Trek Corte - Piana du 8 au 13 mai 2011 (François DESPAX & Hubert MARCHADIER)
Par PhE le mercredi 08 juin 2011, 23:37 - Randonnée - Lien permanent
Début tardif de la saison de printemps pour mon compte avec un retour retardé en Corse pour diverses raisons familiales et une reprise des activités qui démarre avec la participation à un trek organisé par François (Despax) qui nous emmenait de Corte à Piana par des variantes du Mare a Mare Nord. Je dis "nous", car ce trek, normalement pas trop dur, permettait la participation de Nicole qui pouvait enfin espérer m'accompagner en dehors des galères habituelles...
Au menu, cinq étapes pour rallier Piana, dont l'étape Marignana - Piana par "les crêtes" célèbrée par de nombreux topos et guides, et une ou deux journées supplémentaires dans la région Porto - Piana pour terminer avant le retour... Et l'accompagnement d'un groupe de huit toulonnais, habituels compagnons de randonnée du Lundi de notre organisateur varois !
Pour décrire ce trek, pas besoin de me mettre à contribution, puisque deux récits écrits me furent envoyés à l'issue de cette superbe semaine de randonnée qui s'est déroulée selon une météo comme on en connaît rarement durant les mois de mai insulaires :
- La première émane de François lui-même, organisateur en chef et principal guide sur le terrain (texte en bleu et à gauche dans le corps de l'article)
- La seconde provient d'Hubert Marchadier qui, accompagnée de son épouse, faisait partie comme nous (Nicole et moi-même) de ceux qui n'avaient pas réalisé la première partie du trek, Moriani - Corte, en 2010 (texte en rouge et à droite dans le corps de l'article)
J'ai jugé intéressant d'accoler ces deux textes en deux colonnes tout au long de l'article afin que vous puissiez mieux profiter des deux versions de ce périple...
Laissant donc agir ma paresse naturelle, je laisse ici la plume à nos deux rédacteurs-journalistes !
Crédits photos :
Hubert Marchadier, François Despax, Pierre Broche, Corse sauvage
Préliminaires :
L’an dernier, j’emmenai notre groupe amical de marcheurs hebdomadaires sur le Mare a Mare Nord, partie Est, à savoir de Moriani à Corte. A vrai dire, ce furent surtout des questions de calendrier serré qui militèrent pour cette rando hyper-classique dans la Castagniccia : en débarquant le lundi matin à Bastia, on peut sauter dans le bus Bastia-Bonifacio, se faire déposer à Moriani et enclencher immédiatement la balade. Une fois arrivé à Corte, on prend le train, même le dimanche, pour rentrer sur Ajaccio ou Bastia, et récupérer le ferry. Et puis, c’est une marche relativement facile, propre à tester l’homogénéité d’un groupe sur plusieurs jours.
Forts de cette expérience largement positive, nous nous interrogeâmes longuement sur notre trek « Corse 2011 » : eh oui, une fois le virus corse attrapé, il est difficile d’en guérir, même d’une année sur l’autre. Nous disposions d’une semaine quasi-complète, et après avoir caressé plusieurs projets dans le sud, nous décidâmes que le plus naturel était de …continuer le Mare a Mare, en y apportant toutefois quelques variantes dues à mon expérience personnelle :
- éviter Calacuccia et Albertacce : trop de sentier le long de la route, et puis je connaissais déjà pour y être allé plusieurs fois ;
- après l’incontournable hôtel Castel di Vergio, ne pas descendre sur Evisa (itinéraire maintes fois emprunté), mais gagner directement Marignana ;
- et surtout, terminer à Piana plutôt qu’à Cargèse, par les mythiques crêtes de Marignana, plutôt que de descendre l’interminable sentier vers Revinda, malgré la magnifique situation du gîte d’E Case (ah la Pietra sur la terrasse dominant la mer…) ; de plus, la fin du sentier vers Cargèse manque franchement d’intérêt (il vaut mieux, si la saison s’y prête, aller faire une bronzette sur la plage, et rejoindre Cargèse après).
Malgré ces aménagements, était-ce encore du « Corse sauvage » ? Je décidai quand même de convier Philippe à ce trek sur sentiers balisés (ou cairnés) : il me dirait bien si la proposition lui agréait… Surprise, il accepta tout de suite (un peu poussé par Nicole, ravie d’échapper aux aller-retours dans le piquant maquis ?), en me faisant judicieusement remarquer que les sentiers « non-sauvages » seraient pour lui une découverte.
