Trek 2010 : Boucle depuis Monte Estremu autour de Paglia Orba et Tafonatu
Par PhE le vendredi 31 décembre 2010, 00:13 - Ravinisme - Lien permanent
Pour terminer l'année et avec beaucoup de retard, le récit de notre trek de ce début d'été qui nous a emmenés à nouveau dans les parages de notre couple préféré, Paglia Orba et Capu Tafonatu, au cours d'un périple où rien de ce qui avait été prévu ne s'est réalisé !
- Les prévisions : 6 à 7 participants selon la présence ou non d'Arnaud, un programme en 5 jours plutôt ambitieux Barghjana-Laoscella via Andadonna, Laoscella-Ciottulu via Serra Pianella, tour de la Paglia Orba, Ciottulu-Campu di Vetta, retour Monte Estremu par RG du Fangu ou Tana di l'Orsu.
- Les réalisations : 5 participants avec la présence d'Arnaud (-2), 3 jours communs au départ avec Monte Estremu-Puscaghja, Puscaghja-Ciottulu, vire et sommet du Tafonatu, fausse brèche du Sphinx et Paglia Orba par les cheminées de Foggiale en remplacement du tour de la Paglia Orba et scission en deux groupes, l'un continuant vers le Sud par Verghju, Ninu et le Tavignanu jusqu'à Corte, l'autre rentrant à Monte Estremu par Puscaghja.
Préparatifs et reconnaissance préalable
Pour ceux souhaitant connaître une autre version de la relation de ce raid, avec la variante allant vers Verghju en final, lire le récit qu'en fait Georges (Welterlin) sur son site à la page Ciottulu, encore...
Préparatifs et reconnaissance préalable :
La préparation du trek 2010 s'est effectuée essentiellement sur Internet, comme d'habitude, et a donné lieu à de nombreux échanges pour aboutir à un accord sur des dates (fin juin, excluant malheureusement Caro et Victor qui ne pouvaient participer cette semaine-là) et sur l'itinéraire indiqué en préambule, résultat de propositions d'Eckard et Georges et de variantes de mon cru (tour de la Paglia Orba)... En revenant bien sûr au Falasorma et au Niolu que l'on avait abandonnés provisoirement en 2009 !
Les participants prévus faisaient tous partie des expéditions précédentes (Eckard, François, Georges, Sophie, Arnaud), à l'exception d'un petit nouveau, Sylvain (Guillaumon), randonneur internaute expérimenté officiant sur TrekEarth où il y expose ses photos de randonnées montagnardes et relation virtuelle de Georges sur ce même site.
Avec un groupe nombreux, l'objectif des deux premières journées semblait très ambitieux, surtout au démarrage avec de gros sacs et des participants peu "amarinés", aussi m'avait-il semblé prudent d'aller vérifier par moi-même, en Falasorma vers la mi-juin, deux points délicats de la balade :
- La première étape de montée à Laoscella par l'Andadonna sur un parcours long et à l'orientation périlleuse, réussi en 2009 avec un accompagnateur chevronné, Achille le garde ONF natif de Monte Estremu, et difficile à réussir avec un groupe chargé si le tracé de l'étape n'était pas garanti ! Mes souvenirs de la "trace" éthérée dans la yeuseraie sous la vire me faisait craindre pas mal de difficultés pour la suivre sans encombre...
- La descente depuis Campu di Vetta sur Monte Estremu par la RG du Fangu, préconisée elle aussi par Achille mais que je n'avais jamais faite, demandant une reconnaissance préalable avant de s'y lancer avec une troupe de 7 personnes...
Profitant d'un séjour d'Eckard au gîte de Monte Estremu, je le rejoins le 16 juin au soir avec le plan d'aller expérimenter avec lui les deux points précédents. Malheureusement, il s'est blessé à la jambe gauche lors d'une tentative de raid avec un compagnon durant les journées précédentes et est incapable de marcher durablement. Il pense même devoir abandonner l'idée de participer au trek fin juin.
C'est donc seul que j'effectue les deux reconnaissances prévues, avec le bilan synthétique suivant :
- Départ de Barghjana à 09h35, démarrage de la trace peu avant la prise d'eau à 11h, 1er ruisseau à 11h35 et... fin de la course !! Après une heure de recherche, toujours aucun signe de la suite de la trace de l'autre côté du lit du torrent... Sans doute ai-je traversé trop bas ou trop haut, mais la trace est si ténue et les conditions météo si exécrables que je ne trouve pas le départ qui doit redémarrer vers l'W. En plus, je n'ai pas emporté la trace GPS alors que j'avais enregistré ce parcours.
