Remontée du canyon de Lora (ex-Niffru) en Haut-Cavu
Par PhE le samedi 16 août 2014, 11:51 - Ravinisme - Lien permanent
Outre ses caractéristiques d'absence de sentiers et de fréquentation, la région du Haut-Cavu réserve bien des surprises que l'on ne s'attend pas à trouver dans un massif aussi peu connu et d'aussi petite superficie. Le canyon du Niffru en est une belle, difficile à trouver sauf par les curieux à l'affût des ravins raides et susceptibles de fournir un canyoning pouvant permettre de s'extraire de la "populace" des canyons de Bavella, Pulischellu, Purcaraccia et Vacca !
Le Niffru est un petit affluent du Cavu orienté Nord-Sud qui démarre de la crête du tronçon du GR20 Conca - Paliri vers 750m d'altitude et rejoint le fleuve un peu en aval de la confluence Sainte-Lucie - Mela vers 210m. Son originalité est due à la partie entre 510 et 270m où il parcoure un raide canyon rocheux entrecoupé de plusieurs ressauts formant cascades et pouvant suggérer des possibilités de canyoning.
En examinant les anciennes cartes de la région (Plan Terrier et Cadastre Napoléon), on se demande si l'IGN ne s'est pas plantée en nommant "Niffru" le plus à l'Ouest des deux ruisseaux qui descendent de la crête du GR20 : sur les anciennes cartes, c'est celui à l'Est qui est appelé "Niffru" alors qu'il est sans nom sur la carte IGN et que celui de l'Ouest, appelé Niffru par l'IGN, est dénommé "ruisseau de la Punta dell'Ora" sur le Plan Terrier et "ruisseau de Teghie in Taglio" sur le Cadastre. Mais, quel que soit son nom, impossible pour les curieux de merveilles naturelles de ne pas apercevoir l'impressionnante entaille qu'il dessine dans le versant SE de la Punta di Lora, bien visible depuis la piste forestière RD de la Sainte-Lucie lorsqu'on la remonte en voiture.
Cela faisait un bout de temps que je l'avais remarqué depuis mon arrrivée à Sainte-Lucie en 2009, mais ce n'est qu'en octobre 2011 que je découvris le moyen de l'approcher par le haut en explorant une sente de chasseurs qui y montait depuis le sentier au bout de la piste du réservoir de Radichella (Cf. article du Blog Sentes de chasseurs du Haut-Cavu). Ensuite, il me fallait, soit trouver un partenaire pour le descendre en canyoning, soit le remonter en ravinisme solo pour voir si cela passait. Ce n'est que bien plus tard que je trouvai l'occasion d'essayer cette remontée, début juillet dernier, qui est relatée dans cet article.
Vous pouvez consulter sur la gauche de la page la carte de la région Lora - Radichella du massif de San Martinu dans le Haut-Cavu pour visualiser le tracé de la remontée du canyon et des accès aller et retour, y compris un départ de secours en cas de fermeture des pistes RG du Cavu.
Il y a quelques années, un groupe de canyoneurs-ouvreurs de l'association Corsecanyon était venu en Corse-du-Sud recenser les possibilités d'ouverture de canyons. A cette occasion, ils ont parcouru les affluents du Cavu et de l'Osu en espérant trouver des descentes raides et ludiques et, bien sûr, la faille du Niffru ne leur avait pas échappé : ils ont donc descendu ce canyon en l'équipant à l'époque mais l'avait trouvé trop court et trop peu aquatique pour mériter de figurer dans la base de données des canyons de l'île. Il avait même été traité de "bouse" par Franck Jourdan, le pape de l'ouverture des canyons insulaires... Ce qualificatif était peut-être dû au fait que Franck s'était retrouvé coincé derrière une barrière forestière fermée au retour d'une de ses explorations locales, expérience très énervante qui m'est aussi arrivée dans le coin et qui ne permet pas le calme et la sérénité nécessaires à l'appréciation des merveilles naturelles locales !!! De toute manière, cette appréciation n'allait pas m'empêcher d'aller jeter un oeil à ce canyon et d'examiner la possibilité de le remonter...