Arrivée en Corse :
Donc un beau matin d’un dimanche de mai, nous débarquons à huit du ferry à Ajaccio, pour rallier Corte par le TGV (train grandes vibrations, comme on le nomme là-bas), sur cette ligne de chemin de fer dont je vante à l’avance aux néophytes les ouvrages d’art et les points de vue vertigineux : déception, en raison de « travaux sur la voie », le train est remplacé par un bus, de taille suffisante pour embarquer tous les voyageurs (nous verrons in fine que ce détail a de l’importance). Le bus se fait un point d’honneur à respecter strictement les horaires du train, inutile de dire que nous n’attrapons pas de crise cardiaque. A Corte, jonction avec les Evrard venus en voiture de Ste Lucie, nous profitons sans vergogne de leur véhicule pour gagner le départ du sentier : un bon kilomètre de macadam évité !
De nouveaux initiés racontent leurs aventures en Corse
Ce premier samedi du mois de mai, sac au dos et en tenue d'explorateur, nous disparaissons
furtivement dans l'obscurité de la nuit qui vient de tomber. A l'entrée du port de Toulon,
nous nous joignons à une bande de "jeunes furieux" de notre genre qui embarquent à destination
de Kallisté.
Dimanche : Arrivée à 7h du matin à Ajaccio. Nous devons prendre le train pour Corte, mais la liaison n'est plus assurée par le train depuis des années, les nouvelles machines spécialement construites pour cette ligne n'étant pas compatibles avec la voie (il était temps de s'en rendre compte !). Le trajet s'effectue donc par autocar, de gare en gare, trajet sportif pour le chauffeur comme pour les passagers! A la sortie d'Ajaccio, nous récupérons une composante importante de notre fine équipe, corses d'affection, les bras chargés de provisions. Après avoir traversé le col et la belle forêt de Vizzavona et passé sous le Monte d'Oro enneigé en son sommet, nous arrivons en fin de matinée à Corte. Belle petite ville du centre de la Corse, sagement étalée au pied de son antique citadelle. Là nous sommes accueillis par nos nouveaux amis, corses d'adoption, spécialistes de la Corse Sauvage, qui viennent renforcer le staff.
Etape 1 : Corte - Sega
Ayant pourtant déjà parcouru ce tronçon Corte-Sega, j’avais oublié comme il était beau : voie ancestrale, magnifiquement bâtie, on imagine les troupeaux descendant du Niolo pour l’hiver. Le sentier monte régulièrement en dominant le Tavignano, ménageant de temps à autre des points de vue vertigineux ; la citadelle s’amenuise, finit par disparaître à la faveur d’un virage. Il y a des fleurs partout qui font la joie de Pierre, notre botaniste en chef.
Ce sont nos premiers pas avec une telle charge, notre allure est modérée ; nous atteignons la passerelle au bout d’environ 3 heures ; après, le sentier monte encore plus résolument, suivant la pente du Tavignano. Nous repérons au passage le sentier qui mène à Alzo après le franchissement du Castagnolu, et parvenons enfin au gîte de la Sega après 6h30 de marche, pause et déjeuner compris.
Le gîte-refuge de la Sega eut une histoire mouvementée : construit, dynamité, reconstruit, il mit quelques années à être « inauguré ». Mais enfin il se dresse fièrement au milieu des sapins, avec sa grande salle de séjour carrée entourée de dortoirs et sanitaires de taille humaine. Sa proximité de Corte, sa position sur le Mare a Mare fait qu’il est très fréquenté : du coup l’accueil est du genre militaire, et la propreté laisse parfois un peu à désirer. De nombreuses affiches rappellent que le ravitaillement est assuré, depuis la Bocca a l’Arinella, par des chevaux, manière de dire qu’on ne peut être aussi exigeant que pour un gîte accessible en véhicule à moteur. Sont-ce les équidés, le chien, bref malgré les draps de soie, plusieurs d’entre nous furent cruellement boulottés par des bestioles non identifiées…
De Corte, nous avons remonté la vallée du Tavignano, parallèle à la très
célèbre Restonica, mais plus sauvage paraît-il. Après une après-midi de
marche dans un décor montagnard accidenté et boisé, nous arrivons dans la
soirée au refuge de Séga.
Un bâtiment moderne médiocrement tenu par son gérant corse qui "se la joue" en en rajoutant un peu. Sur la terrasse au-dessus du torrent, nous partageons une Pietra (bière corse à la châtaigne) qui deviendra traditionnelle chaque soir au cours de notre aventure.
