- L'Andadonna ou Andatone, vire de montée directe aux bergeries de Scaffone

Ainsi qu'il l'a été décrit dans l'article précédent de ce blog, cette vire faisait partie de l'itinéraire de montée aux bergeries de Scaffone depuis Monte Estremu : il passait normalement par Bocca Rustali et empruntait une vire exposée accédant sous Bocca Laggera au départ de l'Andadonna, vire en forme de W qui, au prix de deux échancrures et d'une sorte de montagne russe constituée de trois montées et deux descentes, emmène au replat abritant les bergeries de Scaffone vers 1430 m en escaladant le formidable ressaut rocheux barrant le pied de ce versant. Ce ressaut explique sans doute le terme "Valle Serrata" (vallée close) utilisée par les habitants du Filosorma pour désigner cet entrelacs de ravins.
Un autre itinéraire possible était de monter à Bocca Laggera en passant par le couvent de Santa Maria : le départ de l'Andadonna est 150 m sous l'autre versant de ce col.
Aujourd'hui, ces deux parcours semblent perdus sous le maquis et impossibles à reproduire sans restaurer les sentiers correspondants : l'itinéraire actuel consiste donc à emprunter une trace de chasseurs depuis la piste de la prise d'eau de la Cavicchia et d'accéder à l'Andatone par cette piste de Sioux où seuls le flair et l'expérience permettent de s'en sortir sans dommage...

La vire elle-même fait environ 1500 m de longueur et oscille entre 1065 et 1260 m d'altitude, mais avec 270 m de dénivelé positif contre 140 m de dénivelé négatif.
Ces caractéristiques techniques ne doivent pas occulter, bien sûr, ses attraits principaux qui sont le mystère de son accès, son parcours vertigineux mais sans escalade (à un pas près) et les paysages spectaculaires qui l'environnent.

Et voici à nouveau la vidéo des passages de la vire, déjà diffusée dans l'article précédent du blog consacré à cette curiosité : rien de plus instructif pour vous donner une idée de l'ambiance...

Eléments techniques : Depuis la piste de la Cavicchia (480 m) jusqu'aux bergeries de Scaffone (1430 m), nous avons mis 4 h avec Eckard et Achille qui connaissait le parcours ! Rajouter 1 h 30 à 2 h de Barghjana ou Monte Estremu pour parvenir au départ de la trace de chasseurs... si vous n'êtes pas en 4x4 et doté de la permission d'utiliser la piste. Nous avons mis 3 h 15 à la descente jusqu'à la piste. Soit un temps de course total de 7 à 8 heures depuis la piste et de 10 à 12 h depuis Barghjana/Monte Estremu, pour +1100 m/-150 m de dénivelé environ à la montée.
A recommander, mais sans doute avec un bivouac quand on démarre depuis les villages ?

- L'Andade a u Ponte, vire de traversée entre Scaffone et Campu Razzinu

Cette vire fait la liaison entre le versant Scaffone du Filosorma (versant Nord du Capu Scaffone) et le versant Campu Razzinu (versant Sud du Capu Scaffone et de la Punta di Campu Razzinu). Nous l'avons cherchée en vain lors du trek de juillet 2007 sur la base des souvenirs d'Eckard Berberich datant de 15 ans auparavant, puis nous l'avons intégrée dans le trek de juillet 2008 avec plus de succès !

On peut y accéder de plusieurs manières :

• Par la vire précédente depuis les bergeries de Scaffone à son extrémité Nord versant Scaffone
• Par les bergeries de Laoscella et une grande traversée depuis les bergeries jusqu'à son extrémité Scaffone
• Par la vire du Capu Tafonatu en traversant le ruisseau descendant de Bocca Rossa et en remontant vers le départ de la vire de l'autre côté
• Par le bas, enfin, depuis Monte Estremu, le couvent de Santa Maria et une trace de chasseurs (?) remontant Tana di l'Orsu et la falaise rocheuse qui la surplombe

Longue d'environ 1700 m, elle paraît horizontale sur presque tout son parcours : cette horizontalité est trompeuse car, en fait, elle se balade entre 1650 et 1770 m avec 270 m de dénivelé positif contre 230 m de dénivelé négatif. C'est la partie Campu Razzinu qui lui donne son caractère horizontal... Fabuleux parcours que cette vire avec ses trois orientations (Nord, Ouest et Sud) et un tracé ressemblant à la pointe du Finistère avec ses deux profondes échancrures occidentales : elle ne comporte pourtant aucune difficulté bien qu'elle surplombe par endroit des précipices vertigineux et longe des parois verticales !

