U Giru di Vangoni
Par PhE le mardi 30 septembre 2014, 18:33 - Ravinisme - Lien permanent
Les pratiquants de la randonnée sportive et, en particulier, du "ravinisme" en Corse connaissent bien l'itinéraire du massif de Bavella qui a été baptisé "Giru di Vangoni" et qui est considéré comme le "must" de la pratique sur l'île !
Il consiste dans l'enchaînement des deux grands ravins de Bavella, Pulischellu et Purcaraccia, en les reliant par une traversée proche de la crête Furnellu - Muvrareccia des plus hauts sommets du massif. Habituellement parcouru dans le sens remontée du Pulischellu et descente de la Purcaraccia, ce parcours est long d'un peu plus de 10km avec plus de 1500m de dénivelé positive et négative et cumule les difficultés rencontrées sur les circuits hors pistes en Corse : remontée de ravins étroits avec nombreux ressauts infranchissables à contourner, plusieurs pas d'escalade ardus pour un randonneur, recherches de passages, problèmes d'orientation dans la liaison en traversée des deux ruisseaux, descentes raides dans terrains mixtes de blocs, éboulis, ronces et pentes terreuses,...
Son histoire est assez édifiante et remonte à une époque où les deux ravins méritaient bien de représenter symboliquement le "wilderness" corse puisque le Pulischellu n'avait a priori jamais été remonté (sauf dans sa partie très proche du pont sur la D268) avant les années 1970 et la Purcaraccia n'avait vu la visite de ses vasques et de son ravin aval que par des ouvriers italiens qui exploitaient le bois dès la fin du 19ème siècle à la confluence avec le ravin de Nura dans une "usine à bois" proche du point IGN 989m. La première exploration du Pulischellu date de septembre 1975 et est le fait d'une petite équipe de grimpeurs marseillais (Guy Allard, Ode et Jean-Philippe Bourley, Marlène et Marc Chabert, Jean-Marie Ricciardi, Jacqueline et Bernard Vaucher.) dont cinq d'entre eux conquérirent la Punta Pulischellu via l'arête de l'Ecureuil le 05/09/1975, tandis qu'une autre équipe continuait d'explorer le ravin. La suite de l'exploration de ce ravin continua à être poursuivie par ces mêmes grimpeurs, accompagnés par d'autres comme Bernard Bouscasse, Michel Charles, Jean Lefèvre et Jean-Paul Quilici, pour la conquête des autres parois de cette région reculée (A Taula, U Candellu, U Candellonu, Punta Pulischellu, Punta di a Calancona). Le Giru lui-même ne fut envisagé et réalisé qu'en août 1979 avec bivouac par Ode Bourley, Jacqueline et Bernard Vaucher et ne fut répété que 9 ans plus tard en août 1988 par Elisabeth de Bouard, Jacques Moliné et Francis Thibaudeau. A l'époque, les deux ravins étaient dépourvus de toute fréquentation, y compris à leurs extrémités, et ce n'est qu'à la fin des années 1990 avec la vogue des "piscines naturelles" que canyoneurs et "pataugeurs" sont venus s'agglutiner dans leurs vasques et cascades...
Ayant déjà parcouru plusieurs fois ces ruisseaux, le Pulischellu (4 fois en fait) depuis les années 1980 avec sortie vers Bocca di u Santu ou Bocca di Maru et la Purcaraccia (8 fois jusqu'à Punta Malanda et 1 fois jusqu'à la confluence Puracaraccia - Nura), il ne me manquait plus que la traversée entre les deux ruisseaux et la descente de la Purcaraccia supérieure pour terminer ce parcours. Néanmoins, je ne pus trouver l'opportunité de le faire et, depuis l'année dernière et les problèmes physiques, je craignais les risques associés à un parcours en solo ! Aussi fus-je bien content qu'Olivier me propose de le faire avec moi après la saison touristique, sachant qu'à plusieurs les risques étaient amoindris...
C'est donc les 13 et 14 septembre derniers que nous mîmes en route à trois pour ce périple, Olivier (Hespel), Victor (Gomis) et moi-même, après l'abandon du quatrième candidat, Francè, pour cause de problème de voiture :
- La reconnaissance préalable du bas du Pulischellu
- Jour 1 : La remontée du Pulischellu
- Le bivouac d'U Zordu
- Jour 2 : La traversée Pulischellu-Purcaraccia et la descente de la Purcaraccia
Pour suivre l'itinéraire du Giru, il vous suffit de consulter la carte sur la gauche de la page avec le parcours estimé en rouge et ma trace GPS prise depuis le ruisseau d'U Candelli en vert fluo avec les multiples aberrations qui rendent les GPS presque inutilisables en ravins ou à proximité de parois verticales...