Nous partageons le gîte avec un autre groupe de jeunes agités et bruyants. En dépit de leur "bruit de fond", de l'étroitesse, de l'inconfort et de la propreté douteuse des lieux, la nuit est tout de même réparatrice. Extinction des feux à 21h30. Au choix : Sudoku avec frontale ou concert (de ronflements).
Etape 2 : Sega - Casamaccioli
L’étape du lendemain doit nous mener à Casamaccioli, variante de Calacuccia ou Albertacce aux environs du lac. C’est une étape courte, et Pierre avait eu l’idée de la rallonger un peu en continuant à remonter le Tavignano jusqu’à trouver le sentier montant à la Bocca Cappizzolu : choix judicieux, cette vallée du haut Tavignano est superbe, le fleuve cascade de vasque en vasque, dommage qu’il fasse encore frisquet pour s’y revigorer. Quelques belles chutes d’eau du Tavignano ou de ses affluents réjouissent l’œil.
Le sentier est en rive gauche cette fois-ci ; au bout d’un peu plus de 2 km, il parvient, juste après un ruisseau à franchir à gué, à une vaste prairie : surtout ne pas franchir le ruisseau, mais le remonter « au mieux » (le passage n’est pas très aisé, mais s’opère sans difficulté majeure) en rive gauche, jusqu’à une passerelle où l’on retrouve, au point coté 1455 sur IGN, le sentier qui monte à la Bocca Cappizzolu ; à partir de là, pas de difficulté, le sentier est correctement jalonné et cairné. Il monte en balcon le long du Capu a la Candela et, par endroits, on retrouve la vue sur la citadelle de Corte, bien lointaine : on a fait du chemin depuis hier ! A la Bocca, découverte des sommets enneigés de la chaine du Cinto, toile de fond somptueuse de la vallée du Golo et du lac de Calacuccia : beau lieu de pique-nique que nous ne manquons pas d’honorer.
La descente sur Casamaccioli emprunte un joli sentier, aux lacets bien réguliers, qui coupe de temps à autre la large piste d’accès aux bergeries de Conia. L’arrivée au village est plus aléatoire, il semblerait que nous ayons manqué, portés par les marques de l’ancien jalonnement, le tracé actuel qui emprunte la piste sur les derniers km : on n’est jamais assez le nez dans les cartes !
Ah, le gîte de Casamaccioli ! Il remplace l’ancienne école bâtie sur chacun des deux bas-côtés de l’église du village, dédiée à la Vierge, haut lieu de pèlerinage très festif, d’après les récits. A droite, le dortoir (8+4 places, 2 WC, 3 douches, une grande salle d’eau, le tout d’une propreté exemplaire) ; à gauche, la salle à manger, et une cuisine attenante très bien équipée. Les escaliers d’accès sont un peu raides, ça tire dans les jambes après la grande descente, malgré les étirements professionnels de Monique. Madame Ingrand, notre charmante hôtesse, aidée de son mari, nous y accueille avec le sourire, et nous donne rendez-vous pour le dîner. Entretemps, le Père C.,en villégiature dans sa maison de Castifao, nous a rejoints pour nous dire la messe dans l’église toute repeinte de neuf : le matériel et le spirituel….
Quel dîner ! Il est vrai que nous avions été « recommandés » par un enfant du pays, mais quand même ! Soupe corse, quiche, sauté de veau, niolo et tarte meringuée, arrosés d’un excellent vin corse, achèvent de nous rendre béats : nous ne dinerons plus comme cela durant le trek ! Bref, une étape à ne surtout pas manquer.
Lundi : réveil à 07h00, petit déjeuner, départ à 8h00, sous un beau soleil levant.
Nous poursuivons la remontée de la haute vallée du Tavignano qui
commence par la traversée d'une forêt de très grands pins laricios.
Nous sommes des nains au pied de ces formidables géants de la nature vivante.