- Départ de Monte Estremu à 08h50, 2ème traversée du Fangu avant remontée RD vers Tana di l'Orsu à 11h00, remontée directe le long du lit du Fangu jusqu'à 12h20 : je n'ai avancé que de 500m en 1h20 !
Les deux expériences précédentes m'ont clairement montré que ces deux itinéraires nécessitaient initiation et expérimentation avant d'être maîtrisés et qu'un trek, chargés et nombreux, n'était pas vraiment l'occasion idoine de s'y frotter ! Voir le compte-rendu de ces deux journées en commentaire 44 de l'article sur la préparation du trek.
Nouvel itinéraire prévisionnel proposé à l'issue de cette reconnaissance : J1 avec Monte Estremu - Campu di Vetta par Tana di l'Orsu, J2 avec Campu di Vetta - Ciottulu par col des Maures et retour, J3 pour le tour de la Paglia Orba, J4 avec Ciottulu - Puscaghja avec éventuelle descente de la crête de Silvastriccia, J5 pour le retour à Monte Estremu.
Parti de Sainte-Lucie à 16h le Vendredi 25 juin, j'arrive aux alentours de 18h au camping de l'Ostriconi, pile à l'heure pour prendre au passage Sophie, Georges et Arnaud qui viennent de s'enquiller le sentier littoral des Agriate en 24 heures, histoire de s'échauffer un peu ! Nous retrouvons ensuite François et Sylvain au gîte A Funtana à Monte Estremu pour une bonne nuit de sommeil avant le départ.
Et premiers ennuis de cet avant-trek pour continuer à chambouler effectif et itinéraire :
- J'ai oublié la corde d'assurage et Jean-Marie, le patron du gîte, ne peut m'en prêter : la prudence commande donc de modifier le démarrage par Tana di l'Orsu, la remontée de la falaise pouvant poser quelques problèmes à des non-grimpeurs, et d'aller à Puscaghja où Dumè pourra sans doute nous prêter une corde.
- Malgré ce radoucissement du parcours, François préfère nous laisser tomber par peur du niveau physique et technique des parties les plus dures du raid : nous n'arrivons pas à le convaincre de nous accompagner au moins à Ciottullu où il pourra décider à ce moment...
Et voilà comment, en ces quelques derniers jours de préparation, nous sommes passés de 7 à 5 participants et avons inversé et modifié l'itinéraire prévu...
1er jour (Samedi 26/06) : Monte Estremu - Puscaghja
Une étape facile (ou considérée comme telle...) avec démarrage à 09h30 en cette matinée du Samedi 26 juin 2010 ! Les cinq rescapés des péripéties pré-trek, chargés comme des mules (malgré le site MUL !), vont tout de même mettre 6 heures pour certains (déjeuner inclus) pour grimper à Bocca di Caprunale (1329m) par le seul sentier autoroute du Falasorma... Entre la méforme de Georges et Sylvain, les arrêts photo et déjeuner, le fait que nous ayons tout notre temps, etc..., cette montée-escargot conforta notre choix de la veille d'avoir commencé par cette étape plus facile. Par Tana di l'Orsu, cela aurait été une autre paire de manches... Et la vue au col de la raide et sauvage montée de la crête e Custole - Silvastriccia ne nous incita pas non plus à choisir cette voie pour le lendemain !
Le sentier de Caprunale ne me semble pas avoir changé par rapport à mon lointain passage précédent (en 1986) et il est toujours aussi étonnant d'y contempler les résultats de ce travail colossal qu'il a fallu pour construire ce "sentier à calèches" au Second Empire en utilisant les bagnards de l'époque. Bordé de magnifiques murets malheureusement ruinés par endroits, peu pentu, doté de multiples lacets, le sentier vous emmène confortablement à Capronale comme si ce col n'était pas situé au sommet d'un versant raide et escarpé de la crête Astenica - e Custole - Silvastriccia. Ce parcours, bien que le moins sauvage de la région, fait tout de même admirer les panoramas spectaculaires du coin, à commencer par le trou du Tafonatu depuis l'entrée de la haute vallée du Fanu au couvent de Santa Maria, les trois ou quatre sources le long de la montée, la forêt d'Omita et ses immenses chênes-verts, à l'abord du col le versant Campu Razzinu avec la vire d'Andade a u Ponte à gauche de la face W du Tafonatu et, depuis le col même, la partie supérieure de la Lonca.
