Bocca di Serra Pianella, Pointe Lejosne, Monte Saltare et retour à Monte Estremu

Le Monte Saltare depuis la remontée du ravin de Laoscella Comme hier, mais après une nuit plus confortable, lever vers 5h30 et départ vers 6h30 pour une journée qui s'annonce plutôt chargée ! Je retrouve facilement la sente de Laoscella qui démarre tout de suite au-dessus de la bergerie en traversant vers l'Ouest le ruisseau parallèle à celui du Saltare. Elle remonte ensuite en RG de ce ruisseau, puis, plus loin et dans une zone mal cartographiée par l'IGN, la RG du ruisseau de Laoscella au-dessus de sa confluence avec celui de Saltare. Dans son état actuel, la sente est bien tracée et bien cairnée et se suit aisément. Quelle différence avec les remontées de ce ravin dans les années 80 et 90 où il fallait se frayer une voie par soi-même ! Je me souviens même que ma première montée aux bergeries de Laoscella avait été réalisée intégralement en RD, sauf pour la zone des bergeries elles-même : inversement, j'avais fait la descente en RG et, la trouvant, plus facile, avait repris cette rive les années suivantes. Je n'ai utilisé cette sente pour la première fois qu'en 2007 et elle s'est encore chargée de cairns depuis lors. Notre parcours se déroule sans problème : les cascades toujours aussi esthétiques où nous faisons un petit arrêt-photo, le passage en RD après la sortie de la forêt quand le ravin se rétrécit en largeur et devient plus profond et la nouvelle traversée finale à l'arrivée sous les bergeries. Derrière nous, depuis le départ, vue permanente sur le Monte Saltare que nous avons prévu de faire demain. Le temps est beau, encore plus que les premiers jours... Nous sommes chanceux !

Le site des cascades de Laoscella La montée dans la zone forestière

Derrière nous, depuis le départ, vue permanente sur le Monte Saltare...

Partie supérieure du ravin de Laoscella Partie supérieure du ravin de Laoscella

Nous atteignons les bergeries à 8h00. Le site est toujours aussi beau et impressionnant, à l'entrée du ravin menant vers le cirque de Tondu sous le col des Maures et sous la Grande Barrière à laquelle nous allons accéder par le couloir de Serra Pianella qui démarre sur l'autre rive du ruisseau en face des bergeries.

Les bergeries de Laoscella

Le cirque de Tondu et le col des Maures Les bergeries de Laoscella

En route pour Serra Pianella depuis les bergeries de LaoscellaDans la foulée, nous continuons notre route pour rejoindre le couloir de Serra Pianella. Après la traversée du ruisseau, une sorte de vire en oblique de gauche à droite permet normalement de rejoindre le couloir à la verticale du ressaut rocheux par lequel il tombe dans le ruisseau de Laoscella. Cette vire n'est pas si simple à parcourir et, trompés par quelques cairns mal placés, nous empruntons une variante un peu aérienne et malaisée. Nous rejoignons finalement le couloir que nous escaladons sur sa RD au-dessus des Vers le milieu du couloir de Serra Pianella premiers névés en profitant de dalles granitiques bien lisses et polies mais à la pente négociable. Derrière nous, maintenant, nous apercevons très nettement le couloir de Bocca Scaffone qui descend depuis la crête Capu Rossu - Capu Scaffone : si le couloir lui-même semble difficilement praticable pour un randonneur, une vire à droite (Nord) le longe en zigzaguant et paraît ménager une voie de montée abordable jusqu'à ce col...

Sur la vire oblique rejoignant le couloir de Serra Pianella : le cirque de Tondu et Bocca di I Mori

Arrivée aux premiers névés du couloir de Serra Pianella

Un peu plus haut, nous rencontrons les premières haies d'aulnes et surplombons un immense névé lové au centre du couloir. Le franchissement des aulnes ne pose pas trop de problèmes, facilité par de nombreuses trouées les traversant.
Plus haut, à la sortie des aulnes, une harde de mouflons, mâles et femelles, est en train de s'ébattre par petits groupes et nous laisse largement le temps de les observer au-dessus de nous et de les photographier...