La reconnaissance préalable du bas du Pulischellu
Je pensais avoir bonne connaissance de la remontée du Pulischellu avec quatre parcours entre 1986 et 2002, mais, en fait, je m'étais rendu compte lors de la préparation du Guide Multi-Evasion Glénat Corse-du-Sud que la partie basse du Pulischellu avait été complètement transformée par l'affluence combinée grimpeurs - canyoneurs - touristes et que j'avais peu de chances de retrouver la sente originale de la RD que j'avais empruntée jusqu'en 2002. Un contact fin 2013 avec Jean-Louis Fenouil qui avait rédigé le dernier topo d'escalade de Bavella paru en 09/2010 m'avait mis la puce à l'oreille : le bas du ruisseau est dorénavant encombré de multiples sentes redescendant dans le lit du ruisseau pour démarrer le canyoning ou rejoindre la RG et les voies d'escalade nombreuses de ce côté. En RG, les grimpeurs ont créé une sente cairnée (sécurisée en 2009 avec des scellements) qui escalade la falaise et permet, soit de rejoindre les voies de Punta di u Corbu et Teghje Liscie au-dessus, soit de continuer à remonter le ravin en RG, une trentaine de mètres au-dessus du ruisseau que l'on rejoint vers 700m d'altitude. C'est d'ailleurs ce dernier itinéraire que j'ai indiqué dans le Guide Multi-Evasion Glénat Corse-du-Sud, mais sans avoir pu le valider par moi-même.
Je profitai donc de l'occasion d'une rando à Bavella la semaine précédant notre raid pour aller y jeter un œil en fin de journée. La partie aval du ravin a effectivement bien changé depuis une quinzaine d'années. On peut partir dorénavant du pont du Pulischellu comme avant en privilégiant la RD, mais aussi d'un sentier partant de la gauche (Sud) du parking qui simplifie le parcours : les deux approches se rejoignent au niveau d'une corniche aérienne surplombant le torrent en RD. Ensuite, de multiples descentes vers le ruisseau ont été aménagées pour le canyoning et ce n'est pas simple de trouver celles permettant la suite de la remontée du ravin ! Une première descente avec désescalade rocheuse depuis une vaste plate-forme horizontale amène en haut du bloc rocheux de 10m qui surplombe la grande vasque du départ le plus utilisé pour le canyoning.
Il faut l'éviter en continuant en RD la sente, moins marquée dorénavant et toujours en hauteur, qui amène à un couloir terreux incliné avec deux options : celle qui descend rejoint tranquillement (c'est bien la seule) le ruisseau, alors qu'en remontant le couloir sur 10/15m d'altitude on retrouve la suite de la sente plus haut. J'ai pris l'option qui descend au ruisseau où je me suis longtemps demandé comment cela continuait : une cascade infranchissable empêche la remontée vers l'amont. Il m'a fallu un bout de temps pour apercevoir un "tas de cailloux" (drôle de cairn !) contre la falaise de la RG que je n'aurais pas eu un instant la tentation d'aller escalader tant elle paraissaitt verticale. En fait, ce "cairn" marque le début d'une fissure-vire partant vers la droite et permettant de grimper le bas de la falaise via un pas de 3b peu difficile mais terriblement aérien et exposé. Ensuite, c'est une remontée d'une partie encore bien raide, marquée par des cairns qui ramènent dans le bon sens vers la gauche (après la remontée vers la droite) sur une jolie vire aérienne 30/40m au-dessus du Pulischellu. Il suffit de suivre cette sente cairnée bien marquée, sauf au passage d'un couloir humide, pour retrouver 20mn plus loin le lit du Pulischellu et continuer la remontée. C'est la voie de remontée du ravin indiquée dans le topo de Jean-Louis Fenouil et dans le Guide Multi-Evasion Glénat Corse-du-Sud et c'est certainement la plus directe, mais cet itinéraire n'est pas donné à tous les randonneurs, surtout un peu chargés avec un sac de raid...