Le Dimanche 6 juillet 2014, je me retrouvai donc vers midi au virage de l'embranchement de la piste forestière allant vers Bocca di Sadica et celle allant vers Lora/Mela marquée par une barrière forestière démolie et vrillée par le 4x4 d'un chasseur local énervé (?). Difficile d'aller plus loin, sauf avec un 4x4 de compétition, en ce moment car la piste s'est partiellement effondrée un peu plus loin avant le radier du Niffru (prononcer Nivvrrrou au risque de devoir payer la Pietra à Jean-Jo Corona, l'un des gérants du Parc-Aventure Tyroliana au départ des pistes du Cavu !). Malgré cela, et c'est l'un des avantages de cette course quand la piste du pont de Marion n'est pas fermée (stupide initiative locale depuis 2012 : tous les étés du 15/07 au 30/09), l'accès au radier se fait en moins de 5mn à pied. Aucune difficulté pour démarrer la remontée du ruisseau à partir du radier en prenant bien soin, évidemment, de prendre la branche de gauche (W) et de ne pas se tromper de ruisseau puisqu'on est à la confluence des deux torrents descendant de la crête du GR20 au-dessus. Le début du parcours se déroula sous une couverture végétale assez dense et avec un maquis important sur les rives qui ne facilita pas ma progression. A un moment, je fus même obligé de contourner une vasque aquatique et rocheuse en profitant de cairns montrant que je n'étais pas seul à passer dans ce coin ! Mais, assez rapidement, j'arrivai au coude que fait le ruisseau vers la droite pour s'orienter pratiquement Nord - Sud, sortir complètement de la végétation et devenir canyon rocheux étroit...
Un premier boyau rocheux, étroit d'une quinzaine de mètres, m'emmena sans problème au pied de la première cascade, chute d'eau d'une dizaine de mètres au milieu de beaux granits rouges. Elle se contourna par le fond via une escalade facile suivie de la remontée de dalles inclinées à 45° parcourues d'abondants ruisselets. Petite varappe sans difficulté...
Arrivé sur le replat au-dessus des dalles, je découvris le boyau suivant, longue entaille très étroite par moment, entrecoupée de nombreuses cascades plus ou moins importantes. Elle impose d'abord le franchissement de deux cascades intermédiaires (non décomptées dans ma numérotation des grandes cascades du canyon) : la première fut facile à franchir en RD au-dessus d'une belle vasque, mais la traversée de la deuxième fut facilitée par la décision que j'avais prise de monter en chaussures de canyoning pour précisément pouvoir mettre les pieds aisément dans l'eau (ce qui m'avait déjà servi dans le bas du ruisseau). Je passai le long de la RG en posant les chaussures dans moins de 10cm d'eau, évitant ainsi une escalade peut-être malaisée sur cette même rive ! Entre ces deux cascades, une magnifique brèche de 15m de large et de quelques dizaines de mètres de hauteur...
Au milieu de ce deuxième boyau, une cascade de 15m, précédée d'un long bief de 30m, obstrue totalement le canyon. J'eus l'impression qu'il était possible de la contourner en RG en grimpant à l'aval du bief et en traversant sur des terrasses, mais l'accès aux terrasses me parut si dangereux avec des risques de chutes de pierres que je revins prudemment au départ du bief. Là encore, le fait de m'être équipé canyon, non seulement avec les chaussures mais avec aussi un sac étanche, facilita la suite du parcours puisque je me décidai à exécuter une traversée en RG au ras de l'eau en me disant que, dans ces conditions, tomber dans la vasque ne me poserait aucun problème. Je n'eus qu'à prendre la précaution de mettre l'appareil photo dans le sac étanche avant d'entamer la traversée qui s'avéra plus facile que prévu : dans ce canyon, le rocher est assez original et semble découpé en pavés décalés les uns par rapport aux autres avec des prises très franches. Après l'arrivée en bas de la cascade, la remontée le long de l'eau ne fut pas plus difficile et s'avéra de difficulté II au maximum.
La fin de ce 2ème boyau rocheux fut beaucoup plus facile, mais très belle, jusqu'au coude à gauche du canyon marqué par une vasque circulaire peu profonde. Ensuite, encore une série de vasques et de petits ressauts avant d'aborder le troisième boyau rocheux du canyon.