...et surplombons un immense névé lové au centre du couloir

Les mouflons du couloir de Serra Pianella Les mouflons du couloir de Serra Pianella

Nous abordons enfin le dernier tiers de la montée qui nous a semblé facile jusque là. Mais, maintenant, elle se corse car la pente vire à une raide montée d'éboulis. Générés par les éboulements fréquents dans ce coin, les blocs sont éclatés, fissurés, de toutes tailles et posés le plus souvent en équilibre précaire : même à la montée, la progression n'est pas facile et demande de l'attention et on se dit que la descente posera encore plus de problème. En escaladant un petit ressaut, Olivier agrippe de la main droite un gros bloc de plusieurs dizaines de kilos qui bascule sur lui, sans toucher le haut du corps mais en écrasant le bout de son pied en fin de course. Comme je suis décalé sur la droite, je ne suis pas concerné par la chute du bloc, mais je vois que mon coéquipier essaie de surmonter difficilement la douleur causée à son gros orteil... Au bout d'un moment, elle se calme un peu et il réussit à marcher de nouveau. Avec le recul, il a finalement eu de la chance que le bloc ne soit pas tombé 5cm plus loin sur les os du pied, causant sans doute des fractures compliquées et une incapacité à la marche. On s'imagine mal en train de se faire secourir dans le haut de ce couloir dangereux et désert ! Et comment prévenir les secours ? On s'apercevra plus tard que le réseau passe à Bocca di Serra Pianella et à la pointe Lejosne, mais il était préférable de ne pas avoir à s'en préoccuper...

Dans le tiers supérieur du couloir de Serra Pianella

La fin du couloir de Serra Pianella avec la pointe Lejosne tout à droite

La fin du couloir est assez paumatoire et j'ai du mal à visualiser par où il faut passer, mais, finalement, en suivant la voie la plus logique, nous ne nous trompons pas et arrivons à Bocca di Serra Pianella à 10h05, après environ 2 heures de montée depuis les bergeries.
Toujours aussi beau temps sans nuage : c'est rare dans ce coin où l'un des versants est souvent pris par les nuées (cf. Vires trompeuses et arêtes abyssales : un récit d'errances niolines...).

Arrivée à Bocca di Serra Pianella face au versant du Niolu avec les Cinque Frati

Arrivée à Bocca di Serra Pianella face au versant Filosorma avec la crête Capu Rossu - Capu Scaffone

Au vu de l'heure encore matinale, nous décidons d'essayer de monter au sommet de la pointe Lejosne. Personnellement, je n'ai aucune information sur le sujet, n'ayant pas lu le topo de la montée et si Olivier l'a déjà faite c'est par une voie détournée. D'ici, il faudrait monter par un couloir en face Nord, mais difficile de voir comment l'atteindre. Après quelques essais d'escalade d'Olivier à droite de l'arête partant du col, Escalade de la pointe Lejosne je le convainc d'essayer plutôt par la gauche, en contournant la pointe rocheuse et en rejoignant une brèche derrière. C'est effectivement plus facile par là et une escalade sans difficulté de 80m de dénivelé (quelques cairns) nous mène au sommet où nous attend un superbe panorama. Il est 10h45...

Sommet de la pointe Lejosne : Paglia Orba et partie finale de la Grande Barrière

Sommet de la pointe Lejosne : Paglia Orba et partie finale de la Grande Barrière Sommet de la pointe Lejosne : versant Niolu avec les Cinque Frati

Sommet de la pointe Lejosne : la Grande Barrière vers le Nord avec Capu Tighjettu, Punta Minuta et Cintu

Fleurs de montagne (Immortelles des Frimas) Retour au col à 11h15... Nous prenons le temps de boire et de nous restaurer légèrement avant de nous préparer ensuite pour la descente que nous démarrons à 11h50. Comme prévu, la descente des éboulis s'avère un vrai calvaire, aggravé par le souvenir de l'accident de la montée qui nous paralyse quelque peu ! Difficile de tenir debout dans ces blocs instables et dans cette pente très chaotique. Heureusement, Olivier n'a pas l'air de trop souffrir de son orteil et progresse sans trop de douleurs. Pour une fois, nous sommes contents de retrouver les aulnes, mais la suite de cette descente ne me laissera pas de bons souvenirs avec des genoux souffrant énormément. Seule distraction de la descente : un couple d'aigles qui folâtre longuement en face de nous et dont nous apercevons les ombres sur les parois...
La fin de la descente est plus facile et nous rattrapons la vire oblique finale où nous trouvons un passage plus aisé qu'à la montée. Nous sommes aux bergeries à 13h25. Bien entamés, nous nous reposons et prenons le temps de déjeuner...