Jour 1 : La remontée du Pulischellu
C'est le Samedi 13 septembre que nous avons démarré ce Giru après une restauration commune avec Victor et Olivier au col de Bavella où nous nous étions donnés rendez-vous. Départ sous le soleil vers 13h20 depuis le grand parking du Pulischellu en empruntant le sentier nouvellement créé depuis la gauche de ce parking. Après 15mn de marche, petit arrêt photo au-dessus du bloc et de la vasque du départ du canyoning avant de continuer la sente RD comme lors de ma reconnaissance. Mais à l'arrivée au couloir terreux, au lieu de descendre au ruisseau comme je l'avais fait, nous avons remonté le couloir pour retrouver et continuer la sente. En effet, mon fils, Laurent, qui avait réalisé le Giru en solo un mois avant nous, m'avait indiqué qu'il y avait plus loin un point de descente assuré par une corde fixe vers le ruisseau : cette variante nous avait semblé plus aisée que la variante des grimpeurs en RG. Nous découvrîmes la corde fixe rapidement et avons rejoint le Pulischellu en aval de la dernière belle cascade à contourner avant la "Grande Cascade" vers 800m d'altitude. Ce fut alors un cheminement dans le lit du ruisseau, la plupart du temps en RG et avec de nombreux cairns, qui nous conduisit vers 14h50 au début du contournement de la "Grande Cascade" marqué par une remontée des cairns et une première corde fixe dans une raide pente d'éboulis glissants. Le soleil nous avait abandonnés et les nuages avaient envahi le ravin et les aiguilles au-dessus de nous...
Bizarre, ce contournement ! Auparavant, j'avais toujours aperçu la "Grande Cascade" avant de le commencer et les parcours entre 1986 et 2002 n'étaient pas équipés de cordes fixes... Là, nous n'avons même pas vu la cascade et les cordes fixes se comptent sur les doigts des deux mains !
Nous continuâmes l'ascension de la falaise en RG du ravin en suivant des cairns évidents et en retrouvant parfois de nouvelles cordes fixes jusqu'à une plate-forme au-dessus de la cascade où nous nous sommes arrêtés pour faire des photos. Ensuite, c'est le magnifique amphithéâtre rocheux où déboule le ruisseau d'U Candelli en se jetant dans le Pulischellu. Il rappelle beaucoup celui de Campu Razzinu sous la vire d'Andade a u Ponte en Filosorma ! Le franchissement des gradins rocheux est un enchantement avec les vues magnifiques et spectaculaires dessus et dessous... En fin de traversée, en vue directe de la suite du ravin, on retrouve des dalles inclinées à franchir avec des pas d'adhérence et, là encore, des cordes fixes, qui n'existaient pas auparavant, pour assurer les passages. A la fin de ce contournement aérien, nous retrouvons le Pulischellu en amont vers 15h30...
La suite de la remontée du Pulischellu ressemblait un peu à celle d'avant le contournement : blocs, ressauts rocheux et cascades à contourner, changements de rives..., mais dans une ambiance sombre et un peu glauque liée aux nuages descendus presque jusqu'à nous et à la végétation exubérante environnante. Nous étions surplombés par les parois de Punta Pulischellu qui nous obligeaient à des "torticolis" pour pouvoir les regarder, ainsi que l'avaient raconté les premiers explorateurs du coin ! Nous arrivâmes ainsi vers 16h10 un peu en-dessous de la confluence Pulischellu - Santu où nous fîmes une halte au bord de l'eau pour nous rafraîchir.
Nous reprîmes assez vite l'ascension pour rejoindre le point exact de la confluence et, de là, basculer sur la RG afin d'essayer de trouver le rocher abritant le bivouac que nous avions projeté pour la nuit suivante. En effet, Laurent m'avait indiqué ce bivouac commode, dont j'avais vaguement été informé par mes lectures des topos d'escalade, et l'avait même pris en photo en m'indiquant qu'il avait suivi une trace cairnée pour le trouver. Nous posâmes donc les sacs peu au-dessus du Pulischellu et je me mis seul en chemin dans la sapinière pour trouver ce bivouac en suivant la seule trace cairnée du coin qui montait de gauche à droite sous les immenses parois d'A Taula (700m, tout de même !). Retour vingt ou trente minutes plus tard, bien marri de ne pas avoir trouvé le bloc... Du coup, je me mis à le chercher plus haut en altitude depuis l'endroit de pose des sacs : en vain ! Pendant ce temps, Olivier était parti sur la ligne de cairns à la recherche de ce f... bloc et j'essayai de le rejoindre en refaisant le chemin déjà fait. Pas tout à fait, car, à un moment, nous vîmes que la trace grimpait directement dans la pente alors que j'avais continué en ligne de niveau et nous découvrîmes bientôt le fameux bivouac dans une ambiance brumeuse hors de saison...
