Aventures archéologiques : 3. Castellu Muratu (Ferrucciu/Palavese)
Par PhE le vendredi 02 décembre 2011, 12:04 - Archéologie - Lien permanent
Troisième volet des "Aventures archéologiques" avec la suite de la prospection précédente initiée par Dumé (Dominique Martinetti) dans ma proche région. Peu après la trouvaille du castellucciu de Punta di u Castellacciu, il m'avait envoyé un SMS avec simplement les coordonnées latitude/longitude de deux sites supposés abriter des possibilités de trouvailles : l'un au NE de Ribba sur la crête de Cuperchjata, le Castellu di a Cuperchjata, et l'autre, à peine plus au Sud, au N de Ferrucciu sous Punta di Mola, Castellu Muratu.
Après le Castellu di Cuperchjata dont l'aventure a été relatée dans l'article précédent, nous avons pris pour cible le Castellu Muratu, à peine plus éloigné de chez moi que Cuperchjata, dont l'accès semblait aussi problématique.
Préliminaires pour Castellu Muratu :
La consultation du cadastre napoléonien feuille PortoVecchio/Palavese B2 avec la région Mola - Argaghju met en évidence la dénomination "Pte de Castello Murato" indiquée sur l'arête Sud de la "Pointe de Mola"(cf. photo à gauche). Cette feuille du cadastre donne d'ailleurs tout un ensemble d'éléments qu'on ne retrouve pas sur la carte IGN actuelle : nom des deux ruisseaux à l'Ouest du castellu que nous aurons à franchir pour y accéder, ruisseaux de Castellu Muratu et de Paisello, alors que seul le ruisseau à l'Est, ruisseau de Mola, est indiqué par l'IGN, et pointe Largi de Ferando nommant la pointe rocheuse juste à l'Ouest du Castellu d'Araghju, le plus célèbre castellu de la région de Porto-Vecchio, avec un nom que l'on retrouve aussi sur la partie du Plan Terrier correspondante.
De la même manière, le rouleau n°35 du Plan Terrier dans la partie Mola - Araghju le mentionne (Cf. photo à droite) sous le toponyme "Castel Murato" et rajoute au Sud le toponyme "Capellaccia" (chapelle ?) non répertorié ailleurs.
Visblement, ces indications complétées par la connaissance d'un signalement de ce site au début des années 1950 par Roger Grosjean, pape de la préhistoire corse, semblent avoir été suffisantes pour que Dumé en fasse une cible dont il me communiqua les coordonnées la situant sur la crête Sud de Punta di Mola, au Sud du point IGN 689. Encore une fois, l'accès ne paraît pas évident et nous nous décidons à essayer la piste partant de la D368 au Nord des ruines de Lataricciu (point IGN 333) qui semble permettre d'approcher au plus près de l'aiguille rocheuse abritant l'hypothétique castellu. Et, compte tenu des conditions de la prospection précédente, nous ne sommes pas très optimistes sur les obstacles que le maquis nous réserve...
Montée au Castellu Muratu le 09/09/2011 :
Cette fois-ci encore, Nicole ne souhaite pas nous accompagner, toujours un peu réticente à l'idée de devoir affronter un maquis quasi assuré et des obstacles imprévus... Quant à nous, Dumé et moi-même, nous démarrons cette journée superbement ensoleillée du Vendredi 9 septembre, en voiture depuis Sainte-Lucie, pour chercher le départ de la piste indiquée sur la carte IGN au point 333. Nous commençons par la rater et nous retrouver au départ d'une "vraie" piste 500m plus loin : ce n'est évidemment pas la bonne et nous faisons demi-tour immédiatement. En repassant sur le bout de route déjà parcouru, nous finissons par apercevoir au point indiqué un vague sentier partant dans la bonne direction et représentant les restes de ce qui avait dû être antérieurement une "bonne" piste. En route pour l'aventure vers 8h40 !
La "piste" en question s'avère effectivement bien encombrée : comme celles du Haut Cavu, ce n'est qu'une sente étroite sur une ancienne large piste reprise par le maquis. Néanmoins, elle nous permet d'avancer rapidement et nous sommes peu avant 9h à l'endroit où le sentier s'infléchit franchement à gauche vers le Nord et où l'on peut apercevoir Punta di Castellu Muratu et sa face Ouest rocheuse et bien verticale.
Ensuite, toujours pas de problèmes jusqu'au lieu où la sente devrait franchir un affluent RG du ruisseau que la piste longe en hauteur sur notre droite, le ruisseau indiqué Paisello sur le cadastre. Là, la piste est complètement barrée par un roncier impénétrable et une trace démarre sur la gauche, sans doute pour essayer de contourner l'obstacle. Dumé préfère ne pas emprunter cet ersatz de trace et s'engage dans une entreprise de démaquisage du roncier obstruant notre chemin. Sur près de 150m, comme pour Cuperchajata, une tranchée est creusée dans les ronces qui entourent le ruisseau et nous perdons près de 50mn à retrouver la suite normale de la sente.
