Le récit de la première ascension par Robert Romanetti :

L'ascension :

Photo ancienne de la Punta di a Spusata Sorti du stage de guide endeuillé par l’accident de la Verte (14 morts), je viens en Corse pour un bref séjour. N’ayant pas de partenaire, je n’emporte pas la corde. Je suis avec mon épouse native de Vico. Nous logeons chez son grand-père et, de la maison, je vois deux choses : la Spusata, objet d’une célèbre légende, et le Monte Rotondu au fond de la vallée de Guagnu.

Je m’occupe d’abord du second : la route se termine un km après Guagnu. De là, je vais au col de Manganellu, puis à gauche la longue crête jusqu’à la pointe 2525, magnifique tas de cailloux. La suite est alors évidente : il faut descendre au lac du Rotondu puis monter au sommet (4h 45min). Je choisis de retourner par Bocca Soglia et la bergerie de Belle e Buone, l’occasion de repérer une portion du futur GR et la Punta alle Porte (la boucle en 8-9h).

Le hameau de MunaJe vais faire ensuite une reconnaissance vers la Spusata. Je décide de passer par Muna, mais il n’y a pas encore la route. Départ donc du pont entre Vico et Murzu par le sentier de Muna. Du haut du village, un sentier me conduit sensiblement au col d’où je bascule versant Vico. Avec quelques problèmes de maquis à contourner, j’arrive aux premiers rochers de mon but. Cela suffit pour aujourd’hui.
Quelques jours après, je repars avec un jeune cousin, Jacques Delfini. Nous arrivons ainsi aux premiers rochers, un peu moussus, et nous montons alors au niveau du cou de la Spusata. Je découvre là une large vire et je trouve le seul passage pour la suite : une fissure en plein milieu de la face (bien visible le soir, de Vico). Aidé par un arbuste, je rejoins facilement une niche. Le passage pour contourner le surplomb consiste à ramoner la cheminée (III+/IV), très technique, impossible pour Jacques. Au-dessus, le rocher est solide et facile pour atteindre le sommet. En redescendant, je repère une chatière communiquant avec la niche. Je fais ensuite la courte échelle à mon cousin qui se retrouve coincé dans le surplomb. Il ne me reste plus qu’à repasser le surplomb et le tirer par la chemise. Au final nous faisons tous deux la première, sans corde.

Dans la remontée depuis le col 850m et le Capu a u Lucu
Dans la remontée depuis le col 850m en vue de Punta di Curiccia sur l'autre versant
En vue du couloir W entre Punta di a Spusata et la pointe 1182m
Punta di a Spusata versant NW depuis le couloir de Tigliu (photo Olivier Hespel)

L’année suivante le jeune frère de Jacques, Christian, me demande de l’amener à la Spusata avec un de ses copains, Ange Poli, du village de Murzu. Nous partons à trois par le même itinéraire. Surprise au sommet, il y a un drapeau, prouvant que la seconde est faite. Renseignement pris ensuite, c’est un légionnaire habitant Chigliani. Pour nous, il ne nous reste plus qu’à mettre une bouteille avec nos noms (Christian avait emporté une bouteille en prévision) et redescendre. Je décide de tenter un « chemin » plus rapide : suivre l’épine dorsale de la Spusata puis le vallon qui descend tout droit vers la piste qui vient de Murzu (qui deviendra plus tard la route). Sans problème au début nous arrivons au niveau du maquis et heureusement des chasseurs sans doute ont eu la bonne idée de venir par ici.

Ensuite, j’ai dû revenir 5 ou 6 fois sur la Spusata avec plusieurs amis de Vico, randonneurs, mais pas grimpeurs, et, je crois, toujours par l’itinéraire 2. Pour l’escalade du « dos », je mettais les moins hardis sur une corde pour les rassurer. Maintenant, avec la route, je crois que les deux itinéraires sont possibles. Je pense qu’il vaut mieux essayer le vallon (emporter un sécateur). S’il y a trop de maquis, aller à Muna.