Après le rassemblement de toute la troupe au col, la descente au refuge nous prend encore une bonne demi-heure pour y arriver vers 16h30 et monter les tentes dans la foulée en l'absence de Dumè, le gardien des lieux devenu célèbre depuis son Odyssée, durant la première semaine de juin dernier, d'un conflit byzantin avec le PNRC qui voulait le virer de son petit royaume hors GR20 (Cf article initial du Blog sur le sujet et les deux suivants). Peu de monde au refuge aujourd'hui : nous cinq ne sommes accompagnés que par un père et son fils pour la nuit qui vient... Dumè arrivera un peu plus tard et nous passerons pas mal de temps à discuter avec lui de la politique du PNRC, de l'itinéraire du lendemain que personne d'entre nous ne connaît, de la photographie qu'il a pratiquée en tant que professionnel et des petits malheurs de la Corse. Il a heureusement une corde à me prêter : même si elle n'est vraiment pas de la première fraîcheur, elle permettra un assurage statique éventuel dans nos périples ultérieurs. Et dire qu'on a failli perdre ce petit coin de paradis pour d'obscurs concepts sur la stricte séparation commercial-accueil dans les refuges du Parc !
2ème jour (Dimanche 27/06) : Puscaghja - Ciottulu par la Haute Lonca
Départ un peu plus matinal de Puscaghja ce jour-là à 08h45. Dumè commence par nous débarrasser d'un taureau hargneux qui barre l'entrée de la sente vers la Haute Lonca et nous voilà partis ! L'itinéraire de ce jour est hors sentier, mais cela ne signifie pas hors traces et le parcours démarre par une belle sente en RG de la Lonca avant de se perdre plus loin à proximité du lit du ruisseau. Dumè nous avait indiqué qu'il valait mieux quitter cette trace bien avant d'arriver au ruisseau pour gagner une centaine de mètres d'altitude dans un terrain très chaotique jusqu'à un grand pin laricio sur une crête. Là commence une trace en ligne de niveau qui fait passer au-dessus du lit de la rivière, avec seulement quelques passages malcommodes dans des petites barres rocheuses. Le passage au fond du ruisseau est possible aussi, mais beaucoup plus raide et sportif ! Et on verra au retour qu'une troisième trace, 80m encore plus haut, évite toutes les barres rocheuses au prix d'un parcours à peine plus long...
A partir du pin laricio atteint vers 09h25, notre trace intermédiaire est assez bien marquée, par des cairns intermittents et des traces au sol, et nous amène rapidement à un premier ruisseau descendant du Capu di Guagnerola dont la recherche du bon passage de traversée hors aulnes demande un peu d'imagination. Puis, toujours en ligne de niveau, on traverse plus aisément un deuxième ruisseau en provenance de la crête Guagnerola - Ghjarghjole, juste en face des ruines de la bergerie de Terrici sur la RD de la Lonca (1460m - 10h35). La sente recommence ensuite à grimper raidement en bordure des cascades du ruisseau. Elle se suit relativement aisément avec un peu d'attention et, si on la respecte strictement, permet d'éviter TOUS les aulnes... A un moment, vers 1720m, elle traverse la Lonca vers la RD qui semble moins encombrée par les aulnes et où nous nous arrêtons pendant une trentaine de minutes pour déjeuner. Nous repartons vers 13h15 sur cette rive jusqu'au col (Bocca di u Saltu, selon Dumè : 1954m - 13h35). Nous atteignons ensuite rapidement le refuge tout proche de Ciottulu di I Mori (2000m - 14h10).
Retour à l'affluence insupportable du GR20, après cette remontée déserte de la Haute Lonca ! Il faut galérer pour trouver quatre malheureux emplacements de tentes et le refuge a perdu toute la convivialité qu'il avait dans les années 80 et jusqu'au début des années 90. On n'a même plus envie d'aller y prendre un repas : nous préférons tous puiser dans nos provisions et dîner à l'extérieur, sauf Arnaud qui manque de ressources, plutôt que d'aller fréquenter l'intérieur du refuge. Pourtant, il fait très frais, les nuages sont là et le vent s'est mis à souffler faisant "fumer" le trou du Tafonatu. Cette situation météo dissuadera Georges d'aller visiter le trou (il n'aura pas à le regretter, comme on le verra ultérieurement !) et nous fera coucher bien tôt avec une nuit glaciale pour cette époque...
3ème jour (Lundi 28/06) : trou et sommet du Tafonatu, fausse brèche du Sphinx
Coucher tôt, lever tôt... Nous démarrons à 07h45 pour faire le tour de la Paglia Orba avec des sacs légers ! Ce tour sera vite achevé puisqu'en arrivant au col des Maures nous découvrons un superbe névé qui encombre tout le versant Nord. Première fois pour ma part que je vois un si grand névé ici quasiment début juillet. Personne dans le groupe n'a envie de s'y risquer sans équipement (nous n'avons ni crampons, ni piolets, ni même pour tous des chaussures suffisamment rigides) et nous décidons rapidement de changer d'objectif. Là où nous sommes, bien sûr, le plus simple est de monter au trou du Tafonatu que personne sauf ma pomme n'a grimpé et on verra après.