Puis, en se rapprochant du ruisseau, la sente devient de plus en plus étroite jusqu'à n'être plus qu'une vague trouée entre les pousses de jeunes pins. Peu avant sa fin telle qu'indiquée sur la carte IGN, nous jugeons qu'il est temps de la quitter, de prendre la direction plein Est en traversant le ruiseau de Paisellu, puis d'entamer la montée dans le maquis du versant Ouest de la pointe.
A partir de là, la progression se fait sans trace. D'abord dans un enchevêtrement de maquis sous les pins encombrant le ruisseau, puis, plus haut sur l'autre versant, dans un maquis assez bas se révélant finalement aisément négociable. Nous rejoignons sur la droite une sorte de crête qui nous conduit à contourner par la droite un petit sommet rocheux au-dessus du torrent qui longe le pied de la face W de Punta di Castellu Muratu. Pour éviter de redescendre trop bas, nous sommes contraints d'obliquer brièvement vers le N en traversant en ligne de niveau puis de descendre dans le ruisseau afin de le traverser dans sa zone de faiblesse. Nous retrouvons l'autre versant, raide et bien rocheux, que nous escaladons en tirant à gauche sous la splendide face W de la pointe jusqu'à retrouver une sorte de sente qui nous conduit à la crête N de la pointe.
Sur la crête, nous tirons un peu à droite pour apercevoir immédiatement une partie de l'enceinte du catellu bien visible quelques mètres au-dessus de nous.
Cette fois, nous y sommes ! Il est 11h40... Tellement absorbés par la montée de la sente de la dernière partie du versant Ouest, nous n'avons même pas vu, qui nous surplombait, l'ouverture monumentale du castellu découpée dans l'enceinte frontale Nord et bordée de blocs granitiques cyclopéens.
Le castellu couvre une vaste surface orientée Nord-Sud allant jusqu'au sommet de la pointe dominant les parois verticales vers 650m d'altitude. Il est défendu par deux fortifications principales au Nord et à l'Est, une enceinte rocheuse naturelle au Sud et la paroi de la face Ouest. Les fortifications sont assez monumentales et bien conservées, même si elles ne sont pas aussi spectaculaires que celles du Castellu d'Araghju que nous apercevons vers le SE non loin de nous. La surface importante à l'intérieur des fortifications aurait pu en faire un bel abri pour une importante population, si tant est qu'il ait servi de lieu d'habitation permanent. Dumé estime d'après la structure des eneintes que le castellu doit dater de l'Age de Bronze.
Nous passons un long moment à visiter le castellu et les alentours et en profitons pour nous restaurer succinctement. J'examine en détail toute la partie Sud de la pointe sans rien trouver d'autre que les murs naturels fermant la plate-forme et je prends un maximum de photos avant de redescendre. Je découvre même une belle petite arche rocheuse me donnant l'occasion d'une photo pittoresque de la baie de Porto-Vecchio. Pendant ce temps, Dumé relève au GPS le tracé des enceintes.
Enfin, vers 12h50, nous entamons le retour en repassant sous la grande enceinte Nord et la belle entrée du castellu. Pas de problème pour retrouver et suivre exactement nos traces jusqu'au ruisseau de Paisellu, avant de reprendre la piste jusqu'à la voiture. C'est d'ailleurs au retour que je prends les photos de cette voie d'approche, les travaux de démaquisage et la recherche du chemin m'ayant empêché de le faire à l'aller.
Retour au point de départ vers 14h15...
Conclusions et compléments :
Une belle réussite cette fois-ci que cette trouvaille du Castellu Muratu, avec beaucoup d'éléments favorables dans notre aventure :
- Tentative réussie en un seul essai, contrairement à nos aventures précédentes marquées par plusieurs explorations préalables,
- Bienveillance d'un maquis relativement bien disposé à notre égard à l'exception du démaquisage nécessité par la traversée de l'affluent du Paisellu : de ce fait, l'approche et l'accès du castellu nous ont paru relativement aisés, surtout en comparaison de l'accès précédent à Cuperchjata,
- Découverte d'un site magnifique doté de belles enceintes monumentales bien conservées et construit sur un emplacement spectaculaire avec une vue imprenable sur toute la région,
- Horaire de montée assez court (un peu plus de 2h) si on suppose le passage de la traversée de l'affluent du Paisellu démaquisé.