Le bivouac d'U Zordu
Ce bivouac est en fait très connu et a une histoire liée à la conquête en escalade des aiguilles autour du Pulischellu. Certainement utilisé ponctuellement par les premiers explorateurs, il a en fait été aménagé en abri somptueux et outillé qu'il est actuellement par Michel Afanassief et Jean-Paul Quilici en septembre 1983 pour aider la logistique de l'escalade d'U Candellu par son pilier Sud. Nous avons été bien étonnés d'y trouver autant de matériel : malle avec livre d'or et librairie complète, cantine métallique, matelas, vaisselles diverses, couverts, marteau, pinatu,... tout pour le confort d'un bivouac 5 étoiles ! Je me demandais bien comment nos deux grimpeurs avaient pu apporter tout cela ici avant de comprendre en lisant le topo de Bavella qu'ils avaient utilisé l'hélicoptère à l'époque ! Beau résultat en tout cas avec un site en hauteur surplombant le Pulischellu, une vue à 360° englobant Punta Pulischellu, Punta di San Gio Agostino, le ravin d'U Santu, Punta di Maru, A Taula et Bocca Pulischellu, un ruisseau et une source à 5mn en aval et en amont le long de la trace cairnée... U Zordu signifie "la forêt profonde" et la sapinière qui monte du ravin à Bocca Pulischellu mérite bien ce nom !
Nous profitâmes de ce palais pour y faire du feu, à l'aide des branches abondantse récoltées par Victor et des planches amassées sous l'abri, pour y dîner tranquillement et profiter de l'avant-nuit pour y faire un maximum de photos dans un contexte météo malheureusement toujours aussi nuageux et une couverture descendant souvent à notre altitude. Coucher vers 21h30 avec l'espoir d'un meilleur temps le lendemain...
En ouvrant les yeux vers 06h30 le lendemain, je crus bien que nos vœux de beau temps avaient été exaucés puisque le soleil brillait sur les aiguilles de Bavella. Un déjeuner frugal, encore une tonne de photos, rangement des sacs et nous voilà prêts à démarrer la journée...
Jour 2 : La traversée Pulischellu-Purcaraccia et la descente de la Purcaraccia
Départ vers 08h05 en continuant la trace cairnée montant vers Bocca Pulischella. Se dirigeant d'abord vers la droite en ascendance oblique, elle nous emmena à la source 5mn plus loin avant d'obliquer à gauche et de revenir au pied des parois d'A Taula que nous pouvions apercevoir depuis la sapinière. Un autre abri de grimpeurs, moins aménagé mais confortable aussi, se niche ici. Ensuite, c'est une montée raide mais avec peu de difficultés autres que les troncs à terre à enjamber et quelques éboulis mineurs. Le col a été atteint à 08h40 avec déjà des nuages en train de s'accumuler en nous menaçant de la même météo qu'hier.
Nous étions montés très à gauche du col et, de ce point, une trace cairnée, explorée sur son début par Victor, partait en ligne de niveau et aurait pu nous permettre de rejoindre le ravin d'U Candelli sans redescendre. Sans garantie que cela passait bien, nous avons préféré redescendre un peu rejoindre le gros cairn en contrebas qui amorçait la descente habituelle à manoeuvrer en restant le plus à gauche possible. Le ruisseau fut vite rejoint et nous commençâmes la remontée du ravin érodé d'U Candelli le long de sa rive droite. Les nuages s'accumulaient et arrivaient sur nous en nous environnant complètement. La vue du ravin en-dessous de nous avec la brèche de la chute du ruisseau sur le Pulischellu était vraiment impressionnante...
Nous savions qu'il fallait prendre à un moment la branche de droite de ce couloir, aussi ne fûmes nous pas étonnés d'apercevoir deux cairns en RG semblant montrer l'instant de bifurquer. Nous nous y dirigeâmes pour continuer ensuite la montée dans un couloir devenant de plus en plus étroit et encombré de pins et sapins.