Il est 08h15 et nous voilà partis pour le trou ! Départ difficile pour Sophie que l'aspect peu engageant de la première traversée rocheuses fait hésiter longuement, mais nous arrivons à la convaincre de continuer. Le peu de souvenirs que me restaient de cette montée (que j'avais pourtant faite une demi-douzaine de fois !) ne sont pas gênants puisque la vire transversale à emprunter est évidente. Elle est vite vaincue, malgré le pas aérien et exposé qui en fait son charme et sa réputation. C'est en fait après les "Pierres Blanches" que l'itinéraire est un peu moins évident avec la remontée puis la redescente exposée et un peu impressionnante, mais des cairns marquent la voie et certains semblent même indiquer de nouvelles variantes. Nous arrivons tous au trou sans plus de problèmes vers 09h00.
L'endroit est toujours aussi spectaculaire, surtout pour ceux qui ne le connaissent pas et la vue est magnifique, encore plus côté Ouest vers Porto et Galeria si l'on prend la peine de s'approcher des 600m d'à-pics qui dominent notre vire (ou plutôt l'une d'entre elles !) à Campu di Vetta...
Longue pause au trou, pour photos, congratulations,... Je n'escomptais pas monter au sommet du Tafonatu avec un groupe de randonneurs peu habitués à l'escalade, mais, comme j'avais perdu le souvenir de la difficulté de cette grimpette que je n'avais plus faite depuis des années, je vais faire un tour sur la suite de la voie pour m'en faire une idée. La trouvant très facile, je décidai de faire signe aux autres pour proposer à ceux qui le souhaitent de monter... en m'apportant la corde laissée dans mon sac ! Finalement, seule Sophie préfère rester sur place.
A 10h, nous continuons donc à quatre sur la suite de la vire vers l'arête N du Tafonatu. La voie est vraiment aisée et, finalement, moins vertigineuse que plus bas. Nous contournons l'arête N avec une vue splendide d'abord sur la face NW de la Paglia Orba (ah, les belles voies d'escalade !), puis sur l'arête elle-même que l'on voit plonger sur Bocca Rossa et Scaffone... Arnaud préfère d'ailleurs s'arrêter sur une plate-forme au-dessus de l'arête et nous laisse chercher la cheminée d'accès au sommet qui nous demande quelque peu d'exploration tant les cairns sont nombreux et incohérents.
La cheminée elle-même offre un passage d'escalade un peu technique (II+ ou III- pour mon avis) : d'ailleurs Georges et Sylvain la passe sans la corde et sans vraiment avoir de problèmes ; je suis bien sûr qu'Arnaud serait passé de même. Ensuite, on accède au sommet par une petite redescente en face E et le contournement d'un angle rocheux vers la gauche avant de remonter sans difficulté. Pour les bons grimpeurs, un petit pas en dalle en IV+, directement sur la gauche, fait gagner du temps. Nous y sommes à 10h35.
Panorama à la mesure du site, avec un sommet assez étroit, marquant le début d'une belle arête rocheuse, effilée et vertigineuse, vers le sommet Sud constituant une belle escalade AD+ et un tour d'horizon somptueux. Nous voyons aussi très bien Arnaud, toujours planté sur sa plate-forme juste à la verticale en-dessous de nous.
Après une longue photo-party, nous nous remettons en route à 10h50. La cheminée en descente, c'est une autre paire de manches, et Georges et Sylvain sont bien contents de trouver l'appui de la corde de Dumè pour la désescalader ! C'est là qu'on se rend compte de ce que peut apporter l'(in)expérience de la varappe. L'un comme l'autre effectuent tous les gestes inverses de ceux qu'il faudrait réaliser : se coller sur la paroi et garder les bras complètement fléchis en s'enlevant ainsi toute possibilité d'apercevoir ses pieds et les prises qui vont avec et toute adhérence sur les rares prises trouvées... Nous récupérons ensuite Arnaud au passage et nous voilà de retour au trou à 11h30 pour retrouver Sophie.
Pour la descente, il nous semblait judicieux d'adopter la vire de l'Oncle Crisolo qui cumule de nombreux avantages : d'abord une vraie vire horizontale, unpoint de vue sur la face W, un retour original et direct...