Après le nouveau coude du canyon, à droite cette fois-ci, la plus haute et la plus délicate cascade du parcours m'apparut ! Cette troisième cascade, comme la seconde, est précédée d'un long bief obligeant cette fois à se mettre à l'eau. Mais cela me parut inutile puisque son escalade me parut nettement trop exposée pour la tenter en solo. En fait, en l'ayant examinée de plus près lors d'une remontée ultérieure, elle est certainement grimpable à deux avec corde mais quand même un peu risquée en solo (pour moi, en tout cas !).
En route donc pour un contournement de cette cascade par le maquis ! Petit retour en arrière jusqu'à revenir avant le coude précédent, remontée du versant RG à droite des ressauts rocheux de la cascade dans un couloir précédé de petites barres rocheuses faciles puis encombré d'éboulis exaspérants. Contournement par la gauche d'un petit ressaut rocheux en surplomb et fin du couloir d'éboulis à un beau col abrité par des chênes-verts. La pente de l'autre côté du col s'avéra affreusement raide et n'engageait pas à la descente ! Me voilà donc obligé de m'engager dans une longue traversée en ligne de niveau entre petits chênes-verts et taillis de maquis au-dessus de la pente dont certaines parties sont verticales. En face, dans le canyon, une nouvelle cascade moins raide que la troisième mais aussi haute me sembla être la bonne cible de cette traversée : la descente vers son pied aurait été trop dangereuse... Et, finalement, je réussis à franchir le maquis pour rejoindre son sommet en notant au passage qu'elle était escaladable assez aisément par sa RD. En outre, on y trouve à son sommet RG un anneau de rappel pour le canyoning (sans doute équipé par Corsecanyon...).
La suite du canyon consistait en un bel enchaînement de vasques faciles à négocier dont une grande et belle juste sous un seuil rocheux encastré dans une brèche étroite. La baignade dans cette vasque ensoleillée est la bienvenue et nous l'avons pratiquée à ma seconde remontée avec Laurent. Ce jour-là, je dontinuai sans m'y baigner et entrepris l'escalade pas trop compliquée du seuil pour rejoindre la brèche et la vasque au-dessus.
La suite m'était connue puisque praticable assez facilement par le haut. La remontée s'effectua complètement en RD le long de la grande vasque entravée par un plongeoir sur tronc d'arbre, de la cascade rouge et des vasques finales (initiales pour le canyon) où j'arrivai à 14h. Une longue baignade dans les vasques et un repos mérité avant le retour...
Retour à partir de 15h avec arrivée à 16h à la voiture après la remontée au plateau du Niffru, la descente par la sente de chasseurs, la piste du réservoir de Radichella et la piste de Bocca di Sadica.
Conclusion : un magnifique canyon d'initiation, bien plus beau, bien plus sauvage et bien plus formateur que celui que j'avais déjà indiqué sur Bavella dans l'article Initiation au ravinisme : le couloir des Chasseurs. Un accès aller ultra-court (5mn), un parcours de 1h30 à 2h pour un dénivelé de 260m (entre 265 et 510m d'altitude) combinant début végétal, escalades de cascades, escalades en traversée rocheuse, contournement par couloir, éboulis et maquis et un retour via une sente de chasseurs "pittoresque" demandant bon sens de l'orientation et recherche d'itinéraire, font de ce canyon une école idéale d'initiation au ravinisme ! La piste de retour vous permettra peut-être de débusquer un mouflon en pleine journée comme nous avons eu la chance de le faire le 31 juillet suivant... Quant aux vasques et cascades proches de l'arrivée, elles ajoutent un aspect ludique qui n'existe pas dans celui de Bavella. Ce canyon peut même être considéré comme école d'initiation au canyoning à la descente (que je n'ai pas encore faite) avec les restrictions déjà indiquées, parcours court et peu aquatique, et à faire prioritairement en début de saison ou après une période de pluie.
Rappel sur la gauche de la carte de la région Lora - Radichella du massif de San Martinu dans le Haut-Cavu avec le tracé de la remontée du canyon et des accès aller et retour.