Début de la descente du couloir de Serra Pianella

Dans la descente du couloir de Serra Pianella Le bas du couloir de Serra Pianella avant d'emprunter la vire oblique

Descente de la vire oblique de Serra Pianella en vue des bergeries de Laoscella Retour au ruisseau de Laoscella face au cirque de Tondu et au col des Maures

Dans le haut de la descente du ravin de Lasocella avec le Monte Saltare en face Redémarrage à 14h00 pour la descente du ravin de Laoscella. Pas de problème jusqu'aux cascades où, après avoir descendu la petite falaise qui suit sur la RG, Olivier me propose d'aller faire directement le Monte Saltare avant de retourner à la bergerie, plutôt que le lendemain comme prévu. Je dois dire que sur le coup sa proposition ne m'enchante pas, vu l'état de fatigue déjà bien avancé dans lequel je suis. Je commence par décliner et n'accepte de le suivre que lorsqu'il me dit qu'il vaut mieux qu'il fasse le Saltare aujourd'hui, car il n'est pas trop sûr que son orteil ne le fera pas souffrir demain.
Dans la traversée Laoscella - Saltare Et nous voilà repartis pour une belle galère complémentaire, car il n'est pas si simple que cela de se rendre dans le couloir du col de Saltare en traversant en ligne de niveau entre les deux ruisseaux. Tout commence bien pourtant : nous obliquons à droite et entamons la ligne de niveau vers 1120m dans un sous-bois bien dégagé et aimable. Achille nous dira plus tard qu'il existe un vrai sentier entre les deux ruisseaux, mais il semble bien qu'on l'ait raté ! Dans notre cas, c'est l'arrivée au-dessus du Saltare qui nous réserve des surprises : pente très raide sur le ruisseau en RG, arbousiers et bruyères à traverser au sommet de la pente (reptations !), plusieurs étages de ressauts rocheux agrémentés de maquis épineux et de ronces dans la descente vers le lit du Saltare, ... c'est grâce à une belle obstination que nous parvenons à nous tirer de ce guêpier et à traverser le ruisseau où nous retrouvons une vague sente que nous prenons pour le sentier venant de la bergerie. Nous perdons rapidement la sente, la retrouvons plus haut, la perdons à nouveau... et sommes petit à petit entraînés vers l'Est, à droite de la voie normale de montée au col que j'avais en tête. En revenant sur la gauche, nous traversons une importante zone de génêts bien épineux qui entravent la montée et nous fatiguent énormément. Bientôt le col est en vue, sous lequel nous passons pour tirer directement vers les rochers du Monte Saltare dans une végétation bien exaspérante. L'escalade finale pour rejoindre l'arête Sud puis le sommet est un bonheur comparé aux épreuves précédentes.
Arrivée au sommet à 16h30 avec pas mal de nuages qui ont envahi maintenant le ciel au-dessus de nous et gâchent un peu le panoramique exceptionnel que permet ce site...

Dans la traversée Laoscella - Saltare Dans la seule zone claire de la montée vers le col de Saltare

Sur l'arête Sud du Saltare en vue du sommet Aux alentours du sommet du Monte Saltare