Nous repartons donc vers midi pour franchir l'arche, descendre la déclivité au-dessus du couloir central du Tafonatu et prendre le départ de la vire sur la gauche le long de l'arête. L'itinéraire est simple au début sur la partie horizontale le long de la paroi rocheuse, puis la trace et les cairns rejoignent la crête rocheuse qui prolonge l'arête à l'endroit où démarre l'autre vire des "Pierres Blanches" en provenance du refuge. Nous dérangeons d'ailleurs une petite harde de mouflons qui détalent sur la crête non sans que j'ai pu réussir à les photographier (pour une fois ! Voir à gauche). C'est là qu'il faut trouver une descente dans le versant Est pour rejoindre le refuge. Me souvenant vaguement de mon dernier passage (solo en 1988 ?), j'ai l'impression que la descente immédiate depuis la crête est bien raide et encaissée dans une zone de roches fracturées malcommodes. Il semble donc préférable de continuer le long de la crête le plus loin possible... Mais cela s'avère peu efficace, puisque la crête redevient arête effilée et s'avère une impasse sauf pour les grimpeurs. Il nous faut donc trouver une zone de descente beaucoup plus loin de celle que j'avais utilisée 22 ans auparavant, aussi malcommode et raide que la précédente mais nous obligeant de plus à revenir en diagonale vers le col des Maures. Bref, une mauvaise idée et une perte de temps qui nous amènent au refuge vers 13h. Pas de passages vertigineux et anxyogènes dans cette voie, mais la descente par ces rochers fracturés demande autant d'attention que la vertigineuse vire de montée.
C'est à quatre que nous repartons l'après-midi de ce même Lundi vers 14h, Arnaud préférant aller se balader tranquillement de son côté. L'idée est d'aller faire un tour vers la brèche du Sphinx pour voir la fin du tour de la Paglia Orba que nous n'avions pu réaliser ce matin. J'avais fait ce parcours dans l'autre sens lors du tour de la Paglia Orba en 1987, mais en passant par l'épaule de Fughjale après la brèche du Sphinx et non par le col du même nom par lequel nous projetions de passer.
Partis en direction du col de Fughjale (Foggiale), nous quittons le GR20 au moment où il commence à descendre vers le col par une trace vaguement cairnée en ligne de niveau que nous suivons jusqu'à une crête d'où nous apercevons effectivement une sorte de Sphinx, dominant une petite brèche qui pourrait être notre cible. Nous descendons un pierrier depuis la crête et rejoignons la brèche dans un terrain pour le moins instable, lâchant au passage la trace cairnée sur laquelle nous étions (1986m - 15h10). Le "Sphinx" a une drôle de tête, trop petit et couché, mais comme nous ne le connaissons que depuis l'autre côté (Serra Pianella 09/2009 avec les Welterlin), nous faisons l'hypothèse que c'est bien cela. Comme nous n'étions qu'en promenade sans cible particulière hormis la brèche, nous n'avons emporté ni carte, ni altimètre (ma montre a subi un faux contact empêchant son alimentation), supposant que la trace était simple et que la brèche se voyait de loin, et Georges n'a pas encore sorti le GPS. Comme nous ne voyons pas la face E de la Paglia Orba que nous devrions voir après la brèche, nous tentons de remonter la crête au-dessus du "Sphinx" pour l'apercevoir ou pour trouver la vraie brèche si ce n'est celle-là. Nous remontons un couloir qui revient vers l'W et les éboulis de Fughjale et, à un moment, Georges nous indique l'altitude de 2050m, ce qui semble indiquer que le "Sphinx", se trouve en-dessous de 2000m : normal, puisque nous avons plutôt marché en descente depuis le refuge. Mais personne n'a la moindre idée de l'altitude de la brèche du Sphinx pour confirmer jusqu'où on doit monter ! De toute façon, nous sommes coincés par de raides névés empêchant de terminer le couloir, aussi faisons-nous demi-tour vers 15h45, peu après avoir encore aperçu des mouflons. Plutôt que de revenir par la brèche, nous retrouvons la trace cairnée abandonnée à l'aller. Elle passe nettement au-dessus de la brèche du "Sphinx" et confirme bien que ce rocher est en fait un "faux Sphinx". Retour au refuge vers 17h00.
En consultant la carte au refuge, nous constatons que la brèche du Sphinx est en fait à 2161m et que notre périple a dû nous emmener à un épaulement de la Paglia Orba, sans comprendre pourquoi on ne voyait pas la vraie brèche. La trace GPS envoyée par Georges au retour nous indiqua que notre "faux Sphinx" était sans doute le point identifié IGN1986 sur la carte et que, de ce point, un autre épaulement nous sépare de la Brèche du Sphinx, située 200m plus haut. La trace cairnée que nous avons empruntée y mène sans doute en escaladant cet épaulement en ligne de niveau pour y arriver !!