Vous pouvez consulter à gauche la carte générale de la région de la crête Sud de la Punta di Mola avec le tracé du parcours que nous avons suivi à la montée et à la descente.
Enfin, ci-dessous, le diaporama avec les photos de cette journée de prospection :
Diaporama "Castellu Muratu"
Pour ceux qui veulent en savoir plus et qui s'intéressent à l'archéologie (corse !), il est incontournable de consulter le site Cuciurpula.fr, en particulier l'article Fortifications oubliées du sud de la Corse...
Commentaires
Bonjour @paul :
C'est super de savoir (et donc d'en être informé !) que certains acceptent toujours l'effort d'aller visiter ce magnifique castellu, moins connu que celui d'Araghju et d'accès NETTEMENT plus délicat...
Il faut donc le contourner pour retrouver la piste (très maquisée elle aussi) derrière...
En regardant de près Géoportail en photos aériennes, je crois avoir à peu près compris le parcours que vous avez emprunté et qui semble avoir utilisé des chemins plus traditionnels que le nôtre.
Dumè et moi avions été informés par quelqu'un de Farucciu qu'il y avait effectivement des sentiers qui montaient depuis ce village dans la zone du castellu, mais qu'ils étaient peu fréquentés et dorénavant très maquisés.
En outre, il convient de noter que la piste que nous avons empruntée fin 2011 pour démarrer notre itinéraire est dorénavant "barrée" à son début par un restaurant qui s'est installé le long de la D368 !!
Bonjour Philippe
Après un premier repérage l'autre jour, nous sommes montés hier avec Olivier en partant depuis la citerne d'eau qui est juste en dessous du pont de Paiseddu.
Au bout d'un certain temps le maquis nous a empêchés de suivre une piste pourtant bien aménagée avec murets de côté et marches, et nous avons dû couper par le maquis en direction d'un autre sentier venant du Ponti de a Frasca, très propre de bout en bout celui là.
Ce sentier arrive à un premier col où il rejoint un sentier venant très probablement de Farrucciu, et un peu plus haut, sur un plateau on a une autre bifurcation qui va à gauche vers le Casteddu Muratu, et à droite qui semble venir d' Àmbacu.
Ce sentier est très propre de bout en bout, il faut juste rester vigilants dans les endroits où il passe sur du rocher car on peut facilement dévier de quelques mêtres et perdre le sentier, mais on le retrouve facilement un peu plus loin.
Pas de ruisseau à traverser, le sentier fait une large boucle en direction de l'est avec juste un petit raidillon de 15 minutes environ 10 ou 15 minutes après le départ, sans ça il grimpe de façon très raisonnable
@Simon TAZEGA :
Alors, même ces ruines, qui paraissent si près de la route, sont elles aussi entourées et abritées par le maquis ?
Bonjour,
Merci pour vos commentaires sur le blog, je vais tenter de le rendre plus attractif, mais pour cela il faut du temps. si vous le souhaitez, il est possible de visiter le blog "U Scoddu" qui est dans le même style que le mien.
Comme vous l'avez deviné je suis originaire de Farrucciu.
En ce qui concerne les cascades filmées dernièrement sur FR3, lors du criterium cycliste et dont de nombreuses photos sont publiées sur divers blogs, elles se nomment "I MULINACHI", elles sont au confluent de trois torrents: le lataricciu, u paiseddu et x...qui vont grossir la rivière de NOTA et BALA.
En ce qui concerne les ruines, j'ai prévu une ballade avant l'été..mais avec pinattu,rustaghjia,sécateur et débrousailleuse.
@Simon Tazega :
Réponse un peu tardive de ma part, mais je dois dire que j'étais un peu perdu dans l'examen des commentaires de mon blog !!


Bravo pour votre blog, qui raconte effectivement des histoires peu connues et qui donne quelques pistes pour la toponymie régionale (Palavese/Farrucciu et plus généralement la commune de PortiVechju) !
J'ai cru comprendre que vous étiez originaire du village de Farrucciu (Ferruccio) ou le connaissiez bien, ce qui explique l'une de vos dernières histoires sur le Lataricciu qui est situé non loin !! Je ne l'avais pas catalogué comme un fleuve mais plutôt comme un ruisseau, lointain affluent du Stabiacciu.
Cela me rappelle que je n'ai toujours pas eu l'occasion et le temps d'aller visiter 1°) Les cascades sur le ruisseau à l'Ouest de Farucciu, 2°) les ruines un peu au Nord de ces mêmes cascades !!! Il faudra tout de même que j'inscrive cela à mon agenda 2012...
Bon courage pour la suite de votre blog !
Sur mon petit blog, je raconte quelques histoires, racontées au coin du feu, si vous le voulez bien il est possible d'y faire un tour.