Cascades, chutes d'eau, puis nous nous élevons au dessus de la forêt pour atteindre un cirque d'altitude qui offre un beau panorama sur le massif. Puis nous passons sous le Capo Facciato (2117m) et le Capo di a Candela (1802m) où nous traversons la chaîne en direction du Nord Ouest. Pique-nique avec vue panoramique sur la large vallée du Golo et les dentelles du massif du Cinto (2706m) et, plus près de nous, de Paglia Orba (2525m). Puis nous fondons tout droit sur le village de Casamaccioli au bord du lac de Calacuccia qui s'offre à la vue durant toute notre descente. C'est à Casamaccioli que nous attend notre gîte aménagé dans l'ancien presbytère (?) au dessus du bas côté de l'église. Messe du père CARLI 86 ans, varois en villégiature dans son village natal. A l'issue, nous prenons une Pietra "en famille" à l'estaminet voisin avec le célébrant, ses accompagnateurs et quelques villageois. Avec ses grandes maisons de granit doré bien taillé, le beau village de Casamaccioli n'est pas sans rappeler, par certains côtés, ceux de la Cerdagne. Mais, excepté les cochons à la robe rose et noire, nous n'y avons pas rencontré grand monde : c'est un désert, bien entretenu certes, mais un désert tout de même.
Au demeurant, l'accueil est fort sympathique et hospitalier au coeur de cette Corse profonde. Notre hôtesse nous a préparé un excellent dîner traditionnel qui nous est servi par son mari à l'étage de l'autre aile de l'église. Très bons vins. Le fromage est offert par l'ami d'un des nôtres, une fortune du pays qui n'habite pas sur place mais, grand seigneur, nous marque son hospitalité à l'occasion de notre passage sur ses terres. Excellents fromages, dont l'un se présente sous l'apparence d'un pain de mastic (de plastic diront certains), mais avec un fumet et une saveur d'exception : la moindre miette absorbée emporte la bouche des plus téméraires... rire aux larmes !
Etape 3 : Casamaccioli - Castel di Verghju
Nous reprenons notre Mare a Mare le lendemain, vers le col de Vergio (plus exactement l’hôtel-gîte Castel di Vergio, à un bon km à l’est du col). Le parcours est d’une simplicité biblique, puisque nous suivons les marques du Mare a Mare. Après avoir franchi le Viru au pont de Muricciolu, admiré les installations de l’ancien moulin, nous montons de façon résolue et régulière en balcon sur les pentes de la Punta di a Scupiccia. Pierre avait prévu une « variante Radule » pour satisfaire les envies GR 20 de Jean-Bernard ; en fait, la variante n’en était pas une car depuis peu ( ?), le Mare a Mare qui passait auparavant aux bergeries de Tillerga, fait en version nominale le crochet par les bergeries de Radule – ce qui au passage n’arrange pas la surfréquentation du GR 20.
Nous pique-niquons au gué du Logiorone, endroit idyllique pour cette activité ô combien importante dans la journée du randonneur, parvenons à la célébrissime cascade, montons encore pour retrouver le GR et
franchir le Golo sur la passerelle ; après, c’est du « courbe de niveau » jusqu’à l’hôtel, en fait ça n’arrête pas de monter et de descendre, de tourner à droite et à gauche dans une forêt peu spectaculaire, cette partie du GR n’est en vérité pas très excitante.
Surprise : l’hôtel a été complètement rénové, et pris en main par la nouvelle génération : du coup l’accueil est agréable, cela nous change du vieux grigou – au demeurant fort pittoresque - d’antan. Les prix s’en ressentent, mais au moins on est bien logé !
Mardi matin : Départ à 9h00. Jacqueline, Corse par alliance, venant d'Ajaccio,
n'a pas hésité à se lever très tôt matin pour venir se joindre à notre bande de furieux
pour les deux prochaines étapes.
Nous traversons la queue du lac de Calacuccia sous le village d'Albertacce,
puis filons en direction sud-ouest sur le sentier du "tour de garde",
véritable balcon sur cette large vallée du Golo. Traversée de belles forêts.
Déjeuner sur le roc, dans le lit d'un torrent, les pieds dans le courant
d'une eau aussi limpide que rafraîchissante. Deux grenouilles tentent de
nous jeter un sort, mais pour cette fois, c'est raté.
Dans l'après-midi, nous traversons "le cimetière des géants" : quelques hauts spécimen de pins
Laricios sur leur déclin, dont certains, à terre, sont encore plus grands morts que vifs :
trente mètres de fût, près de 2m de diamètre à la souche !
Nous approchons de la cascade de Radule qui se jette du haut d'une masse rocheuse
de près de 50m de haut.
Non loin de là, un fantôme de bergerie perdue dans le paysage minéral. Nous découvrons la cave à fromage d'une bergerie corse, une petite pyramide tronquée de pierre sèche dans laquelle on entre par un "trou d'homme". Le sentier se poursuit entre pins laricios et bouleaux (une espèce importée du continent, comme on s'en doutait): le feuillage de ces tortueux bouleaux donne une belle lumière verte dans le soleil du soir.
