Les ravins d'I Signori
Par PhE le mercredi 05 février 2014, 23:46 - Ravinisme - Lien permanent
Le premier contact que j'ai eu avec Dumè (Martinetti) date d'un commentaire qu'il avait mis le 10 mars 2011 sur le site et où il me signalait que "Quelques itinéraires vers I Signori et Capu d'Ortu mériteraient d'y figurer"
... Je lui avais répondu que j'en convenais aisément puisque je n'avais fait que des parcours proches des Calenche ou la voie normale du Capu d'Ortu indiquée dans tous les guides et pensais que ce à quoi il faisait allusion ne pouvait être que des voies d'approche de grimpeurs en mal de voies d'escalade hors des falaises battues ! Il m'avait alors envoyé une carte du massif bien prometteuse avec l'indication de tout un tas de parcours tout à fait alléchants que je m'étais promis de faire un jour avec lui après nos aventures archéologiques de l'année 2011. Je pensais bien y arriver début juin 2013 où je devais passer une semaine à Porto, mais mes ennuis de genoux déjà en cours m'empêchèrent de tenter quoi que ce soit et de l'appeler à cette époque !
C'est donc finalement Olivier (Hespel), l'autre Ajaccien de Corse sauvage, qui a pu profiter d'un de ces parcours sauvages en accompagnant Dumè cet hiver dans une traversée des ravins au Nord des Tre Signori lors d'un périple hivernal en janvier de cette année. Le choix de cette saison fait sans doute apparaître cette "randonnée" comme un peu plus glauque qu'elle ne doit l'être en plein été... et je lui laisse le soin de raconter cette histoire dans la suite de l'article...
Vous pouvez consulter la carte sur la gauche de la page pour visualiser le tracé du parcours d'Olivier et Dumè durant cette traversée originale !
En examinant la carte, on se rend compte que cet itinéraire n'est pas d'une évidence flagrante et qu'on aurait eu du mal à l'imaginer sans être motivé par des objectifs soit de recherche archéologique, soit d'approche de voies d'escalade. Il permet tout de même de passer à ce col évident vers 868m entre la Signore Centrale (1146m) et la Signore Orientale (950m) nettement moins élevée. Avant, en passant sous la Signore Occidentale, les grimpeurs ne pourront s'empêcher de jeter un coup d'oeil sur la proue NW à la célèbre voie de Pierre Pietri et Martial Lacroix de 1992, "Tangue au coeur des rêves", une voie toujours considérée comme l'une des plus belles et plus difficiles de l'île...
Voici une petite sortie pour les amateurs zélés de ravinisme et maquis. Elle a été effectuée en hiver mais je conseillerai de l’effectuer plutôt en saisons modérées (printemps, automne, c’est ce que je voulais dire) car si elle doit être chaude en été, elle est particulièrement humide et glaciale à son opposé, tant elle est ombragée.
Elle démarre, une fois n’est pas coutume, pratiquement en « ville », celle de Porto en l’occurrence, presque au niveau de la mer mais avec belle ascension de 800 mètres, donc physique quand même, sans parler du travail de débroussaillage souvent indispensable surtout à la montée. Vous avez compris, l’équipement consiste en vêtements solides (qui résistent aux déchirures de toutes sortes) un imper à cette saison pour ne pas finir totalement spongieux et comme outils un bon « pinatu », serpe légère mais efficace et un sécateur (les rôles peuvent se répartir).
On démarre en RG de la rivière de Riu. On suit son bord mais on surveille très vite à droite une montée qui nous en éloigne rapidement avant de se laisser embarquer dans un cul de sac. Le sentier ne tarde pas à y revenir en amont dans une zone murée (restes de moulin) et cette fois on la traverse. On gagne de l’altitude sur la droite et on s’enfonce dans le gros maquis jusqu’à gagner un reste de châtaigneraie épars. Prendre sur la gauche, un passage entre deux cairns et garder le cap vers le sud-sud-ouest. Le sentier est beau, avec de nombreux cairns (ancien chemin de charbonniers restauré par les rares grimpeurs en marche d’approche des Signore), mais passablement envahi et se perd souvent dans la végétation basses et les ronciers : c’est pour ça que les instruments de coupe sont indispensables et "Jipi" bien utile. On croise des charbonnières, beaucoup d’abris sous roche, dont un assez large, et, quand le sentier est dégagé, on peut en admirer les murets qui l’encadrent. On continue en RG de la rivière, on repère les cairns qui amènent l’itinéraire à la recouper une dernière fois dans un chaos rocheux vers l'altitude 350 m. Attention aux passages de blocs humides qui sont très glissants.