A un moment, la trace cairnée sembla se partager en deux variantes : nous écartâmes la variante de droite au profit de celle de gauche, mieux cairnée. Maintenant, l'ascension se faisait en oblique de droite à gauche dans une ambiance brumeuse de plus en plus fantomatique. Après avoir examiné son GPS, Olivier nous alerta en nous informant que nous étions beaucoup trop à gauche (Ouest) du couloir normal et que notre trace montait vers le NW au lieu du N : persuadé d'avoir pris une mauvaise ligne de cairns, il proposa de redescendre et d'essayer l'autre. J'étais plutôt étonné, mais je fus prêt à suivre son idée quand Victor confirma son point GPS à l'aide de son smartphone. En outre, nous étions incapables de savoir si le couloir où nous étions sortait sans obstacle puisque que l'on ne voyait rien au-dessus de nous avec la brume limitant la visibilité à une cinquantaine de mètres. Avant de faire demi-tour, je suggérai tout de même de contrôler la direction du couloir avec la boussole. Surprise, il était orienté presque NE là où nous étions et notre trace était dans le même axe, soit 90° par rapport à la trace indiquée par le GPS. Nous comprîmes alors que nous étions confrontés au phénomène classique des ravins avec un signal GPS affecté d'énormes aberrations à proximité des parois et dans les échancrures ! Impossible donc de lui faire confiance et nous avons décidé de poursuivre la trace en cours... Le couloir continua à se rétrécir encore, alors que l'altimètre indiquait déjà 1550m et que nous nous rapprochions de la crête surplombant la Purcaraccia.
Sans rien voir du haut du couloir, toujours dans la brume, nous rejoignîmes une fourche avec une possibilité de sortie plus proche vers la droite où l'on voyait une sorte de col alors que dans l'axe du couloir on ne voyait toujours pas de sortie. Nous prîmes bien sûr cette solution la plus courte et atteignîmes une brèche avec un cairn qui la marquait. De l'autre côté, un couloir raide descendant le long d'une arête rocheuse, sur la gauche, une crête de blocs remontant 20m d'altitude sur 100m de distance pour aboutir à ce qui semblait une autre crête.
Bien que Victor ait reconnu le début de la descente et ait vu une suite de cairns la marquant, ce col et cette brèche nous paraissaient bien bizarres pour marquer la séparation avec la Purcaraccia dont on ne voyait rien ! Je sortis la boussole encore une fois : le couloir de descente était orienté au 140°, soit en gros SE, ce qui ne pouvait absolument pas être la direction de la Purcaraccia (entre Nord et NE)... Je proposai de redescendre et de reprendre le couloir que nous avions abandonné, mais Olivier préféra traverser en ligne de niveau à gauche de la crête pour aller retrouver le haut du couloir. Il nous laissa une dizaine de minutes à la brèche avec les sacs avant de revenir en nous disant qu'il avait trouvé le bon col. En quelques minutes et quelques escalades plus tard, nous y fûmes à notre tour vers 10h25. Cette fois, c'était effectivement le bon col sous une dense couverture de sapins et avec en face les parois de Calanca Vecchja (pas celle de la carte IGN, mais celle de la pointe 1884m qui est la vraie !) et en dessous la profonde échancrure entr'aperçue de la Purcaraccia. Un peu de visibilité de ce côté-là, alors que les nuages envahissaient toujours le versant par lequel nous étions montés...
La brèche par laquelle nous étions passés était sans doute une brèche dans une arête rocheuse entre deux couloirs de montée rejoignant la crête RD de la Purcaraccia. En en discutant plus tard avec Laurent, je me suis aperçu qu'il était aussi passé par cette brèche mais en y montant par le couloir que nous avions failli prendre comme couloir de descente vers la Purcaraccia : si nous l'avions pris, nous serions revenus vers U Candelli... Laurent a ensuite pris la crête de blocs vers la droite, que nous avons évitée par la gauche, et s'est retrouvé 100m à l'Est de Bocca Purcaraccia qu'il n'a pas atteint. Du coup, sa descente vers le ruisseau s'est déroulée nettement plus à droite que la nôtre, avec plus de temps pour atteindre le ruisseau et plus de sous-bois et de végétation...