Nous faisons étape à l'hôtel de Vergio pour une nuit réparatrice.
Etape 4 : Castel di Verghju - Marignana
Le mercredi, nous plongeons un peu dans l’aventure : le GR nous accompagne sur le beau chemin de ronde du Valdu Niellu, la Schwarzwald de Corse, puis au col St Pierre (Bocca San Pedru comme le nomme les nouvelles cartes de l'IGN, qui fait des efforts linguistiques louables). Ici, nous quittons le monde du balisage : notre but est de gagner directement Cristinacce, en empruntant d’abord le sentier sud-ouest souligné en rouge sur IGN, puis d’obliquer vers les bergeries de Capelacce pour gagner le vallon de la Tavulella et rejoindre directement le village, le sentier nominal nous obligeant à parcourir environ 2 km de macadam sur la D70. Pas de difficulté pour trouver cette trace : le GPS, la ligne HT qui sert de repère, et les cairns bien présents nous permettent de nous débrouiller fort honorablement dans une topographie finalement assez simple : nous shuntons même la montée-descente aux bergeries. Nous trouvons facilement le joli sentier qui longe le cours d’eau en rive gauche, prolongé après un gué par une piste en rive droite. Nous comptions marcher les pieds dans l’eau, en fait la piste domine généralement la rivière, dont les accès sont peu nombreux ; Hubert nous en déniche quand même un, pour un pique-nique ombragé et frais ; Véronique en profite pour s’immerger dans une vasque, où elle ne reste pas longtemps…
Nous repartons gaillards de cette halte bienvenue ; la piste nous mène sur la D70, à l’entrée de Cristinacce. Nous trouvons bientôt de l’autre côté de la route le sentier qui mène à Tassu et Marignana, et qui commence par descendre résolument vers la rivière que nous avons quittée après le déjeuner : superbe chemin, malheureusement transformé en terre de Verdun par les cochons en liberté . Après avoir traversé le village fantôme de Tassu, nous parvenons au gîte de Marignana, où règne un aimable désordre, ce qui n’empêche pas un accueil cordial et sympathique. La Pietra coule à flots, d’autant que le deuxième service, assuré par Philippe, se solde par un grand chamboulement de bouteilles. Nous restaurons nos forces avec une excellente omelette au brocciu.
Mercredi matin, nous reprenons le superbe sentier du "tour de garde" qui
nous mène vers le col de San Piero à travers une forêt de hêtres tout
aussi géants que les laricios, moins hauts certes, mais plus larges.
Dans leur feuillage naissant, le soleil du matin distille une lumière
presque fluorescente.
Au col de San Piero, nous sommes sur la ligne de partage des eaux. A
l'ouest, le golfe de Porto est à moins de 20km mais nous ne l'apercevons
pas encore. La végétation change, le paysage devient plus sec, les
terres plus arides, bien qu'encore très vertes pour la saison. Nous
descendons la vallée de la Tavulella. Pique nique au bord de l'eau.
Après avoir dépassé Cristinacce, autre village fantômatique accroché au flanc de la vallée, nous suivons sur une longue distance un chemin entièrement défoncé par les cochons sauvages. Quel dommage ! et quelle énergie perdue par ces "charrues à jambons" ! Au soir, nous atteignons Marignana. Gîte à l'auberge d'un autre "village fantôme".
On se distrait comme on peut, jeu de quilles par exemple : l'un de nous a réussi à faire chuter toutes nos bouteilles de Pietra réunies sur un même plateau sans en casser une seule ! Un bon moment de détente inattendu. Adieux à Jacqueline et Edgar qui regagnent Ajaccio. Visite du village. Ici est né le découvreur de la Mauritanie. Là vécut un des grands résistants corses. Sans oublier les quelques autres gloires du lieu, dont une bonne cinquantaine de morts pour la France dont les noms figurent à l'entrée de l'église. Une hécatombe dont le village ne s'est jamais remis.
