Remontée des canyons d'Ancinu et Meriu
Par PhE le vendredi 27 novembre 2015, 19:57 - Ravinisme - Lien permanent
Début septembre, Olivier et moi avions pris connaissance du dernier périple en Corse de "Bigfoot" (David Abadie) : durant la première quinzaine de ses vacances d'août en Corse, il avait réussi à enchaîner en solo une dizaine de randonnées sauvages dans des massifs aussi variés et éloignés que Popolasca, Bavella, Restonica, Verghjellu, Renosu, ...
L'un de ses parcours avait consisté à remonter le ruisseau d'Ancinu depuis la D18, la route d'accès aux villages de Popolasca et Castiglione, jusqu'aux premiers ressauts rocheux marquant la sortie du ruisseau derrière les éperons rocheux de Popolasca. Cela avait donné à Olivier l'envie de reprendre ce parcours en allant aussi loin que possible vers le canyon de Meriu qui le précède : il avait déjà fréquenté le coin au cours d'un essai précédent qui l'avait mené jusqu'à la bergerie de l'Ancinu qui se trouve au milieu de l'itinéraire. Pour mon compte, je n'avais jamais mis les pieds dans ce ruisseau, ni dans le canyon qui le surmonte en amont : le canyon de Meriu est très peu connu et uniquement fréquenté par des canyoneurs initiés et expérimentés qui le descendent durant la saison arrosée, car il est plutôt peu aquatique en fin de saison. La plupart ne descendent d'ailleurs jamais l'Ancinu et préfèrent sortir par Bocca Fuatella pour des raisons que nous verrons dans l'article qui suit.
Bref, encore une idée de randonnée avec un site peu connu et peu fréquenté comme nous le souhaitions...
Pour suivre plus facilement les détails de l'article, vous trouverez ci-contre, à gauche la carte avec le tracé du parcours depuis la D18 jusqu'au contournement du canyon de Meriu et le parcours retour.
P.S. : dans l'article ci-dessous, quelques photos sont empruntées à Olivier pour les sites ou des détails que je n'ai pu prendre. Elles sont (normalement) signalées !
C'est le samedi 12/09 que nous nous décidons à aborder cette randonnée. Retrouvailles avec Olivier peu avant 08h00 à la gare de Corte où nous laissons ma voiture pour n'en garder qu'une seule et point de départ sur la D18 au Nord de Castirla, 750m après avoir traversé le ruisseau de l'Ancinu sur le pont IGN 430. Attention, ce n'est pas le départ du sentier indiqué sur la carte IGN au premier point 474, celui-ci n'existe plus, mais un départ un peu plus au Nord et non tracé sur la carte IGN, proche du deuxième point 474. Pour nous, c'est assez simple puisqu'Olivier a déjà effectué le début de cet itinéraire et connaît le départ du sentier...
Le démarrage a lieu vers 08h20 sur un sentier assez bien tracé qui remonte ce versant en écharpe vers le SW jusqu'au premier col 800m plus loin à 590m d'altitude. Dés le départ, nous passons le long d'un abri-bergerie abrité au pied d'un beau rocher creusé de tafoni. Puis nous affrontons un entremêlement de sentes de chasseurs bien propice à nous désorienter, mais, finalement, la trace principale est assez facile à suivre jusqu'au col dans ce sens de la montée. La suite est plus ou moins en ligne de niveau à l'entrée du resserrement rocheux qui marque le début de la partie étroite du ruisseau avant d'atteindre le deuxième col juste avant la descente vers le lit de l'Ancinu. Cette descente s'effectue sur une partie de sentier magnifique avec des soutènements imposants qui montrent l'importance historique de ce chemin ! Pour aller où et faire quoi ? Transhumance, accès aux bergeries de Teghja ?
La descente au-dessus des gorges étroites de l'Ancinu est aisée au début car bien tracée et facile à suivre... Mais, à un moment, le cheminement s'interrompt brutalement et nous perdons une dizaine de minutes à traverser une zone de maquis pour retrouver le chemin un peu plus bas.
Nous poursuivons la descente avec comme ultime problème un passage malaisé dans une zone où le chemin s'est effondré et a été colmaté avec un bricolage métal/bois aidant au franchissement et nous finissons par rejoindre le niveau du torrent à 09h00 vers 500/510m d'altitude.
Torrent est d'ailleurs un mot mal adapté aux vasques glauques que nous découvrons et à l'absence totale de courant d'eau dans le lit du ruisseau ! L'aridité de l'Ancinu, presque complètement à sec, est la conséquence d'un hiver et d'un printemps peu arrosés et de la saison estivale habituelle. Cette année 2015 a presque atteint en Corse les records de sécheresse de l'année 2003...
