Vers la chapelle San SalvadorJournée magnifique et promise à la chaleur. Point de départ, point 701 sur la D118 avant Castiglione.
Objectif immédiat, rejoindre la chapelle San Salvador. Petit sentier qui y mène en passant par le col (Bocca a l’Aghjale) et en rejoignant la piste provenant de Croce d’Arbitru. De là, on part plein Ouest pour suivre tant bien que mal en s’appuyant sur des sentiers plus ou moins dégagés la crête de Tornatoghju. Premier micro incident, notre berger de Cervione qui accompagnait Francé s’est tordu bêtement un genou déjà fragile à quelques mètres de la chapelle (Remarque : il vaut mieux que ce soit tout de suite). Pas grave, il fait demi-tour et se fera ramener par un ami. On continue.

La région de Castiglione depuis la chapelle San Salvador Arrivée à la chapelle et perte d'un équipier

Alors que le terrain plus sec se dégage des arbousiers et des oxycèdres denses en montant, vers 1250m, sur une trace plus nette on bascule au sud de la crête. Attention à la chaleur ! Prévoir beaucoup d’eau pour les bons consommateurs comme moi depuis le départ surtout avec un sac un peu lourd. Pas de vraie source jusqu’à la grotte de Scaffa et la prochaine rivière un peu alimentée n’est pas pour tout de suite. Prévoir des pailles sinon, pour les quelques gouttes à gouttes que l’on croise. Ça peut aider.

Arrivée sur la crête de Tornatoghju Cheminement sur la crête de Tornatoghju

La crête de Tornatoghju

En poursuivant en courbe de niveau, on arrive à l’aplomb d’un large vallon (Latinu) et la ligne de cairns que l’on a suivie depuis peu nous invite à descendre vers un plateau avec un arbre seul et des traces d’enclos et bergeries.
Surtout pas ! A contrario, on bifurque à droite toute vers les barres au-dessus et, en cherchant, on peut trouver quelques cairns épars. Même si on ne les trouve pas le but reste le même, gagner en altitude comme on peut en restant rive droite montante (RG) du vallon pour traverser ce qui reste du ruisseau vers 1350 et filer sur des dalles et une raide montée vers le point 1542.

La traversée en ligne de niveau vers le vallon du Latinu

A l'aplomb de l'enclos, partir à droite toute, on monte dans les barres Remontée du vallon de Latinu

De là, plusieurs options sont possibles, je suppose : n’empêche que nous avons opté pour la montée de la dorsale en contournant à droite l’aiguille remarquable qui se trouve au-dessus. Celle-ci franchie, le doute commençant à s’installer, ô suprême miracle, un couloir étroit presque totalement ombragé main gauche s’offre à nous. Son aspect initial est suffisamment peu reluisant pour qu’on s’y engage avec hésitation. Ce serait mal connaître notre cher Félicé, polynésien de l’étape, qui en a vu d’autres. Bille en tête il fonce dedans ; Francé et moi, on décide de suivre. Et on a bien fait. Certes raide, ce couloir est un bonheur de fraîcheur et nous amène, comme un passage digne du Mordor, dans le bon prolongement de notre course. Nous y arrivons même à capter un peu d’eau dans une fissure avec un peu de patience. Extase, car Félicé et moi avons presque déjà vidé nos deux litres respectifs !

L'aiguille remarquable du point côté 1542, la contourner par sa droite

Le couloir ombragé Les contreforts du Turone, direction en courbe de niveau vers le couloir de la Bocca Chjassone

On continue en courbe de niveau malaisée, sans aucun cairn pour nous orienter depuis le coude effectué à l’aplomb du vallon de Latinu. Prochaine étape, se placer dans le long et peu engageant couloir qui mène à Bocca Chjassone. Ceci effectué sans trop de mal et par de multiples solutions, y’a plus ka. Au fur et à mesure de cette montée éprouvante, on a l’impression que les différentes aiguilles de part et d’autre vont finir par boucher le talweg de leur masse démente. Un passage un peu physique et / ou technique nous donne du fil à retordre et le coude du couloir à l’horizon ne présage rien de rassurant.
Fausse alerte, le couloir se prolonge sans problème vers la gauche et commence à s’élargir pour se rendre, au bout d’une bonne suée, sur un plateau pentu, mais large, entouré des dernières crêtes avant le col.
Après un dernier « coup de cul » qui semble interminable (pour moi en tout cas) d’une centaine de mètres de dénivelé, nous voilà rendus tous les trois sur le col. Bon… C’est tout simplement fabuleux.