Etape 5 : Marignana - Piana
J5 : notre étape-phare, les crêtes de Marignana. Nous partons, suivant les recommandations, avec un maximum d’eau… sauf exception. Le parcours démarre avec le Mare a Mare, que l’on quitte environ 500 m après le stade pour engager d’abord la piste, puis le sentier des crêtes. Pas de réelle difficulté d’orientation, le cheminement est évident ou bien cairné. Le temps est toujours ensoleillé et léger, favorable à une avance régulière. Nous passons devant ce qui reste de la chapelle de Santa Degna. Le paysage se dégage progressivement,la neige qui persiste sur les sommets nous aide à repérer les belvédères de Corse : Paglia Orba, Monte d’Oro, le Rotondo est encore caché. Un parcours de flanc sur le Pulmunaccia, et nous apercevons,après la bocca de Femina Morte, l’extraordinaire chemin d’accès à la mine, qu’on dirait bâti d’hier. A la bocca, Philippe, qui a oublié de remplir sa gourde, descend d’une cinquantaine de mètres au nord, par le sentier d’accès au col, et comme annoncé par notre hôte de la veille, trouve la source aménagée, qui ne coule que faiblement, malgré l’abondance des pluies de l’hiver : l’été, il ne faut sans doute pas trop compter dessus…
Après la montée sur la « route », coupée par un petit passage équipé d’un câble, quoique non réellement vertigineux, le sentier se poursuit « comme sur la carte ». Nous sommes strictement parallèles au Mare a Mare, que nous pourrions rejoindre à la bocca d’Acquaviva, plan B que nous avions envisagé en cas de problèmes sur les crêtes. Nous déjeunons mollement allongés dans l’herbe de la bocca a u Fussu. La suite du sentier est indiquée par un énorme arbre mort, unique au milieu du maquis : le contourner « au mieux » par la gauche, et retrouver la ligne de cairns qui monte schuss, et suit fidèlement la crête. La vue est à présent somptueuse, on voit jusqu’à l’Incudine. Nous arrivons au seul endroit du parcours qui requiert un peu d’attention : après le capu a u Curnacchia, gagner le col coté 1066 sur IGN en contournant le dernier relief par la gauche : la descente est raide, mais praticable ; repérer en face la ligne de cairns qui monte plus ou moins en lacets dans un couloir pierreux ; arrivé à un cairn un peu plus gros que les autres (il ressemble à une ruine de muret), repérer sur la droite un cairn qui indique le cheminement pour sortir du couloir : il mène en courbe de niveau aux ruines de la bergerie du Vitullu, dont on s’échappe par un sentier nord-ouest ; nouvelle petite descente à flanc, puis raide mais courte remontée au col sous la cote 1161 de la carte, où l’on rejoint d’ailleurs le sentier qui monte au Vitullu. A partir de là, plus de problème, on redescend par le sentier en lacets jusqu’à l’ensemble des chemins du massif du Capu d’Orto, fort bien balisés. Rallier Piana n’est plus qu’une formalité. Partis à 8h15 de Marignana, nous entamons la Pietra de la victoire à 17h30, sans nous être spécialement pressés : étape de 20km, physique mais sans excès. Mais surtout, époustouflante par la vue permanente dont on jouit là-haut. Nous fêtons notre arrivée sans encombre par un dîner en terrasse à Piana, village propre et harmonieux, pas encore envahi à cette saison. J’avais renoncé au gîte, qui n’offrait pas de petit déjeuner et prétendait me faire régler d’avance l’intégralité de la location ; l’hôtel Mare a Mare offre un hébergement très honorable à des prix raisonnables, et un accueil fort souriant.
Jeudi, c'est la "Grande Traversée". Après une bonne nuit sans air (à dix
dans un modeste deux pièces), nous quittons les lieux au petit jour.
Direction Piana, mais par la montagne. Et quelle montagne ! Montée dans
la châtaigneraie dont nous avons rencontré quelques beaux sujets la
veille. Puis la ligne de crête, quoi de mieux pour admirer la côte qui
nous apparaît enfin, montagneuse et très découpée, dans un dégradé bleuté à l'infini.
Beaux points de vues aussi sur la plupart des massifs de l'intérieur du pays.
Nous passons au Capo a la Polmonaccia (c'est toujours bon pour les poumons...)
puis nous montons à la mine sous le Capo Macendole.
Un beau chemin muletier perdu dans les hauteurs, loin de tout, construit
au siècle dernier à flanc de montagne, pour exploiter une mine... minuscule !
Après le pique-nique suivi d'une courte sieste face à la vallée de Porto,
nous reprenons la marche pour de nouvelles aventures...
Hier, depuis le gîte, nous apercevions une haute montagne fantastique,
très découpée, se détachant sur le soleil couchant. Notre chef nous dit alors :
"demain nous passerons par ce V qu'on aperçoit en haut de cette montagne".
Quelle plaisanterie... Eh bien non! il fallait absolument qu'il nous conduise
au pied de cette muraille pour nous la faire franchir!
Et ça a commencé par une descente passablement scabreuse
d'où nous avons eu tout le loisir de nous interroger avec inquiétude sur
un impossible chemin à ouvrir dans la paroi verticale qui allait suivre.