Belle errance, à la mesure de beaucoup de divagations du même genre que l'on trouve hors sentiers en Corse...
4ème jour (Mardi 29/06) : Paglia Orba par les cheminées de Fughjale et Ciottulu - Puscaghja par la Haute Lonca
Après une bonne nuit moins froide que la précédente, une belle journée de soleil s'annonce au réveil. Nous avons choisi de monter à la Paglia Orba par la voie des "Cheminées de Fughjale (Foggiale)", la voie la plus sympa de cette montagne pour des non-alpinistes, que nous ferons sans Sophie, effrayée par les difficultés alpines. Direction donc vers l'épaule de Fughjale, point de départ de la voie, en prenant la trace passant près du col des Maures plutôt que la montée directe par les éboulis que nous avons jugée trop chaotique la veille.
Bien nous en prend, car cela est l'occasion de rencontrer à nouveau une harde de mouflons proches de la paroi SW de la Paglia Orba que nous longeons vers l'Epaule. Décidément, nous aurons été gâtés par ces bestioles, cette année ! Nous passons devant le départ des autres voies faciles de ce secteur, la Cheminée d'Hiver et la voie SW, et atteignons l'Epaule vers 09h30.
Après pause et photos, vers 10h, nous allons voir le départ de la voie au bout du névé. Elle part de G à D sur une bande de rochers moutonnés avant de rejoindre une arête derrière laquelle devraient s'ouvrir les cheminées. Une petite reconnaissance de la première longueur me fait douter que mes suivants puissent passer facilement et je perds une demie-heure à chercher un passage plus facile... En vain ! Sylvain, qui a déjà fait la voie, ne reconnaît même pas le départ, alors que de mon côté j'en suis tout à fait assuré. Finalement, je les ai sous-estimés (ou surestimé le passage) car ils le franchissent tous les trois sans corde ni assistance.
Ensuite, une cheminée un peu en hauteur à gauche nous tend les bras, mais mes souvenirs de deux lignes de cheminées parallèles me font aller vers l'autre, en contrebas à droite. Elle est tellement étroite, même pour moi, qu'il n'y a aucun doute que ce ne soit pas la bonne ! Et encore du temps perdu à remonter à l'autre... Bien que verticale, celle-ci s'avère facile mais suffisamment étroite pour préférer se séparer provisoirement du sac avant de s'encorder. Elle est ramonée rapidement et ensuite tous les sacs sont remontés à la corde. Le passage de mes coéquipiers est plus compliqué car ils n'ont pas la technique de ce type de varappe. Malgré tout, avec l'aide de la corde, ils en ont tous terminés à 10h30.
La voie semble continuer à D ensuite, si l'on en croit le cairn monstrueux qui marque une vire dans cette direction. Je me souviens que la deuxième cheminée est dans le même axe que la première et Georges me confirme lui aussi que c'est ce qu'il a lu dans le topo de Fabrikant. Pourtant Sylvain se rappelle être passé par là. Je vais donc y jeter un oeil, parcours la vire sur 30m et débouche sur une cheminée inclinée parallèle à la précédente. Elle n'a pas l'air difficile, mais comme je suis sûr de ne pas y être passé auparavant, je reviens sur mes pas en pensant avoir affaire à une variante qui n'existait pas durant mes escalades précédentes (trois ou quatre depuis 1987, la dernière en 1996). A essayer une autre fois...
J'essaie donc la cheminée suivante dans l'axe, fortement impressionnante de loin, mais la cheminée à emprunter est en fait masquée à gauche de celle que l'on aperçoit de loin et n'est qu'un simple couloir étroit incliné, avec deux ou trois ressauts verticaux. Je n'ai même pas besoin d'ôter le sac pour en venir à bout en quelques secondes. Je fais signe à mes coéquipiers d'y aller à leur tour. Ce n'est pas très simple pour eux car il est difficile de hisser les sacs, tant la cheminée est inclinée. Les ressauts leur posent des problèmes, en particulier celui de la sortie qui est une sorte de tube vertical de trois à quatre mètres avec des mouvements complexes et athlétiques. Ce dernier obstacle est même un calvaire pour Sylvain... Fin de la deuxième cheminée à 11h05.
J'avais prévenu que les difficultés étaient terminées après la deuxième cheminée et c'est bien le cas. La suite n'est qu'une formalité : un couloir étroit mais peu pentu prolonge la deuxième cheminée, une vire horizontale emmène ensuite sur 30m à droite (sans doute où vient la rejoindre la variante repérée plus bas sur la vire parallèle) et enfin une dernière série de couloirs peu inclinés menant au sommet E de la Combe des Chèvres. Fin de la voie à 11h15 et sommet à 11h30.