Ci-dessous différentes cartes avec la trace relevée via ma montre GPS et les hypothèses concernant notre trajet et celui de Laurent :
Nous avons attendu un moment au col avec l'espoir que la brume se lèverait sur le versant que nous venions d'escalader comme quelques éclaircies paraissaient le montrer. Au bout de 10 minutes, non seulement la brume ne se levait pas derrière nous, mais les nuages commençèrent à envahir le versant Purcaraccia jusqu'alors préservé ! Nous repartîmes donc au plus vite en entamant la descente vers le ruisseau avec l'aide de quelques traces (certains viennent avec le pinatu !) qui emmenaient vers la gauche. Bien vu, car cela nous a permis de sortir rapidement du sous-bois et de trouver des pentes claires avec herbes et éboulis qui nous permirent à 10h45 de rejoindre le torrent... ou ce qu'il en restait car il n'y avait pas un poil d'eau !
S'ensuivit alors la longue descente de la partie amont du ravin de la Purcaraccia jusqu'à la confluence avec le ravin de Nura. Cette partie est beaucoup moins belle que la partie aval avec le ravin en V et l'aqualand entre les deux cascades de 40m : pas d'eau mais, malgré tout, beaucoup de ronces, des blocs de toutes tailles à foison et une multitude de petits obstacles, ressauts, traversées, ... dont certains incitaient à passer sur les pentes raides et terreuses des rives du ruisseau. Bref, tout le contraire d'une descente "fun" (c'est vrai que, dorénavant, il n'y a plus de descentes "fun" pour moi !) et, de plus, nous ayant paru plutôt interminable jusqu'à l'usine à bois... Heureusement, le paysage alentour en levant les yeux était toujours aussi spectaculaire avec ses aiguilles tourmentées et lardées de ravins encombrés de sapins. A noter, de nombreux blocs de calcaire, arrachés du sommet de Punta di u Furnellu, se retrouvent dans le lit de la Purcaraccia où ils détonnent dans les granites de ce ravin !
Arrivée à l'usine à bois, dotée d'un nouveau bivouac qui n'existait pas en 2005, vers 12h20, soit pas loin de 2h de descente épuisante depuis Bocca Purcaraccia... Contrairement à la Purcaraccia, le ruisseau de Nura débite beaucoup d'eau, nous permettant ainsi de refaire le plein des gourdes.
Une ancienne exploitation de bois à cet endroit semblait assez surréaliste ! Comme dans le Carciara, fallait-il que les Corses manquent de bois pour aller en chercher dans des endroits aussi improbables ?
Nous étions épatés devant les vestiges laissés par cette usine : gros tuyaux métalliques de près de 30cm de diamètre, levier en ferraille avec tige crénelée, ceinture métallique entourant un pin, ... On se demandait bien quelle machine pouvait avoir été mise en oeuvre et pour quoi faire ?
Nous prîmes le temps de déjeuner et de nous reposer un peu en cet endroit enfin plat avant de reprendre la descente vers 12h55.
La suite devait être plus corsée, mais je la connaissais depuis 2005 et savais qu'un bloc coincé bloque l'accès en montée au magnifique ravin rocheux en V que la Purcaraccia descend juste en aval de l'usine à bois : ce bloc de 8/10m de haut porte une cascade descendant dans une vasque d'une vingtaine de mètres de long empêchant la montée mais aussi la descente qui demanderait rappel et de se mouiller dans la vasque. En 2005, en montant ici, j'avais suivi les restes du chemin de bardage construit par les ouvriers de l'usine pour débarder le bois : il "chemine" le long de la RG du ravin en V avec des pentes atteignant souvent 50/60° d'inclinaison sur, par endroits, des dalles granitiques lisses et quasi-infranchissables. Me souvenant de cette montée et de son retour, je décidai de descendre jusque sur le bloc coincé pour rejoindre le "chemin" 20m au-dessus par une escalade facile évitant le pas d'escalade plus délicat de l'arrivée normale du chemin dans le ruisseau. Atteindre le bloc coincé ne fut pas aisé : désescalade d'une petite cheminée où j'avais trouvé une sangle de rappel en 2005, désescalade d'un ressaut rocheux sur des blocs trempés par une cascade difficilement évitable...