Sommet du Monte Saltare : de la Combe Rouge au ravin de Saltare

Sommet du Monte Saltare : la vallée de la Cavichja vers la mer

Un bouc de montagne à la descente du Monte Saltare La descente nous réserve encore une belle série de surprises, surtout pour moi qui pensais bien connaître ce secteur où je n'étais pas retourné depuis 2008 pour la bergerie et 2000 pour le Monte Saltare. D'abord la rencontre avec un magnifique bouc de montagne à la descente des rochers du sommet : il nous a même un peu inquiétés car il nous a fait croire un moment qu'il allait nous charger. Ensuite, nous prenons la voie normale de la descente à l'aplomb du col lui-même, celle que j'avais empruntée moult fois de 1986 à 2000 et qui me semblait claire et sans végétation dans mes souvenirs. Hélas, cette voie directe nous amène à un roncier infranchissable qui nous oblige à le contourner par la gauche... où nous retrouvons nos genêts de la montée !! Ce roncier est pourtant situé dans un sous-bois sous pinède qui devrait l'empêcher de pousser ! Et ce n'est pas fini, car, plus bas, nous retrouvons notre sente de l'aller qui est bien la fin du sentier en provenance de la bergerie : cela est plus conforme à mes souvenirs car le sentier s'arrêtait à proximité du ruisseau à la verticale du col. Mais, ensuite, au lieu de retrouver un sentier propre comme il l'était autrefois, nous parcourons une sente assez innomable, même pour des habitués comme nous, que nous arrivons même à perdre plusieurs fois avant de rejoindre la bergerie à 17h50.
Et bien, pour la seule randonnée praticable du Haut-Filosorma, c'est une surprise pour moi de constater qu'elle est aussi peu fréquentée (encore moins qu'auparavant ?) et que "Corse sauvage", malgré la forte publicité que je lui ai faite, n'y a pas attiré les hordes de randonneurs dont certains m'avaient menacé il y a quelques années !
Dernière surprise de la journée : j'ai laissé mon appareil photo aux bergeries de Laoscella lors de notre déjeuner sur place ! Et je n'ai pas du tout envie d'y remonter... espérons qu'un randonneur sympa me le récupérera (Panasonic Lumix, mail à postmaster@corse-sauvage.com), même si je n'y crois pas trop !

Le Monte Saltare depuis la descente Dans la descente du Monte Saltare, lys orangés entre ronciers et genêts

Le long du sentier de la bergerie de Saltare Un abri-bergerie le long du sentier de la bergerie de Saltare

...Olivier a eu un peu de mal à marcher normalement avec son pied abîmé Pas grand chose à dire sur le retour le lendemain à Monte Estremu et Barghjana, sinon qu'Olivier a un peu de mal à marcher normalement avec son pied abîmé et que nous avons tout lieu de nous féliciter d'avoir fait le Monte Saltare la veille : il aurait eu du mal à le faire aujourd'hui ! Un petit essai d'exploration de la suite du sentier vers l'amont en RD de la Cavichja après la traversée du gué ne nous mène pas loin, malgré les magnifiques soutènements qui indiquent que le chemin continuait là... et les vestiges du pont (que je n'ai jamais vus) qui existent toujours un peu plus haut vers la confluence avec le Saltare.
Partis à 06h20 de la bergerie, nous sommes à la prise d'eau à 08h10 et à Barghjana au Bar des Amis vers 09h/09h30... où nous arrosons ces cinq jours de raid bien remplis et la chance d'avoir été accompagnés par une météo improbable après un mois de juin aussi pourri en Corse !

Le Monte Saltare depuis la descente

La suite du chemin RD de la Cavichja à explorer Retour à Barghjana

Pour finir le tout, un petit tour à la Maison Forestière de Piriu pour rencontrer Achille et le remercier de nous avoir donné ses informations préalables qui nous ont été si utiles...

Les alentours de la MF de Piriu

Statistiques de la journée : 9.600m en 10h20 pour 1800m de D+ et D-. On a vraiment l'impression de ne pas avoir avancé !

Carte de la Cavichja, du Saltare et de Laoscella dans le Filosorma avec le parcours du raid le 26/06/2015 (J4) Carte de la Cavichja et du Saltare dans le Filosorma avec le parcours du raid le 27/06/2015 (J5) Rappel ci-contre à gauche de cette page de la carte de la partie concernée des vallées de la Cavichja, de Laoscella et du Saltare avec le tracé du parcours du 26/06/2015 depuis la bergerie de Saltare passant par Bocca di Serra Pianella, la Pointe Lejosne et le Monte Saltare et à droite de la carte Saltare - Cavichja avec le retour à la prise d'eau de la Cavichja le dernier jour.

Vous noterez sur ces cartes la position réelle de la bergerie de Saltare que l'IGN s'obstine à placer à 950m d'altitude en amont de la confluence Saltare/Laoscella, alors qu'elle est située 60m plus bas en altitude et, évidemment, en aval de la dite confluence !

Voir les photos de la quatrième (et cinquième) journée de ce raid dans le diaporama-vidéo ci-dessous :

Diaporama "Raid Filosorma - juin 2015 - J4 et J5"