Longue pause au sommet pour le panoramique photos et la contemplation des gouffres ouverts sur les faces Nord et Est. Petit intermède amusant aussi avec la visite d'un couple de jeunes allemands et de leur petit chien, arrivés par la même voie que nous mais avec un équipement nettement plus récent, plus moderne et plus technique et une véritable corde ! La différence entre les alpinistes et les randonneurs...
Nous faisons la descente par la voie normale en passant à proximité du col des Maures de 12h10 à 13h50, non sans avoir été étonnés par la multiplicité des traces cairnées qui mènent dorénavant au sommet de la Paglia Orba : comme toujours, trop de cairns nuisent et il y a vraiment de quoi s'y perdre ! De notre côté, c'est Arnaud et Sylvain que nous avons failli perdre, occupés qu'ils étaient à descendre par une autre voie que la nôtre.
C'était aussi l'occasion de jeter un coup d'oeil au versant N du col des Maures en vérifiant que le névé encombrait bien toute la combe et en contemplant la voie d'accès à la brèche de l'arête N du Tafonatu qui constitue un tronçon du tour du Tafonatu et que nous avions envisagée d'emprunter au retour de la vire du Tafonatu : nous nous serions retrouvés bloqués par le névé et obligés de trouver une solution...
Encore une modification du programme pour terminer ce trek ! Arnaud et moi-même devons impérativement revenir à Monte Estremu et je pensais qu'Arnaud était un peu juste pour revenir par Serra Pianella et Laoscella, avec une étape très longue et technique. Il est plus prudent de revenir par Puscaghja, surtout avec un horaire d'avion impératif à Calvi, mais cela nous fait repasser par le chemin de l'aller. Aussi, Sophie, Georges et Sylvain, qui n'ont pas les mêmes contraintes, préfèrent continuer par Verghju pour regagner Corte ensuite. Nous nous séparons donc après le déjeuner pour vivre chacun de notre côté.
Avec Arnaud, nous repartons à 15h40 de Ciottulu et sommes à Bocca di u Saltu à 16h pile pour entamer la redescente de la Haute Lonca. Aucun problème particulier pour ce parcours qui voit le temps se couvrir de plus en plus. Nous reprenons la trace de l'aller à l'exception de la sente en ligne de niveau à l'aval de la traversée des deux ruisseaux où nous trouvons une ligne de cairns 80m plus haut que celle de l'aller, un peu plus longue mais qui nous fait passer au-dessus des petites barres rocheuses. Refuge de Puscaghja atteint à 18h50 et retrouvailles avec Dumè à qui je peux rendre sa corde en lui promettant des cordes moins usagées quand je remiserai les miennes à la fin de la saison comme cela est prévu.
5ème jour (Mercredi 30/06) : Puscaghja - Monte Estremu par Bocca di Caprunale
Le lendemain matin, le temps est franchement voilé et va d'ailleurs tourner à l'orage dans la journée, sans qu'heureusement nous soyons touchés dans cette partie du massif. Départ tardif à 09h30 pour cause d'étape courte et de récupération. Pas grand chose à dire de plus sur la descente que ce qui a déjà été raconté pour la montée... sauf que cette fois-ci je parviens à remarquer trois des fontaines qui jalonnent le sentier alors que je n'en avais vu qu'une à la montée et que la descente est fastidieuse sur la fin. C'est normal, c'est la fin d'un trek de cinq jours !
Retour à 14h à Monte Estremu, où je retrouve ma voiture qui me permet de déposer Arnaud à Calvi avant de retourner à Sainte-Lucie.
Compléments :
- Un trek réussi, même s'il a été totalement différent de ce qui avait été envisagé. Evidemment, pour ceux qui aiment la Paglia Orba et le Capu Tafonatu, c'était intéressant... même si cela a été plus proche d'une initiation à l'alpinisme qu'un vrai raid montagnard ! Néanmoins, la météo clémente, la bonne humeur des participants, leur adaptation aux multiples modifications et leur forme physique à la hauteur ont permis à ce raid de se dérouler sans incident malgré un terrain périlleux. Merci à tous !
- La carte avec le tracé du parcours de ce raid du 26 au 30 juin 2010 est donnée à droite de ce paragraphe.