Une fois sur le "chemin", il nous a suffi de suivre ses vestiges pour la suite de la descente. Arrivés devant les dalles infranchissables, nous aperçûmes deux tiges métalliques plantées dans le granit et montrant que le chemin avait été construit pour les traverser. Tout s'étant effondré, il ne nous restait plus qu'à contourner ce passage en montant 20m plus haut et en traversant en adhérence sur des dalles moins inclinées. Ensuite, ce fut une redescente dans une sorte de fissure-dièdre inclinée débouchant sur le "chemin" après les tiges métalliques. La suite ne fut pas plus aisée, entre retrouver la voie suivie par le "chemin" dont, par endroits, on retrouve de superbes restes de soutènements et trouver des passages permettant de franchir les parties détruites. En final, une désescalade malaisée d'une quinzaine de mètres nous permit de retrouver le lit de la Purcaraccia.
La suite de la descente nous ramena progressivement à la civilisation ! Après le ravin en V, la descente s'effectua tout d'abord sous la face Nord de Punta Malanda dont on croisa le ravin de montée à Bocca Malandata. Ensuite, il suffit de trouver les sentes commodes sur les rives pour rejoindre rapidement le départ du canyoning sous un gros bloc rocheux surplombant le début des célèbres vasques du canyon...
Petit rafraîchissement à la vasque circulaire en contrebas et pause méritée...
Nous avons ensuite emprunté la sente qui monte au "col des quatre pins" dominant l'aqualand entre les deux cascades de 40m : c'est tout simplement à nouveau la suite du chemin de bardage qui nous avait permis de franchir le ravin en V. Pas grand monde dans les vasques : la météo médiocre n'a pas incité les "pataugeurs" à monter ! Le chemin de bardage nous fit ensuite redescendre jusqu'au sommet de la 1ère cascade de 40m (dans l'ordre de montée) en nous laissant photographier la 2ème au passage. La suite et la fin de la descente se sont effectuées par le chemin des touristes et des canyoneurs qui nous ramena à la D268, juste sous Bocca di Laronu, vers 15h25.
Commentaires :
Une grande "randonnée" sportive que nous avons réalisée en une dizaine d'heures (en enlevant déjeuner et arrêt-vasque), mais avec un bivouac... qui arrangeait mes coéquipiers venant de Calvi et Ajaccio ! Mon fils Laurent l'a réalisée dans la journée en partant à 07h45 du pont du Pulischellu et en bouclant à ce même pont 16h50 avec marche entre Bocca di Laronu et le pont du Pulischellu, faute de ne pas avoir été pris en stop... C'est donc moins de 9 heures que l'on peut mettre avec un sac léger, mais il ne faut pas errer sur le parcours et trouver immédiatement toutes les solutions aux problèmes de l'itinéraire (descente dans le Pulischellu, contournement des obstacles, orientation dans les couloirs, descente du ravin en V). Il est d'ailleurs recommandé, surtout si on veut faire le parcours dans la journée, d'y aller faire auparavant des "reconnaissances" des extrémités : par exemple, le Pulischellu jusqu'à la Grande Cascade ou même la confluence avec le ravin d'U Santu, et la Purcaraccia jusqu'à l'usine à bois avec le ravin en V, l'un des os du parcours.
Cette course reste bien sûr un des grands musts de ce type de parcours sur l'île et n'a pas d'équivalent dans les autres massifs, sauf peut-être en Filosorma mais pas avec des aiguilles aussi fines et élancées... Ce n'est plus vraiment le "wilderness" que cela a été jusque dans les années 1990 : la foule des canyoneurs et touristes aux deux extrémités, les cordes fixes dans la remontée du Pulischellu pour le canyoning, puis dans le contournement de la Grande Cascade pour les grimpeurs, les nombreuses lignes de cairns que l'on trouve dorénavant jusqu'à Bocca Purcaraccia, etc... ont largement déprécié la sauvagerie de l'itinéraire et contribué à le rendre plus facile. Il devient de plus en plus difficile d'y galérer comme c'était le cas autrefois. Néanmoins, il reste une belle aventure et la partie centrale est encore bien préservée et loin de toute civilisation en demandant un engagement qui n'est pas commun dans les randonnées de montagne. Pourtant, je reste persuadé (mon fils aussi !) que l'on trouve en Haut-Cavu des enchaînements aussi complexes et plus difficiles mais dans un environnement bien plus sauvage et bien plus préservé : vous aurez bien du mal à trouver des cairns dans les ravins de Figa, du Finicione, de Frassiccia et du Velacu ! Des boucles comme "Montée par le ravin du Velacu - traversée Crête des Terrasses - Descente par la Frassiccia" sont à mon avis plus difficiles et plus longues que le "Giru di Vangoni" de Bavella (une boucle encore plus longue serait "Montée par le ravin du Velacu - traversée Crête des Terrasses, Quercitella, Castellucciu- Descente par le Finicione") et pourraient damer le pion à ce "giru" au hit-parade des parcours sportifs de l'île... Ce qui est certain par contre, c'est que ce parours reste le plus beau quant aux paysages rencontrés, incroyablement spectaculaires et variés ! Regardez les photos prises et vous en serez convaincus...