On gagne de l’altitude en montant dans le pierrier du ravin qui nous dégage de la végétation et nous modifie notre cap. On longe les premières parois abruptes en suivant les cairns encore présents mais qui disparaîtront bientôt lorsque nous obliquerons légèrement à gauche (en laissant les cairns qui s’enfoncent dans la large vallée de droite pour atteindre certainement les voies d’escalades) pour suivre le couloir encaissé et ce jusqu’au col.
L’espace se rétrécit et la végétation redevient foisonnante avec l’apparition de mes chers buis mais un pseudo itinéraire nous donne des solutions sans trop s’épuiser sur les outils. Le ravin se dégage et des chênes d’âge certain trônent dans un lieu minéral magique.
Quelques murs nous coupent la trajectoire, une large ouverture à gauche nous dégage la vue sur Portu à 800 mètres en contrebas, puis nous atteignons le col étroit, un petit abri naturel mais légèrement muré nous accueille.
Après la pause déjeuner, nous décidons de basculer de l’autre côté. D’immenses parois nous entourent empêchant de jouir du panorama qui doit être exceptionnel si d’aventure nous pouvions grimper sur les pitons tout autour. Après une cinquantaine de mètre de descente dans la forêt nous nous retrouvons dans un large pierrier bien mieux ensoleillé que le précédent, d’autant plus que la vue se dégage sur le relief magique de la zone d’Ota-Evisa.
A partir de là, ne plus compter sur du sentier ou des cairns jusqu’au chemin de la Foce d’Ortu, c’est de la pure aventure. D’abord, il faut faire attention à ne pas trop descendre. Notre instinct nous pousserait à sortir des barres mais Dumé qui connaît le coin cherche à juste titre à les traverser obliquement. Le but c’est de joindre tant bien que mal l’épaule à droite et de repérer un gros rocher dans le maquis au Sud, au pied du l’immense piton de la Signore Centrale.
S’y rendre, le contourner par le bas pour joindre la châtaigneraie encore au sud (source sur la carte). Une fois celle-ci atteinte, on reste en courbe de niveau en montant légèrement (de là où nous sommes arrivés, en tout cas) pour éviter la jungle de ronce et on retrouve le sentier cairné de Foce d’Ortu que l’on descend jusqu’à la route en passant par un camping. Plus qu’à revenir à la voiture après quelques km de marche sur le bitume qui contraste considérablement avec la matinée.
Bilan : randonnée difficile par la densité de végétation et un sentier qui se perd parfois, même si l’omniprésence de cairns (discontinus toutefois) permet de bien orienter le randonneur. Pas facile non plus dans le ravin avec la forte pente et des passages encore obstruées par le maquis, Pas facile encore de l’autre côté, dans la descente où il faut faire preuve de résistance et d’orientation « suidés ». Compter de 6 à 7 h pour l'ensemble de la randonnée entre le pont de la D 84 sur le Riu et le camping de Funtana a l'Ora, avec 3h30-4h jusqu'au col sur un bon rythme et 2h-2h30 pour la descente.
Intérêt : il existe, je vous rassure. D’abord à la montée, de beaux abris et sites de charbonniers, une belle ambiance lorsqu’on est au fond de la vallée et des ravins sous des parois incroyables, avec quelques points de vue saisissants.
Toponymie :
- Punta di U Farinetu : Signore Occidentale
- Calanca di U Farinetu : Parcours du ravin central entre Capu d'Ortu et Signori depuis Bocca d'Infernu jusqu'en bas du couloir SE sous le col de séparation Capu d'Ortu - Signore Centrale
- Calanca di I SIgnori : Parcours du ravin Nord d'I Signori décrit dans cet article.
Rappel de la carte de l'itinéraire des ravins Nord d'I Signori sur la gauche de la page.