- Le diaporama complet des photos du trek
Commentaires
Salut @Georges :
Ce n'est pas une nouveauté :!:
Altre Cime, sous la direction de Robert Cervoni, met tous les ans à son catalogue une randonnée de ce type, classée parmi ses exclusivités et étiquetée Très Difficile (Noir), avec Campu Razzinu et une des variantes permettant de rejoindre Laoscella dont Andade a u Ponte, mais aussi la variante plus directe par la crête de Scaffone que Robert nous avait indiquée dans un commentaire sur ce Blog en novembre 2009. Si tu relis ce commentaire, tu verras que le nombre de clients pour cette course reste très limité (moins de 20 clients en 4 ans) et lorsque je j'avais interrogé en le rencontrant au gîte de Monte Estremu l'année dernière, il m'avait confirmé qu'il n'arrivait à organiser ce type de randonnée que sporadiquement tous les 2 ou 3 ans et sans aucune rentabilité. Il ne conserve ce type de course à son catalogue que parce qu'elle représente pour lui "l'essence de son métier", ce qui est extraordinairement louable. J'avais aussi remarqué à l'époque qu'il proposait des randos AVEC BIVOUAC dans le PNRC et que cela pourrait être mal vu par LES SBIRES LOL
J'ai rencontré Robert deux ou trois fois depuis 2009, la dernière avec toi au refuge de Ciottulu l'année dernière où il faisait partie des nombreux accompagnateurs qui étaient présents lors de notre passage durant le trek de 2010 autour de la Paglia Orba.
C'est vraiment quelqu'un qui fait honneur à son métier et Altre Cime est pour moi l'organisme d'activités nature le plus à recommander sur la Corse :-)
Contact Altre Cime/Robert Cervoni
http://www.altre-cime.com/content/i...
Andate u Ponte et Seerra Pianella par Altre Cima, au cas où nous manquerions d'inspiration pour 2011...
@Sylvain :
Il se trouve que l'étape de Caprunale nous permettait de prendre notre temps : il n'y avait donc aucun problème ! ;-)
De mon côté, j'ai encore des progrès à faire pour apprécier les difficultés à franchir en escalade de la part de non-initiés : j'ai largement surestimé la 1ère longueur au départ de Fughjale qui n'a finalement posé de problème à personne (alors que j'ai presque cherché une demie-heure en vain un autre passage...) et sous-estimé les cheminées elles-même qui ont donné du fil à retordre à beaucoup (affaire de technique ?). :-?
Bonsoir à tous !
Merci Philippe pour ce compte-rendu complet et passionnant, il me rappelle plein de bons souvenirs... même si les cheminées m'auront donné du fil à retordre ! En tout cas, jamais je n'aurais imaginé atteindre un jour le sommet du Tafunatu... Quelle vue impressionnante, de tous les côtés !
J'espère bien que l'on pourra tous se retrouver cette année pour de nouvelles explorations au coeur de la "Corse sauvage" ! Et, dans mon cas, débuter le trek en meilleure forme qu'au mois de juin, car je pense avoir battu tous les records de lenteur dans la montée vers le Col de Caprunale ;-)
Sylvain
Bonjour François,
Les cheminées de la Paglia Orba étaient mes toutes premières! Je m'étais reservé la veille mais regrette de ne pas ètre monté tout en haut du Tafunatu. A la prochaine fois avec toi!
@François :
Tu as bien tort de te sous-estimer ! ;-)
Comme le dis si bien Georges, les "cheminées" étaient un bon moyen de nous changer des "vires" des années précédentes... LOL
Beau tour, belles photos, belles vires ou cheminées aériennes. Mais en regardant tout ça, je crois que j'ai bien fait de ne pas traîner dans vos pattes! o:O
Salut @Georges :
Effectivement, en revenant du sommet avec Arnaud, nous avions noté qu'il y avait sans doute une voie de descente relativement facile de ce côté du col des Maures... Cela reste à vérifier, mais dans le socle du Tafonatu (jusqu'à la vire), il existe plusieurs voies d'escalade faciles.
Tous mes vœux pour 2011 avec de nouveaux parcours sympas :!: 8-)
Bonjour Philippe
Merci pour ce récit fort détaillé, qui rappelle effectivement de bons souvenirs de l'an dernier ! Pour moi 2010 aura été l'année des cheminées (2009 était celle des dalles inclinées et 2008 celle des vires...)
Dans l'article (descente par la voie normale de Paglia Orba) tu parles de solution alternative pour éviter le névé... En regardant la photo jointe Je me demande si depuis la plate-forme d'Arnaud, un des deux couloirs cheminées qui descend vers la brèche ne serait pas praticable !
En espérant que nous aurons l'occasion de réaliser un itinéraire original en 2011, avec toi et ceux qui ne seraient pas encore rassasiés !
A+
Georges