Sur la gauche de la page un rappel sur la carte de Bavella du parcours estimé en rouge et de la trace GPS prise depuis le ruisseau d'U Candelli en vert fluo avec les multiples aberrations déjà indiquées, dont une perte de signal complète dans le ravin en V en aval de l'usine à bois...
Voir les photos du parcours dans le diaporama ci-dessous :
Commentaires
wow quelle aventure
@david :
En ce qui concerne la boussole, facile à sortir en ce qui me concerne car sur ma montre, c'est bien elle qui nous a convaincus que c'était le GPS qui déconnait, qu'on était bien dans le bon couloir et que l'on montait dans la bonne direction, Nord, alors que le GPS nous emmenait au NW ! ;-)
A qui le dis tu (cf mes errances autour de vetta di muro)!!!
Je ne sais pas pour les autres utilisateurs de gps, mais j'ai remarqué que ça foirait systématiquement au moment où l'on en a vraiment besoin (de même que je ne sors la boussole qu'après être paumé, c'est à dire trop tard), généralement dans un entrelac de ravins ou sous une couverture forestière trop épaisse.
@david :
Le problème, c'est que la condition physique à laquelle tu fais allusion date de la fin de la saison dernière à une époque où elle était bonne (normal !).
Maintenant, on est en début de saison, je n'ai rien fait de l'hiver et le petit raid en 2 jours que je viens de faire avec Olivier et Francè m'a fait gonfler le genou gauche... Mais c'est vrai que la saison 2014 s'est beaucoup mieux passée que celle de 2013, et pour cause puisque je n'avais quasiment rien pu faire !! LOL
Cela aurait été dommage pour moi de ne pas boucler ce Giru vu le nombre de fois où j'ai pratiqué ces deux ravins, Pulischellu et Purcaraccia. Deux leçons : 1°) on découvre toujours du nouveau en Corse, comme ce bivouac d'U Zordu que je n'avais jamais vu ; 2°) ne jamais se fier au GPS dans ce type de conformation de terrain : soit on n'a pas de signal (au moins, cela se voit !), soit il est soumis à des aberrations aléatoires assez surprenantes (et, là, c'est plus gênant puisque cela peut tromper sur son trajet en cours, ce qui nous est arrivé).
Salut Philippe.
J'avais bien vu que vous aviez fait le tour "mythique" de la rando engagée en Corse mais n'avais pas encore lu l'article en détail.
Votre début dans Polishellu m'a rappelé mes déboires lors de ma pseudo-tentative d'y a deux ans...
Qu'est ce que c'est pourri en bas...
Et tu me réconfortes face à l'échec minable de cette fois là.
Bon, ben y'a plus qu'à recommencer...
Mais tu caches bien ton jeu. Tu nous dis que le physique ne suit plus mais réussir à faire ce tour que Charles (je commence à connaitre l'animal) classe en catégorie de difficulté maxi dans son topo (désolé je suis pas passé à ton édition ;) ), signifie malgré tout que tu n'es pas encore à jeter aux orties :).
Chapeau bas, messieurs!!!
NB: je prépare une variante de ce truc pour l'été prochain mais j'ose pas te le présenter :)
@jacques andreani :
Salut Jacques,
Je ne sais pourquoi, ton commentaire n'était pas apparu dans mon flux RSS de suivi des commentaires et je ne l'ai vu qu'aujourd'hui ! :-(
Merci de tes compliments (sur le Blog ce sont des récits ou des compte-rendus de parcours : les topos sont sur le Site et sont plus courts) et, effectivement, à la prochaine chez Jean-Jo... :-)
plus qu' un topo, une bible...on se voit bientôt chez j Jo