Commentaires
@Sylvain :
Depuis Bocca di Femina Morta, la descente doit être à peu près claire, mais il reste toujours à trouver l'entrée du tunnel vers le ruisseau de Campi Solcu.
Effectivement, les débuts des sentiers du Capu Tondu et d'Arone - tour d'Urchinu ne sont pas aisés à trouver, mais c'était encore pire pour le Capu a u Monte sauf à voir le sentier depuis l'enclos à cochon et côté fontaine de Tombalu, en fait, il n'y avait pas de traces qui montaient rejoindre le chemin de ronde (lui-même plus très visible à l'époque !).
Pour mes genoux (j'ai des problèmes avec les deux, maintenant), j'en suis aux infiltrations de Synvisc pour essayer de les lubrifier ! ;-)
@PhE :
Merci Philippe pour ces précisions complémentaires, en effet j'ai bien dans l'idée de grimper un jour en haut de ce sommet, avec même un autre accès, a priori possible et peut-être moins compliqué, depuis Bocca di a Femina Morta !
Par rapport au début du sentier dont tu parles, invisible depuis la route (ce qui est quand même embêtant...), cela m'en rappelle d'autres, par exemple le sentier qui mène au sommet du Capu Tondu, au-dessus de Galeria (redevenu propre en 2011), ou encore le sentier qui relie Arone à Chiuni : faciles à suivre, une fois qu'on les a trouvés !
PS : comment évolue ton genou ?
@Sylvain :
Avec les indications de l'article, tu peux aller faire le Capu a u Monte tranquillement sans risquer mes galères de l'époque ! ;-)
Salut @Sylvain :
Personnellement, je n'ai jamais vu un topo sur la boucle décrite dans cet article, pas plus que sur les autres parcours indiqués par Dumè qui permettent de faire d'autres boucles entre Capu d'Ortu et Signori !
Le sentier entre Foce d'Ortu et Funtana a l'Ora est indiqué tout à fait praticable, même si je ne l'ai pas fait personnellement, et doit quand même être un peu parcouru...
Quant au Capu a u Monte, j'avais vraiment galéré pour trouver le départ (selon le topo de Fabrikant, évidemment, puisque je n'avais que cela !) qui, en fait, est simple si on se dit qu'il faut absolument partir de l'enclos à cochon du pont de Vespaghiu. Le problème, c'est que, de la route, on ne voit absolument AUCUNE amorce de chemin : il faut vraiment pénétrer dans l'enclos et re-sortir à l'autre extrémité pour s'apercevoir qu'une sente démarre et se transforme en sentier à peu près potable plus loin (sentier trouvé pour moi à la descente !). Quant au départ depuis la fontaine de Tombalu, ce n'est pas à recommander puisqu'il n'y a plus de traces et qu'il est plus simple de monter au mieux à la boussole retrouver le sentier de ronde en provenance de Chidazzu. Il y en a d'ailleurs qui font le Capu a u Monte en partant de Chidazzu avec un sentier amélioré depuis l'époque où j'y suis passé (2003). Reste que la traversée du maquis dans le tunnel de végétation du ruisseau de Campi Solcu est un grand moment qu'il faut absolument vivre (en espérant qu'il soit resté aussi touffu qu'à l'époque) 8-).
Euh... Philippe, je viens de lire ton article sur le Capu a u Monte, moi j'en étais resté au compte-rendu elliptique, mais a priori séduisant, de Fabrikant !
Enfin une randonnée sur les hauteurs de Porto qui sort des sentiers battus, l'ascension du Capu d'Ortu et de son voisin, le Capu di u Vitullu (certes, beaucoup moins fréquenté, mais pour lequel j'ai une légère préférence), sont devenus des "classiques", sur des sentiers bien balisés ; il y a aussi la traversée par les crêtes, entre Marignana et Piana, et l'ascension du Capu a u Monte (que je ne connais pas encore)... mais j'ignorais qu'une boucle comme celle-ci était réalisable, au pied des formidables parois du Capu d'Ortu et des Tre Signore !
Au passage, je remarque que le sentier reporté en couleurs sur IGN entre Foce d'Ortu et le camping "Funtana a l'Ora" semble praticable ? Je me suis souvent demandé s'il n'avait pas disparu (comme d'autres, hélas !) sous une végétation envahissante.