En montagne, la verticale n'est heureusement pas ce qu'elle paraît être
de loin. En réalité, nous avons cheminé en montant lentement dans un
paysage fantasmagorique de roches rouges torturées et sculptées en tous
sens, suggérant des formes aussi bien humaines qu'animales, un paysage
magique, ensorcelé, à la manière de certains rochers bretons ou des
"Encantats" catalans.
Après ce passage dans un univers fabuleux, nous revenons sur terre en descendant un très long chemin rocailleux puis forestier, qui nous amène tranquillement vers la calme et heureuse Piana.
Calme et heureuse dans un site grandiose, avec vue imprenable sur le golfe de Porto. Visite du village. Un bon hôtel, des restaurants, des cafés pour l'incontournable Pietra, avec toujours la vue sur le golfe en toile de fond. On se laisserait séduire pour moins que ça.
Jours 6 et 7 : Journées supplémentaires à Piana
Les deux journées suivantes nous permirent d’effectuer les randos classiques du coin, d’autant que nous disposions de voitures : aller-retour sur le Capu Rossu (pour l’aller, je vous recommande la « voie directe » pilotée par Philippe, aérienne à souhait), baignade (brrr !) et pique-nique sur la plage de l’Arone, excursion au « château-fort » des calanche de Piana, circuit par le col Piazza Moninca, le tout ponctué de force Pietra, Colomba ou autre Serena, et de plats corses reconstituants. Dernière émotion avant de partir le samedi après-midi par le bus régulier sur Ajaccio : il affichait complet ! Il faut savoir qu’en mai, la compagnie ne met en service que des minibus qui, s’ils sont suffisants en semaine, ne le sont manifestement plus le samedi, jour traditionnel de départs et d’arrivées. Un opportun taxi nous tira d’affaire et nous ramena à Ajaccio, largement à temps pour une soirée conviviale au resto et l’embarquement vers minuit.
Vendredi, c'est les vacances ! Nos Cicerone se contentent de nous
divertir par quelques excursions. Hier, du haut de nos montagnes, on
devinait au loin, tout en bas, une minuscule tour génoise au bord de
l'eau. C'est là que vont nous conduire les spécialistes de la "Corse
Sauvage". Facile! On commence par descendre. Puis on remonte par un sentier de
plus en plus scabreux qui finit par du vertigineux : ce n'est pas haut,
juste une petite centaine de mètres au dessus du niveau de la mer, mais
dans un paysage à couper le souffle ! le vide aussi nous coupe le souffle...
et nous met les jambes en coton !
Parvenus au sommet d'un piton rocheux séparé de notre tour génoise par
une échancrure imprévue vraiment verticale, nous devons redescendre quelque peu
pour reprendre à la fois une voie plus raisonnable et tous nos esprits.
Photo souvenir des baroudeurs à la tour génoise. Puis descente à
nouveau et... longue remontée sous le cagnard. Monter et descendre,
pour les physiciens, c'est le principe de conservation des forces. Pour
les marcheurs, monter et descendre c'est toujours randonner.
Puis nos Cicerone nous conduisent à la plage... d'Arone, au beau sable fin
et blanc. Bain et pique-nique,... Pietra farniente au bar de la plage.
Pour être apprécié, cet intermède de bonheur et de repos complet ne
saurait durer trop longtemps.
Nous repartons pour la visite des Calanches de Piana. Ayant dormi à leur
porte, nous ne pouvions repartir sans leur faire visite. Escarpements de
roches rouges plongeant vers la mer, visite du "château fort", vue sur
les cagnons de la mort dont on ne revient pas toujours indemne !
A l'issue de cette nouvelle série fantastique, retour vers Piana la sereine.
Samedi, après une excellente nuit de repos, le séjour touche déjà à sa
fin. Après nous avoir initiés à la Corse Sauvage, nos amis nous conduisent
au départ d'une nouvelle randonnée, avant de regagner leur thébaïde
dans les terres du sud. Merci pour cette belle Corse Sauvage!
Pour occuper la matinée avant le retour sur Ajaccio, notre chef nous
mijotait depuis la veille une de ses meilleures spécialités : une petite
variante en direction de la Forêt de Piana, le Capo d'Orto, les Roches
Bleues, pique nique dans une clairière sous les châtaigniers face au
grandiose panorama du golfe de Porto. Quoi de plus sublime pour garder la
meilleure image de ce fabuleux séjour ?