Initialement dénommée par nous "vire de Scaffone", elle devint successivement "Andatone", nom fourni par un visiteur corse du Blog qui s'est sans doute trompé de vire en la confondant avec la précédente, puis "Andade a u Ponte", nom fourni par Achille, le garde ONF du massif : ce nom serait lié au gros bloc rocheux formant "pont" au-dessus de deux rochers verticaux et sous lequel on passe pour accéder à la plate-forme rocheuse de la vire à l'extrémité du versant Scaffone.

Les photos ci-dessous proviennent d'une visite de deux jours à cette vire et à celle du Tafonatu que nous avons réalisée début août 2009 avec Caro, à partir de Monte Estremu via Tana di l'Orsu, et illustrent aussi bien le parcours de la montée que la vire elle-même avec ses habitants (mouflons en pagaille !).

Nota :Il vous est rappelé que l'effet "lightbox", obtenu en cliquant pour agrandir les photos, permet aussi de les visualiser en diaporama pour toute la page en cliquant sur les flèches droite et gauche qui apparaissent sur les côtés de chaque photo au survol de la souris !

Les "vires"de la trace des chasseurs au-dessus du Fangu, prémices de la vraie vire d'Andade a u Ponte :

Le col 1150 m et sa vue vers Bocca Rossa et le Tafonatu, masquée par l'échine rocheuse au-dessus du Fangu :

L'escalade de la falaise rocheuse au-dessus de Tana di l'Orsu :

La traversée après la falaise rocheuse au-dessus de Tana di l'Orsu :

L'Andade a u Ponte, versant Sud Campu Razzinu :

L'Andade a u Ponte, versant Ouest :

L'Andade a u Ponte, versant Nord Scaffone avec ses mouflons :

Eléments techniques : Nos horaires d'août 2009, avec Caro (qui marche comme un avion !) et sacs assez lourds, ont été de 35 mn pour le couvent, 2 h 45 pour le col 1150 m, 3 h 30 pour le bas de la falaise et 4 h 15 pour le "chorten" à la fin de la trace au sommet de la falaise. De là, rajouter 30 mn pour monter au départ Campu Razzinu de la vire (par le couloir vertical montant à gauche depuis le chorten) et 1 h pour le parcours de la vire elle-même. Idem au retour (1 h pour la vire, 30 mn de descente au chorten). La descente depuis le chorten jusqu'à Monte Estremu nous a pris 4 h (presqu'autant que la montée !)... Soit un temps de course total de 11 à 13 heures depuis Monte Estremu pour +1820 m/-420 m de dénivelé environ à la montée.
Recommandée avec bivouac et couplée avec la visite de Campu di Vetta au Tafonatu (lieu de bivouac).

- La vire du Tafonatu, grande vire de la face Ouest avec Campu di Vetta à son extrémité Sud

C'est la vire la plus connue du massif puisqu'elle correspond à la grande vire qui borde le pied de la formidable paroi rocheuse de la face Ouest du Capu Tafonatu : elle a été décrite dans son Guide et intégrée à son "tour du Tafonatu" par Fabrikant et elle est utilisée par les grimpeurs de la face Ouest (peu nombreux !).

Les méthodes pour y accéder sont les suivantes :