Sur la carte, sont indiquées les deux variantes d'accès pour rejoindre le radier du départ :
- Le départ recommandé se situe au virage de l'embranchement des pistes de Bocca di Sadica et de Lora/Mela (barrière forestière détruite) à 5mn de marche du radier. Accès par le pont de Marion et la piste RG du Cavu. Depuis 2012, cette piste est fermée aux véhicules de tourisme du 15/07 au 30/09 et oblige, soit à une marche supplémentaire de 2.300m d'environ 30 à 40mn, soit à utiliser le départ de secours ci-après...
- Le départ de secours quand la piste RD du Cavu est fermée est assez compliqué. Prendre la piste en RD du Cavu et de la Sainte-Lucie à la maison cantonnière restaurée en 2013, puis, 2.400m plus loin, la piste secondaire à droite qui descend rejoindre la Sainte-Lucie. Se garer le plus loin possible selon le véhicule utilisé et l'état de la piste (en cet été 2014, 4x4 indispensable) et suivre la piste jusqu'au bout pour rejoindre le ruisseau. Le traverser et retrouver de l'autre côté des cairns signalant un raide layon de remontée qui rejoint une piste secondaire, puis la piste RG de la Sainte-Lucie que l'on suit vers la droite jusqu'au radier (environ 20/25mn depuis le parking indiqué sur la carte)
Voir les photos de la remontée de ce canyon ci-dessous :
Diaporama "Remontée du canyon de Lora (ex-Niffru)"
Une vidéo pour donner une idée de l'ambiance de cette remontée de canyon :
Commentaires
Salut @ALAIN 13 :
Pas trop de chance pour toi avec l'état de la sente de chasseurs cette année : je l'ai refaite récemment et, visiblement, elle n'a pas été utilisée depuis mon passage précédent... EN 2015 !! ;-) Les chasseurs ne reviennent visiblement plus dans ce coin, pourtant repaire de mouflons !
Je ne l'ai toujours pas fait en canyoning et, comme en remontant le canyon je contourne 2 ou 3 cascades par le maquis, je ne sais pas comment est l'équipement. Tu as trouvé quoi ?
On pouvait pas se voir à ton passage car je n'étais pas là en avril et de retour début mai...
A+
Une descente sauvage dans un cadre magnifique. Cela fait quelques années que je voulais y faire un tour... Bien voilà, c'est chose faite... :-) Nous l'avons descendu en version canyoning en avril par une approche plutôt épineuse depuis la piste et les sentes de chasseurs qui se perdent. Mais l'effort nous à bien récompensé d'un canyon esthétique et ludique . Un régal !... 8-0 A refaire s'y l'occasion se représente .
En ce qui concerne les toponymes, le nom de ce ruisseau, "Niffru", semble sujet à caution !
1°) Sur les anciennes cartes (Plan Terrier et Cadastre Napoléon), le nom de Niffru ou Niffro est donné à son voisin, parallèle et plus à l'Est, qui descend des environs des pointes IGN 761 et 726
2°) La carte IGN ne donne le nom de Niffru qu'à la branche supérieure Est (cela semble faux !) et Capellu à la branche supérieure Ouest, ce qui semble plus correct
3°) La branche Est est appelée Funtana Lunga ( au lieu de Niffru) sur le Cadastre Napoléon, Capellu pour la branche Ouest supérieure et Petra Bianca pour un affluent Ouest inférieur
4°) Le ruisseau est appelé plus bas (Sud) ruisseau de Punta di Lora sur le Plan Terrier et ruisseau de Teghje in Tagliu et de Leccetu sur le Cadastre
5°) Il est ensuite appelé Ravin de Culiscioli par le Cadastre après la jonction des deux ruisseaux pour rejoindre la Sainte-Lucie
5°) Par contre, ces anciennes cartes donnent le nom de "Valle di Niffru" à la micro-région comprenant les deux ruisseaux principaux et "Tagliu di Niffru" à la crête qui les séparent
Bref, pas très simple de s'y retrouver ! Je vais me renseigner localement pour connaître la dénomination en cours à Tagliu Rossu et Sainte-Lucie : cela m'amènera sans doute à dé- et re-baptiser ce ruisseau ...
Enfin un canyon où l'on peut se passer de combis :!: Lorsque l'on s'est baigné en haut du canyon fin juillet, l'eau était à 21°C... 8-)