Pour la suite, nous commençons par remonter intégralement dans le ruisseau en évitant difficilement vasques et surtout ronces qui prolifèrent le long de l'eau. Puis, après avoir franchi une première série de deux méandres du ruisseau, nous empruntons une sente en RD qui nous fait éviter la fin du deuxième méandre et cheminer sur un terrain un peu plus facile mais toujours encombré de ronces. Cette sente nous ramène vers 09h30 au ruisseau qu'elle traverse en nous faisant découvrir sur l'autre rive une trouée dans la végétation et un cairn signalant la bergerie de l'Ancinu, située à la confluence avec le ruisseau de Cassa.
Nous effectuons une visite rapide des ruines de la bergerie proches du ruisseau lorsque, au moment de repartir, Olivier remarque un muret élevé sur un replat perché au-dessus et en arrière du site de la bergerie. Nous nous promettons d'aller examiner au retour les vestiges correspondants...
Et c'est reparti au bout d'une vingtaine de minutes pour la suite de la remontée du ruisseau ! A nouveau de manière intégrale le long du cours d'eau, nous entamons une longue marche, fastidieuse et malcommode, qui nous conduit en 50mn dans le premier méandre d'une nouvelle série du ruisseau annoncée par le spectacle d'une belle arête rocheuse, découpée par de nombreuses aiguilles, qui descend depuis Punta a Corniaccia jusqu'à l'Ancinu. Beaucoup d'obstacles rocheux, en général facilement franchissables, et de portions maquisées (les ronces !) rendent la progression sur cette partie lente et pénible, surtout dans ce fouillis végétal en l'absence de vues dégagées.
Nous ne trouvons pas de raccourci et devons suivre le ruisseau le long des deux virages qui contournent la base de l'arête rocheuse. Le lit du ruisseau se dégage un peu de sa végétation avec la vue au-dessus de lui qui se fait plus ouverte et le lit devient plus rocheux avec des ressauts de plus en plus imposants. La fin du deuxième méandre est marquée par un long bief rocheux amenant à une grande vasque-cascade (quasi sèche) qui s'avère être une impasse. C'est le premier contournement obligatoire que nous devons effectuer, par la rive droite sur près de 300m en coupant la fin du méandre et en franchissant l'arête qui le découpe pour retrouver le ruisseau plus loin dans une portion joliment forestière. Cela nous change un peu de l'uniformité de la partie précédant les méandres, surtout avec la pente raide et dangereuse, mélangée de terre et de rochers, qu'il faut gravir en début de contournement... Dans mes souvenirs d'ailleurs, à l'aller, nous avons même commencé par erreur ce contournement par l'autre rive (la gauche), avant de nous retrouver au-dessus de la cascade à devoir continuer en rive droite : au retour, nous resterons intégralement sur cette rive, sans traverser le ruisseau avant la fin de la vasque !
400m plus loin, nous arrivons à une nouvelle grande vasque dans laquelle aboutit une sorte de toboggan rocheux infranchissable sans escalade. Nous comprenons que nous sommes arrivés à la partie finale du canyon de Meriu, même si celui-ci s'arrête géographiquement à sa confluence avec le Frassellu un peu en amont.
Il est 11h45 et nous espérons visiter le bas du canyon bien que nous n'ayons pas le temps de le remonter entièrement vu le délai de retour au parking. Pour cela, deux solutions : 1°) contourner le toboggan par la RD avec une pente facile mais bien encombrée d'arbres et maquis, 2°) contourner par la RG avec un versant raide mais rocheux et avec peu de végétation. A l'examen de la carte, il est évident que la première solution est la bonne pour aller visiter l'ensemble du canyon et parce qu'elle permet d'approcher Bocca Fuatella. C'est d'ailleurs celle-là qu'envisage d'abord Olivier avant que je lui propose la deuxième qui peut nous permettre, selon moi, de reprendre pied dans le canyon après l'escalade initiale. Et c'est parti par cette rive gauche, avec une escalade de couloirs rocheux raides mais sans obstacles difficiles. Par contre, impossible de revenir à gauche dans le canyon bordé par une paroi quasi-verticale que nous contournons petit à petit par le haut pour arriver jusqu'à la hauteur du virage à droite (en descendant) que fait le Meriu à cet endroit.
Belles vues sur le versant d'en face avec la crête bien végétale sous Bocca Fuatella et les pentes raides et rocheuses du canyon. On y voit même une vache qui a dû arriver par Bocca Fuatella (?)...
Inutile d'aller plus loin, car la rive que nous avons choisie est le plus long cheminement pour contourner le virage du canyon. Vers 12h20, nous faisons demi-tour et redescendons éperons et couloirs parcourus à la montée pour retrouver notre vasque-toboggan 20mn plus tard et entamer une pause-déjeuner bien méritée... Vers 13h, nous prenons le chemin du retour en redescendant l'Ancinu en sens inverse.