A+
@Simon Tazega :
Merci beaucoup pour ces renseignements, Simon.
C'est effectivement dommage que beaucoup de toponymes aient été perdus ou non inscrits sur les cartes IGN.
Je dois dire que c'est plus facile pour moi depuis que j'ai accès aux anciennes cartes où l'on trouve beaucoup de dénominations non réutilisées par IGN et que je ne connaissais pas avant.
Depuis la fontaine du Caparonu, il y a bien un sentier qui démarre vers le Nord ? Même s'il est bien maquisé...
Bonjour,
Effectivement la fontaine du Caparonu se situe,dans l'axe du réservoir d'eau sur la route de Farrucciu il était alimenté à l'epoque par un captage au niveau de la punta di à CAPRIONA(probable domaine des chèvres sauvages).Depuis le grand incendie de 1994 le maquis à repris ses droits et c'est assez "hard" de le pénetrer.
pour les cours d'eau il y a bien sur celui di i Mola, di u pontu di a Frasca et de Paissedu.
Bonjour @Forco :
Bien content de savoir que vous avez pu réussir ce parcours à cette époque de l'année !
La traversée du Paisellu a peut-être quand même conservé notre trace, mais il est difficile de la voir depuis la fin de la piste... Nous avons obliqué assez loin du ruisseau (50m ?) et au départ sans faire de trace car le maquis permettait de passer. Il n'y a que la trentaine de mètres de maquis autour du ruisseau qui a été ouverte aux outils et il faut donc être quasiment dans le ruisseau pour voir notre trace !! Vous avez certainement obliqué plus loin et plus proche du ruisseau (?).
Effectivement, avec Dumé, nous avions trouvé le cheminement somme toute relativement aisé, surtout pas rapport à notre aventure précédente (Cuperchjata), car le maquis dans le versant W de la pointe du castellu est assez bas et bien praticable. Seule la traversée du dernier ruisseau (ruisseau de Castellu Mratu) redemande un peu d'effort mais elle est courte.
Je n'ai sans doute pas encore assez crapahuté autour de cette pointe car je n'ai aperçu aucune trace d'anciennes constructions en dehors du castellu lui-même et je ne peux imaginer où se trouvait la chapelle.
Et merci d'avoir mis un commentaire relatant votre passage : ce n'est pas tous jours que l'on va voir quelqu'un aller répéter ces cinq aventures archéologiques et, en plus, nous l'indiquer... même dans les coins où un incendie a arrangé les difficultés !!

C'est vrai que parfois je me ferais volontiers incendiaire dans certaines parties fines de maquis... et j'utiliserai bien sûr le napalm...
La cinquième et dernière (pour le moment) aventure paraîtra la semaine prochaine si tout va bien.
Bonjour Philippe,
Il y a quelques jours nous avons un peu correspondu sur cuciurpula.fr. J'ai fait cette sortie ce matin.
J'avais imprimé votre plan, j'ai pu suivre votre chemin jusqu'à quelques mètres du cours d'eau Paisellu. Je dis quelques mètres parce que rien à faire pour voir votre passage quand vous avez dû obliquer vers le ruisseau. Je n'ai vu que de la végétation impénétrable, pourtant votre passage ne date que d'il y a 3 mois. Etant à moins de 5 mètres au dessus du ruisseau, et juste en face de la façade ouest, je me suis décidé et j'ai donc dû passer en force pour franchir Paisellu. La difficulté a été assez brève et ça a été bien la seule de tout le parcours, si ce n'est, un peu plus loin, un second cours d'eau à franchir, lui aussi bien entouré.
La végétation est quand même assez basse dans le coin et si mes souvenirs sont bons cela est peut-être dû au grand incendie de 1994 qui était descendu de la route de l'Ospedale jusqu'à Trinité, je crois qu'il était passé par là.
Au pied de la façade Ouest je suis tombé sur un bel abri sous roche, encore bien fermé. Par l'ouverture on y distingue que trois "compartiments" avaient été faits à l'intérieur.
Pour le reste, rien de plus à ajouter que votre description, déjà très précise.
Un magnifique panorama au sommet, dommage que le ciel était couvert ce matin.
Je confirme l'exactitude du temps de parcours que vous donnez. Pour ma part, précisément, 2h05 à l'aller, 1h10 au retour.
Par ailleurs, en effet, le toponyme "Capellaccia" qui se trouve en contrebas du casteddu (que l'on peut lire sur le plan Terrier dont vous avez mis l'image) ne laisse guère de doutes sur la présence d'une ancienne chapelle. Et quand je vois qu'il est aussi écrit "Nicola" juste à côté, là aussi je ne pense pas qu'il y ait des risques à dire que la chapelle était placée sous le vocable de San Nicola.