• Par la vire précédente (Andade a u Pontu) venant de Scaffone en traversant le ruisseau descendant de Bocca Rossa, en remontant l'échine rocheuse sur l'autre versant où un col marqué par le seul arbre du coin permet de traverser vers la face Ouest et de descendre sur la vire
• Par les versants Ghjarghjole ou Silvastriccia depuis le refuge de Ciottulu di I Mori (Cf. Trek Ota-Barghjana de juillet 2008)
• Par le col des Maures depuis le refuge de Ciottulu di I Mori, en traversant l'arête Nord du Tafonatu par une brèche et en descendant le vallon sous Bocca Rossa jusqu'au "col de l'arbre" précité
• Par le bas depuis Monte Estremu, le couvent de Santa Maria, la trace de Tana di l'Orsu et la falaise rocheuse qui la surplombe, comme pour Andade a u Ponte : à la fin de la trace ("chorten"), on traverse vers l'Est sur des dalles inclinées pour rejoindre le cours supérieur du ruisseau descendant de Bocca Rossa
• Par la véritable montée directe depuis Monte Estremu, en utilisant la trace de Tana di l'Orsu à son début, puis en poursuivant dans les blocs du Fangu avant de monter en RG pour rejoindre directement le bivouac de Campu di Vetta à l'extrémité Sud de la vire (Cf. Carte Filosorma)

En la décomptant depuis le "col de l'arbre" (ou "col franchissable") jusqu'au bivouac de Campu di Vetta, elle est longue d'environ 1100 m et descend surtout au départ du col avant de devenir plus horizontale ensuite. Son parcours oscille entre 1710 (au col) et 1580 m (au bivouac, avec 150 m de dénivelé positif contre 280 m de dénivelé négatif. Elle est coupée en deux par le couloir central de la face Ouest à l'aplomb du Trou : il est marqué par une immense grotte, un névé constitué souvent jusqu'au milieu du mois d'août (Cf. photos) et une cascade permanente au fond de la grotte permettant le ravitaillement en eau. A l'extrémité Sud de la vire, une série d'abris formés sous le bord surplombant de la paroi ont été arrangés en bivouacs confortables par les bergers de Campu di Vetta : sous la vire, un vaste couloir descendant de la crête au Sud du Tafonatu héberge un autre névé quasi-permanent et fournit un ravitaillement en eau abondante : en août 2009, ce névé était devenu une grotte digne de la visite de spéléologues et était visitable de bout en bout le long du torrent !

Les photos ci-dessous complètent la série précédente sur la vire de Scaffone et proviennent de la même visite de deux jours à cette vire et à celle du Tafonatu que nous avons réalisée début août 2009 avec Caro : nous avons bivouaqué à Campu di Vetta après avoir visité la vire du Tafonatu le 1er jour et nous avons parcouru Andade a u Ponte en aller-retour le 2ème jour avec la redescente vers Monte Estremu dans la foulée.

Arrivée au "col de l'arbre" ou "col franchissable" :

La grotte du couloir central et son névé "proue de navire" :

La partie Sud de la vire et les bivouacs :

Le couloir Sud du Tafonatu et son névé spéléo :

Le bivouac à Campu di Vetta et la faune locale au petit matin :

Les photos précédentes pourront peut-être vous inciter au même lyrisme que celui de Charles Pujos lorsqu'il illustrait ce bivouac dans son livre "La traversée de la Corse" par cette formule : "Dominé par des piliers géants - le plus haut gratte-ciel de la Méditerranée! - , surplombant un impénétrable ravin qui interdit toute envie de fuite vers l'aval, je sais à cet instant que j'occupe le plus sauvage et le plus extraordinaire bivouac naturel de toute la Corse...".

Encore une petite vidéo pour illustrer cette récente montée, début août 2009, à Campu di Vetta : l'environnement du couloir central de la face Ouest du Capu Tafonatu et l'état de son névé à l'époque y sont particulièrement bien mis en évidence...

Eléments techniques : Nos horaires d'août 2009, avec Caro, complétant ceux donnés pour l'Andade a u Ponte parcouru dans le même raid : 1 h 10 depuis la fin de la trace cairnée ("chorten") jusqu'au "col de l'arbre" à l'entrée de la vire avec la traversée délicate permettant de retrouver le ruisseau de Bocca Rossa. De là, rajouter 50 mn pour le parcours de la vire elle-même jusqu'au bivouac à son extrémité Sud. Idem au retour (50 mn pour la vire, 1 h 10 mn de descente au chorten). Soit un temps de course total de 12 à 14 heures depuis Monte Estremu (pour +1750 m/-490 m de dénivelé environ à la montée).
A noter que la montée directe à Campu di Vetta via la rive gauche du Fangu, au lieu de Tana di l'Orsu, fait gagner environ 1 h 30 à 2 h de montée et 1 h 30 de descente, avec, de plus, un parcours plus aisé sur le plan technique car shuntant l'escalade de la falaise. Ne l'ayant pas parcourue moi-même, je me fie aux informations d'Achille sur ce sujet : par ce parcours, le temps de course total est réduit à 9 h à 10 h 30 avec seulement +1450 m/-200 m de dénivelé environ.
Recommandée avec bivouac et couplée avec la visite de l'Andade a u Ponte jusqu'à Scaffone.