C'est sans peine et plus facilement qu'à l'aller que nous effectuons le contournement de la vasque-cascade des deux méandres de l'Ancinu et la descente au-dessus du bief qui la prolonge.
Passés les méandres, je me fais larguer par Olivier, comme d'habitude dans les descentes, et, bientôt, je ne l'aperçois même plus devant moi. Pas d'inquiétude sur cet itinéraire sans surprise, on se retrouvera plus bas à la bergerie que nous nous étions promis de visiter au retour.
Mais, alors qu'à la montée nous avions intégralement suivi le lit du ruisseau, dans ce sens de la descente, voilà que je trouve deux sentes sur les rives, gauche d'abord puis droite ensuite, qui me permettent moins de temps et d'efforts. La dernière de ces sentes me ramène au ruisseau juste avant la bergerie que je retrouve sans aucun problème vers 14h50 : sauf celui de ne pas retrouver Olivier à cet endroit et le doute de l'avoir dépassé en empruntant mes sentes-raccourcis ! Après quelques appels qui ne résonnent pas loin dans ce ravin, j'essaie mon téléphone qui ne donne rien en appel vocal mais qui parvient à envoyer un SMS à mon coéquipier à 14h55. Réponse SMS d'Olivier qui répond qu'il me rejoint à la bergerie. Du coup, je pense qu'il est en amont de moi, que je l'ai dépassé et qu'il m'a attendu en vain. Mais 15 minutes plus tard, toujours aucun Olivier à l'horizon. Un nouveau SMS m'apprend qu'il a raté la bergerie, puis demande à quelle altitude elle est. Encore quelques minutes sans rien, puis des appels que je crois d'abord venir de l'amont, puis de l'aval où j'aperçois enfin Olivier remontant le ruisseau dans ma direction. Il avait effectivement raté la bergerie et s'était retrouvé très en aval avant de faire demi-tour. Presque 40 mn de temps perdu à se chercher dans un canyon imperdable... Et apprendre à nos dépens que hurler en canyon ne sert pas à grand chose pour communiquer ! Reste à faire la visite de l'enclos-murets aperçu à la montée : un enclos et des restes de construction assez impressionnants pour un coin aussi paumé ! De plus, nous avons la surprise de découvrir le départ d'au moins deux chemins, l'un montant plein Nord vers un improbable itinéraire en direction d'Alzatu ou Castiglione (fontaine de Paduli), l'autre constituant sans doute un chemin de parcours en RG de l'Ancinu et prolongeant peut-être le chemin historique pris à l'aller depuis la D18 (?). Pas le temps d'explorer ces deux chemins à proposer à d'autres randonneurs qui pourraient les préférer à la suite de la remontée de l'Ancinu...
Nous reprenons la descente du ruisseau à 15h50 en reprenant la trace en RD déjà trouvée à l'aller, dont le départ est juste en face de la bergerie. 300m plus loin , cette trace rejoint directement le méandre suivant vers 560m d'altitude. Comme à l'aller, le méandre est traversé à l'intérieur, mais, cette fois-ci, au lieu de rester en RG du ruisseau, nous trouvons une une nouvelle trace en RD avec une sente qui devient vite quasiment un chemin, nous fait longer un autre abri-bergerie et nous permet de rejoindre au plus court le point du ruisseau où nous sommes arrivés à la montée par le chemin historique descendant de la D18. Nous aurions dû trouver cette suite à l'aller si nous avions bien examiné la rive en face de nous en arrivant à l'Ancinu au gros cairn dans le ruisseau !
Il est 16h10 quand nous entamons la fin de la randonnée en remontant le vieux chemin jusqu'au premier col, puis en effectuant la traversée vers le deuxième col avec les derniers soutènements. Enfin, c'est la redescente vers la D18 au cours de laquelle j'ai eu quelque peine à deviner le bon itinéraire au milieu des multiples sentes qui emberlificotent ce versant. Retour à la voiture à 16h45...
En conclusion : une belle remontée de ruisseau, moins difficile que beaucoup d'autres en Corse, combinant le parcours d'un bel ancien chemin de transhumance et la visite de vestiges de bergeries avec une balade aquatique (en temps normal !) où seule la végétation peut poser problème...
A l'approche de la fin du canyon de Meriu, les difficultés rocheuses commencent à se faire sentir et il faut se méfier un peu du contournement obligatoire en rive droite avant d'atteindre la vasque-toboggan. L'aller-retour complet avec une visite de la partie basse du canyon de Meriu est assez long (7/8 heures ?) et demande tout de même des pratiquants entraînés et avertis, même si on peut considérer cet itinéraire comme du ravinisme facile.
