donc savoir toujours revenir au dernier cairn évident en cas d’hésitation. C’est d’ailleurs lors d’un de ces errements que nous tomberons par hasard sur une trace d’un ancien téléférique en face nord de la chaine de Cagna.
La « trace » que nous avons choisi de suivre partait plutôt plein nord, nous faisant contourner (nous le pensions) la pointe d’Ovace par le nord. En fait, elle remontait au fur et à mesure, et à un moment donné, nous nous sommes rendu compte qu’il nous suffisait de monter quelques gros blocs pour accéder au sommet par le Nord.
De là, on a une vue superbe et l’on voit bien le chemin qu’il reste à parcourir : notamment, on distingue la clairière d’Ovace.
Le parcours le plus évident nous a semblé être celui qui redescendait vers le sud, du sommet jusqu’à un petit replat, puis qui zigzaguait vers l’est au milieu de blocs, puis d’arbres, jusqu’à arriver à cette fameuse clairière.
Clairière où l’on trouve, en bordure Est (NDLR : "Je pense que Bernard fait une petite erreur et que cette grotte-bergerie se situe en fait en lisière Nord de la plaine"), un abri sous roche, fermé par un mur, qui peut permettre un très bon bivouac.
Nous avons passé un petit moment dans cette prairie à chercher une trace pour continuer notre traversée, écumant les bordures, ce qui a valu à mon ami Stef une bonne frayeur lorsqu’il a débusqué son premier gros solitaire dans les fougères. Le record du 100m a bien failli tomber !!
En fait, la trace repart en bordure nord de la clairière (nous avons refait un cairn sur un gros rocher), serpente en remontant entre des gros blocs, puis redescend la rive gauche d’un vallon encombré d’énormes rochers jusqu’aux bergeries ruinées d’Apaseu.
On remonte ensuite NE vers un petit collet bien visible, puis, de là, on suit quasiment en courbe de niveau une trace cairnée jusqu’au col de Funtanella que l’on ne tarde pas à apercevoir.
La redescente s’effectue alors plein nord, vers Vignalella, par un sentier bien marqué, quoique un peu difficile à suivre dans la partie haute du fait de la traversée d’une forêt encombrée de chablis (même si quelqu’un l’a remis en état partiellement depuis janvier).
Il faut compter 10 h de trajet, sans trop traîner, avec près de 1400m de dénivelé. Ce n’est pas de l’alpinisme, mais, à mon avis, il ne faut y emmener que des gens au pied montagnard et, en tout cas, ne pas le faire en temps de brouillard. C’est une marche difficile, car elle demande de la concentration permanente pour ne pas tomber et pour chercher sa trace. On se perd souvent et, je le répète, il ne faut pas hésiter à revenir au dernier cairn évident pour rechercher une trace meilleure.
On trouve de l’eau au dessus des bergeries d’Apaseu et le téléphone passe à peu près partout.
En cas d’arrivée du brouillard, le mieux est, je pense, de bivouaquer : d’ailleurs, ne sachant pas combien de temps nous prendrait cette traversée, nous avions prévu de quoi.
La baignade en arrivant au pont de l’Ortolo fut vraiment la bienvenue !!
NDLR : Deux compléments d'informations sur cette traversée avec la carte et le tracé du parcours d'une part, et le relevé des altitudes et horaires tracés par la montre Suunto de notre canadien High Tech !
Avertissement : Durant nos échanges de messages avec Bernard, nous nous sommes rendus compte qu'il n'est pas INUTILE de rappeler quelques "fondamentaux" que l'on pourrait oublier en Cagne !
- Il est dangereux de partir en Cagna avec des idées préconçues, du genre terrain simple avec peu de dénivelé, peu de superficie et peu de maquis, et donc aisé à parcourir
- Cette région est en fait TRES complexe et cumule terrain compliqué, chaos rocheux, dédales végétaux, sols effondrés, tourbières, ronces, forêts primaires obscures, absence quasi-totale de sentiers, traces cairnées erratiques, etc...
- Ce n'est certes pas le Filosorma sur le plan alpin, mais il s'avère à l'usage que TOUT LE MONDE se perd en Cagna, y compris les guides et accompagnateurs qui ne sont pas de la région (confirmé par de nombreux témoignages de locaux et d'étrangers sur ce sujet) et qu'il faut se préparer à y montrer concentration et attention de tous les instants pour s'y aventurer
- Elle est donc réservée à des randonneurs aguerris et expérimentés en marche d'orientation en terrain chaotique, maniant convenablement carte/boussole/altimètre : inutile d'imaginer que le GPS vous sortira d'affaire, il est quasiment inutile sur ce type de terrain, ne vous dira jamais par où il faut passer et, en Cagne, il ne sert à rien de savoir OU l'on est perdu !
- Pas la peine de se retourner contre "Corse sauvage" et/ou Bernard Aubert, en cas de problèmes sur place : les informations du site ne vous seront d'aucun secours SI VOUS N'AVEZ PAS LA CAPACITE DE LES UTILISER SUR LE TERRAIN... et vous serez seul responsable de vos mésaventures... et des explications éventuelles à donner aux secours corses qui viendront vous chercher...
Commentaires
@olivier hespel :
Deux traces sur Visu-GPX (chosir les cartes IGN ou les photos satellites dans le menu de droite et mettre en Grand Ecran avec l'icône à gauche de l'écran) ::
La trace par Malpaseu n'est pas la plus optimale : la montée vers la combe fonctionne mais a été effectuée en dépit du bon sens et demande une rectification plus directe et plus efficiente;
Philippe. Tu as le GPX de la partie Funtaneddu Apaseu par zazard ?
Ce massif de Cagne est décidément bien attachant, avec ses paysages tout à fait particuliers :-) , ses chaos rocheux introuvables ailleurs :-/ , son dénivelé modéré et ses pentes relativement douces (à quelques exceptions près : couloir de Punta Chantara de la crête de Compolelli) :-) , et ses "sentiers" bien typiques, les traces cairnées :evil: .
Nous en avons réalisé la traversée avec François Despax quelques jours avant Bernard et Steff, au sortir d'un trek qui nous a menés de Campumuru à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio en 6 jours et dont la première partie du récit (les 3 premières journées de trek littoral) vous sera contée très prochainement.
Je trouve personnellement tout à fait intéressant cet article sur la traversée de la Cagne, car il montre que ce coin déserté de la Corse attire tout de même quelques randonneurs qui ne sont pas effrayés par l'absence de refuges et de balises (et même de sentiers)
Il est clair que Bernard et sa femme doivent faire partie de la dizaine de randonneurs (hors indigènes locaux, pas très nombreux non plus : c'est vrai que, dorénavant, on peut se compter, Bernard et moi, parmi les indigènes !) qui doivent monter a Cagna chaque année et que ce genre de promenade n'a rien à voir avec le GR 20 ! Mais ce massif est complètement original en Corse et extrêmement attachant par son ambiance particulière et sa solitude permanente... A ne pas sous-estimer !
Je profite de ce commentaire pour faire partager quelques souvenirs photos de ma dernière virée en Filosorma pour accompagner Caroline qui n'avait pu terminer avec nous l'année dernière la traversée des vires Tafonatu/Scaffone envisagée et ratée en 2007. Comme vous le constaterez, cette période de début août nous a permis de contempler quelques curiosités naturelles comme le névé en proue de Titanic (après l'iceberg !) du couloir central du Tafonatu et le névé spéléo de Campu di Vetta... Et enfin de visualiser... et photographier... une multitude de mouflons qui fréquentent ces deux vires en cette saison.