Les itinéraires :

Côté Spusata, je vais essayer de préciser mes deux itinéraires :

  1. Carte IGN Spusara avec tracé des deux itinéraires par col Nord et brèche Sud (en plein) et de la tentative par la crête du Capu di u Lucu (en pointillé) Par Muna : accessible maintenant par la route (l'ancien sentier existe encore).
    En haut du village, sentier qui passe au cimetière puis monte (en tirant sur la gauche au départ) jusqu’au col entre le Capu a u lucu et Spusata (vers la fin il s’estompe, je crois me souvenir). On passe donc versant Vico et on traverse plus ou moins horizontalement pour s’approcher du but. On monte ensuite les rochers au niveau du poitrail de la mariée. Il me semble que le rocher est moussu par endroits. On arrive ainsi à son menton où on découvre une large vire horizontale à gauche. Le seul passage est une fissure en plein milieu de la tête, d’une vingtaine de mètres. Cette fissure est bien visible de Vico, le soir au soleil rasant.
  2. Photo 3D Spusara avec tracé des deux itinéraires par col Nord et brèche Sud (en plein) et de la tentative par la crête du Capu di u Lucu (en pointillé) Par le vallon de Tigliu (le repérer, il aboutit à la nuque de la Spusata).
    Suivre toujours le fond du vallon en espérant que les chasseurs continuent à venir. Emporter de toute façon un sécateur. Plus haut le maquis disparait, on monte sous des arbres (chênes?). On est au niveau du dos de la Spusata que l’on escalade facilement (pins laricio, assurance possible, mais attention aux aiguilles de pin glissantes). On arrive ainsi à la vire, mais du côté gauche.
Photo Spusata avec les tracés des itinéraires par col Nord (n°2) et couloir Ouest (n°1)
Photo Spusata versant Ouest avec couloir W et brèche ou col Sud + Pointe 1182 : itinéraire n°1
Versant Ouest de la Punta di a Spusata (photo Robert Romanetti)

L'escalade terminale :

Versant W de la Spusata avec le tracé estimé des itinéraires Au niveau du cou de la Spusata, on trouve une large vire que l'on atteint par la droite avec l'itinéraire n°1 et par la gauche avec l'itinéraire n°2. La fissure est bien face à Vico, en plein milieu de la tête. Elle comporte un surplomb formant niche. L’ascension des premiers mètres était facilitée dans les années 70 par un arbuste robuste (houx ?). Depuis la niche du surplomb. gravir la cheminée en ramonage (III+ à IV). Au-dessus, le rocher se couche et devient plus facile (III-).

Commentaires : Robert a sans doute réussi une première avec l'escalade de cette voie en 1964, car on ne trouve Face Est de la Spusata aucune trace d'une escalade antérieure (et peu d'escalades postérieures d'ailleurs, en dehors de la seconde, découverte ci-dessus, du légionnaire de Chigliani et de celle indiquée par Fred Bruschet). D'après les explications de Robert, il semble que le maquis était moins virulent à l'époque, aussi bien dans la montée de Muna au col 850m que dans le vallon de Tigliu. Dans les années 2005-2010, ce n'était plus du tout le cas et Charles Pujos et moi-même avons été confrontés à des obstacles nécessitant des outils pour passer.
L'itinéraire préférable (itinéraire n°2) consiste à remonter le vallon de Tigliu et demande d'avoir la chance que les chasseurs soient passés récemment (comme en 1965, quand Robert a pu le faire dans le sens de la descente). Carte IGN avec la trace de l'exploration du 20/05/2018 (Olivier Hespel) Dans les années récentes (mai 2018), Olivier Hespel est allé y faire une exploration en remontant jusqu'à la crête contiguë de Punta di Curiccia et a annoté un tronçon très maquisé sur la carte de son itinéraire (cf. carte IGN à gauche et post Facebook sur Rando Explo Corse) dans la partie amont du vallon. Mieux vaut donc avoir des renseignements préalables sur l'état de la trace ou y aller systématiquement avec pinatu et sécateur.
En ce qui concerne la voie d'escalade terminale, il faut bien noter que les photos avec les schémas d'itinéraires sont là uniquement pour donner une idée du tracé possible en privilégiant l'approche, mais ne le garantissent pas. D'une part, les photos sont prises de trop loin et pas sous le meilleur angle pour qu'on se repère bien, d'autre part, des souvenirs de près de soixante ans en arrière n'aident pas à donner des précisions fiables.

A Spusata depuis le haut du couloir de Tigliu (Photo (Olivier Hespel)

Diaporama "Punta di a Spusata"

Punta di a Spusata1

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