Compléments sur le canyon de Meriu : ce canyon est peu connu et peu fréquenté. Décrit dans le seul topo de Franck Jourdan, Corse Canyons, il n'est même pas indiqué dans la base de canyons de Corse de Descente-Canyon. Il reste une course sauvage et technique, à faire plutôt au printemps (sec souvent l'été) avec 3h d'approche (depuis les bergeries de Santa Regina via le sentier des bergeries de Liccioghja), 4 ou 5h de descente selon que l'on s'arrête au Frassellu ou à notre vasque-toboggan et 1h30/2h de retour aux bergeries de Santa Regina via Bocca Fuatella. Pour le canyoning, il est évident que cette approche aller-retour est bien plus pratique que de monter ou de redescendre par l'Ancinu et il ne faut donc pas s'étonner de ne voir AUCUN canyoneur dans ce ruisseau... Bien entendu, après le parcours décrit dans cet article, Olivier ne pouvait résister à l'envie d'aller voir de plus près et plus en amont le canyon de Meriu que nous n'avions que frôlé. Il m'avait proposé de l'accompagner fin septembre, mais je n'avais pas pu et il y est retourné avec Francè en suivant l'itinéraire d'accès préconisé ci-dessus par le topo Corse Canyons (voir son parcours, ainsi que la fin de notre parcours précédent, sur la carte ci-contre à gauche).
Deux de ses photos caractéristiques de la partie explorée du canyon de Meriu :
Rappel ci-contre à gauche, de la carte avec le tracé du parcours en aller-retour depuis la D18 et la partie du contournement du canyon de Meriu.
Voir les photos dans le diaporama ci-dessous qui illustre bien l'ambiance végétale et peu aquatique du ruisseau :
Commentaires
@david :
Il nous a effectivement manqué la partie du ruisseau sous le pont puisque nous avons fait le chemin historique à l'aller et au retour !
Pour le retour par le chemin, j'ai effectivement pensé que ce n'était pas simple de ne pas le perdre dans la descente côté route, mais Olivier l'avait déjà fait et avait la trace GPS de l'aller...
En complément sur l'Ancinu, que pourrai-je ajouter sur ce que tu as décrit?
Concernant le sentier que j'ai parcouru dans l'autre sens, il est très facile à suivre côté Ancinu et se devine bien lors des franchissements des barres rocheuses. C'est dans la descente côté route que je l'ai complètement paumé et qu'en désespoir de cause, je suis parti tout schuss en ligne droite jusqu'à la route.
Le ruisseau était moins à sec début août. son cours avait tendance à être souterrain sur de nombreuses sections mais lorsqu'il ressortait, les premières vasques étaient fraiches, claires et tout à fait convenables pour un petit bain (mais sûr que j'en n'aurais pas bu).
La première section du ruisseau juste en amont du pont routier est très encaissée. Pour franchir le tout premier rétrécissement sans devoir nager, j'ai "utilisé" comme ligne de vie un tuyau d'amenée d'eau en pvc riveté à la paroi. Sans danger en cas de chute sinon pour le matos électronique avec le lit profond 3/4 mètres plus bas et en l'absence du berger/paysan qui doit certainement pas apprécier qu'on fasse de la gymnastique sur son tuyau :-/ (je me fais marrer tout seul, c'est grave?)
Ensuite, il y'a deux ou trois autres points vraiment physiques (III non exposé au milieu d'arbrisseaux et de ronces) en rive gauche pour passer au-dessus des parois qui ferment quelques rétrécissements infranchissables dans le lit avant de rejoindre le sentier "officiel".
Le mieux pour qui voudrait faire cette très courte section serait d'y aller en maillot de bain et remonter à la nage. C'est assez court pour ne pas avoir froid et le ravin très sympathique visuellement.
Les soutènements du sentier historique sont impressionnants et ont plutôt bien résisté (à une exception près), à la fois au temps, à l’oubli et à une fréquentation devenue plus que confidentielle ! Moi aussi, je me demande dans quelle direction et vers quel but il peut bien se prolonger…
En consultant la carte IGN, je me suis aussi rendu compte que l’Ancinu avait un parcours bien plus long que ce que j’imaginais, notamment au vu du très faible débit observé à la fin de l’été ! Il naît de la confluence de plusieurs sources qui proviennent des flancs du Capu di Linu, du Capu di u Dente et du Monte Pianellu (3 sommets qui approchent ou dépassent les 2000 m) et qui se réunissent en amont et en aval de la Bergerie de Galghello. De là, jusqu’à la confluence avec le Golu à Ponte-Castirla, il y a de la distance… et du dénivelé !