- La vire Tafonatu-Razzinu, vire reliant l'extrémité N de la face Ouest du Tafonatu à Campu Razzinu et Bocca Scaffone

Elle est sans doute plus facilement visualisable en l'expliquant comme le prolongement de la vire précédente, celle du Tafonatu (Campu di Vetta), à partir du "col de l'arbre" ("col franchissable") jusqu'à la prairie herbeuse de Campu Razzinu. Démarrant du col, un tronçon horizontal aboutit au ruisseau descendant de Bocca Rossa (Bocca a Rossu ?) à un resssaut rocheux marqué par un escalier de granit incrusté dans la paroi surplombant une vasque. De la vasque, la vire, moins marquée, monte de D à G au NW, le long des parois du Capu Rossu, jusqu'à atteindre le flanc herbeux de Campu Razzinu vers 1880 m d'altitude avec des vues magnifiques aussi bien sur le Campu Razzinu que sur le Tafonatu et le vallon de Bocca Rossa.

La vire elle-même fait environ 800 m de longueur et oscille entre 1700 et 1880 m d'altitude, avec 190 m de dénivelé positif contre 20 m de dénivelé négatif.
Elle permet d'accéder à Bocca Scaffone, entre les deux sommets de plus de 2000 m en haut du Campu Razzinu, le Capu Scaffone et le Capu Rossu, dont les ascensions ménagent des vues panoramiques parmi les plus spectaculaires de Corse !

Les photos ci-dessous proviennent du raid Ota-Barghjana que nous avons réalisé en juillet 2008 et du parcours de cette vire l'après-midi du jour où nous avons bivouaqué à Campu di Vetta.

Le "col de l'arbre" ou "col franchissable" et la partie horizontale :

Le ruisseau de Bocca Rossa, son ressaut et sa vasque :

Eléments techniques : Nos horaires en juillet 2008, en groupe de cinq et sans sacs : 50 mn depuis le "col de l'arbre" jusqu'à la fin de la vire dans les "champs" de Campu Razzinu (pour mémoire, il reste 20 mn pour monter à Bocca Scaffone de la fin de la vire). Recommandée pour les vues splendides que l'on y découvre avec organisation de ce parcours en complément d'un des itinéraires précédents.

• En conclusion :

Pour des raisons ignorées, les secteurs Scaffone, Campu Razzinu et haute vallée du Fangu sont truffés de vires remarquables que l'on ne trouve pas en aussi grande quantité dans les autres ravins du Filosorma. L'objectif de cet article était simplement de rappeler les principales que nous avions déjà parcourues avec les photos les illustrant et leurs caractéristiques techniques, en se référant à la carte donnant leurs tracés en début d'article. Il était aussi de rappeler que la plupart de ces vires ont une histoire et qu'elles ont été utilisées jusque dans un passé récent pour des raisons pastorales, montrant ainsi l'ingéniosité des bergers corses à trouver de nouveaux pâturages escarpés, sans limite d'imagination en ce qui concerne leurs accès !

La liste précédente n'est bien sûr pas exhaustive et n'exclut pas l'utilisation de l'imagination précédemment soulignée pour chercher à en parcourir d'autres ! De nouveaux objectifs vous sont peut-être déjà apparus, soit à la lecture de l'article (vire exposée Bocca Rustali-Bocca Laggera sur Valle Serrata), soit à la vue des photos (vires de Tana di l'Orsu, vires supérieures de Campu Razzinu, etc...).

Il est alors bon de rappeler qu'il est fortement déconseillé de s'y aventurer sans une forte expérience de randonneur hors sentiers, sachant manipuler sans faille carte, boussole et altimètre et, surtout, capable de renoncer et de savoir s'y reprendre à plusieurs fois pour les parcourir.