Mais pour le retour à Ajaccio, catastrophe : nous sommes sur le point de
finir sereinement notre dernière Pietra de Piana sous l'oeil mi-clos de l'aubergiste
lorsque celui-ci nous annonce tranquillement, dans son meilleur accent
corse, que l'autocar ne passe pas le samedi, et que de toute manière, vu
la taille du véhicule, il doit être complet ! Comment faire ? Notre chef
n'est jamais à bout de ressources : Magie magie... le voilà qui revient
avec, sous le bras, un mini bus du village, piloté par un colosse de
Piana, du genre "Jean Pierre Castaldi". C'est formidable ! et nous voilà
de retour à Ajaccio en fin d'après midi, guidés par nos "GO" excellents
connaisseurs à travers les hauts lieux de la capitale corse : places et
avenues, Pietra sur le port, visite de la Maison natale de Napoleon,
pour finir par un dîner dans le meilleur des restaurants de la ville.
A minuit sonnante, finie la magie du pays des merveilles ! Retour très
prosaïque vers le Continent, où nous attendent
nos familles... et notre Petit Liré, pour passer le reste de notre âge.
En conclusion
En conclusion, une superbe rando, largement accessible aux sexa-septuas que nous étions, et favorisée par un temps idéal ; peu de monde, il faut dire que début mai, les risques de mauvais temps peuvent être dissuasifs : même sur les petits bouts de GR 20, nous n’avons rencontré quasiment personne: c’est dire !
Les résultats des enregistrements GPS, en km de parcours et m de dénivelé (avec toutes les réserves requises, notamment sur les dénivelés), ainsi que les cartes des parcours d'étapes sur la droite de l'article :
J1 Corte-Sega :
Visugpx : 14,75 +910 -227
Gpx-view : 14,53 +788 -169
J2 Sega-Casamaccioli :
Visugpx : 13,7 +594 -911
Gpx-view : 13,47 +468 -843
J3 Casamaccioli- Castel di Vergio :
Visugpx : 20,2 +987 -420
Gpx-view : 19,93 +883 -367
J4 Vergio-Marignana :
Visugpx : 16,67 +373 -1093
Gpx-view : 16,39 +198 -934
J5 Marignana-Piana :
Visugpx : 20,2 +971 -1233
Gpx-view : 19,89 +901 -1077
Commentaires
Merci pour ta réponse
si c'est un refuge comme sur le GR20 nous ça nous conviens très bien
penses-tu qu'il faille réserver pour les hébergements de notre rando ?
nous pensons la faire entre le 31/08 et le 08/09
@françois BERGER :

Effectivement, nous n'avons pas trouvé le refuge de Sega très top et, dans tous les cas, pas meilleur que les refuges du GR20 !
Le refuge de Puscaghja reste donc toujours de très loin le meilleur et le plus sympathique refuge insulaire...
Néanmoins, il est tout de même concevable d'y passer la nuit, même si on n'a pas envie d'y rester, et le coin est bucolique. Coucher sous tente est possible près du refuge, mais il faut la monter et bivouaquer ailleurs qu'à proximité des refuges, avec ou sans tente, est normalement interdit dans le PNRC.
Bien entendu, il est difficile de ne pas faire autrement que bivouaquer quand aucun refuge n'existe sur son parcours, ce qui est le cas de tous les circuits hors GR20, Tavignanu et Fangu/Lonca !!!
Bonnes randonnées insulaires !
bonjour
avec mon amie nous preparons pour dedut septembre Corte -Girolata
Pour la 1ere etape,quand on lit les commentaires du refuge de Sega on n'a pas envie d'y séjourner !! Corte -Calacuccia est-ce jouable?
sinon y'a-t-il un autre point de chute pour passer la nuit ? (on a une tente )
merci pour votre réponse et bravo pour votre blog
@Sylvain :
Merci beaucoup pour ce commentaire élogieux...
Bonnes randonnées insulaires !
Bonjour à tous,
Très intéressant, le compte-rendu en texte et en photos de ce trek accessible et qui donne une bonne idée de la variété des paysages rencontrés en Corse, entre mer et montagne...
En plus, vous avez eu la chance de bénéficier de 5 jours consécutifs de beau temps au mois de mai, ce qui n'arrive pas si souvent en Corse !
Point fort du trek, l'étape Marignana-Piana est de toute beauté et offre des vues sensationnelles sur le Golfe de Porto et de nombreux sommets, j'ai encore plus hâte de la découvrir un jour !
Bonne soirée !
Sylvain