Remontée du couloir qui mène à Bocca Chjassone Le paysage derrière nous dans le couloir de Bocca Chjassone

Au plateau, mais ce n'est pas ce couloir trop à l'ouest Plein nord, on est sur le bon col qui s'élargit à gauche de ce gendarme

Bocca Chjassone : de Cavallare à Giuelli

Déjeuner de roi, surtout pour le cadre mais pas seulement (non, mais !), une micro méditation sur le lieu qui nous entoure et on repart toujours plein Ouest. On suit les passages les plus évidents vers une brèche côté Nord en se faufilant à travers quelques aulnes (ben voyons, on aurait tort d’y échapper). On arrive après une petite demi-heure, en auscultant les passages éventuels vers le sommet du Turone qui nous domine à gauche, au-dessus de Bocca Scaffa. Mais rien de faisable a priori. Je saurai plus tard que ce sommet si charismatique Les aménagements de la grotte de Scaffa ne se fait facilement que sur sa face Sud en contournant son flanc.
Après s’être un peu cassé les genoux sur de la pierraille et des fruticées naines, on se rend à la grotte mythique de Scaffa pour profiter de son ombre et de son architecture pittoresque.

Grotte de Scaffa et Turone

On repart dans le large vallon de la crête du Traunatu sans oublier de prendre de l’eau au passage. Les traces dégagées sont nombreuses mais la montée, après les efforts de la matinée, et le sac chargé commencent à peser durement sur les jointures. Les traces convergent en véritable sentier avec des cairns nombreux depuis la grotte (normal, c’est l’autoroute par rapport à ce que l’on vient de faire).

La montée dans le vallon herbeux de Cima a I Mori

Arrivés complètement cuits aux environs de la crête et un quart d’heure de pause, on repart. Notre Francé national qui nous a explosés toute la journée prend trop d’avance par rapport à l’itinéraire. Il ne connaît pas le passage direct vers les cabanes de Vetta di Muru qui évite le sommet de la Cima éponyme. Je l’interpelle et, en cherchant un peu parmi les cols évidents, on voit deux gros cairns qui signalent le départ (aux environs des 2000). C’est parti pour 250m de descente raide et rocailleuse dans un couloir large mais sale. La fontaine miraculeuse de Vetta di Muru Il presque 17h et on est parti à 8h30. On est largement dans le timing, mais il nous tarde d’arriver. Des cairns nous orientent jusqu’à épouser le flanc gauche de la paroi et prendre un passage sous un pont naturel en laissant de côté le talweg vaquer à ses occupations sur la droite (vers 1750m). Nous franchissons une brèche et basculons vers le pierrier qui domine les cabanes qui sont tellement intégrées au décor qu’il faut une analyse oculaire minutieuse pour les distinguer. Après quelques lacets pénibles, nous voilà rendus entre la fontaine célèbre et miraculeuse en corniche à notre droite et les cabanes main gauche.
Ambiance incroyable et surréaliste, comme si on avait franchi une Stargate, et que d’émotions mêlées de soulagement et d’émerveillement.

Couloir de descente vers Vetta di Muru Arrivée aux cabanes de Vetta di Muru

Prise d'eau sur la vire de la fontaine de Vetta di Muru

Après une douche spartiate dans le jet glacé qui sort directement de la roche, on bivouaque tranquillou, non sans se faire plaisir avec un dîner aux relents fort peu diététiques mais extatiques. Grosse chaleur ce week-end, à 2h du matin, sous la lumière de la lune, la température était encore de vingt degrés. Encore une fois, trois litres d’eau m’auraient semblé utiles pour cette journée de fournaise à son départ jusqu’au col.
En tout cas, excellente nuit sous le toit en voûte d’une des cabanes qui m’ont semblé bien proprelettes et a priori exemptes de punaises et autres douceurs.

Cabanes de Vetta di Muru La douche vue depuis les cabanes de Vetta di Muru

Le lendemain c’est reparti pour le retour qui, restant dans l’ambiance de la veille, ne se fera pas par des sentiers battus (hors mouflons et vaches) et qui vaut à lui seul un motif de randonnée largement suffisant.
Direction le sud et la rivière de Vetta di Muru. Il faut remonter brièvement un peu vers le retour mais, dès que l’on peut, on suit des cairns partant vers la droite et qui, bon an, mal an, sur un terrain un peu difficile nous amènent vers l’aulnaie sous Bocca Meria. A peine la trace un peu entamée vers son centre, il faut songer non pas à la poursuivre mais obliquer à gauche vers le col plein Est. On longe alors en rive gauche de montée (RD), sans trop de problème en évitant les aulnes, en croisant quelques mouflons (ben tiens) et en franchissant un premier col qui nous servira de point de départ vers le retour.

Lever de soleil sur Vetta di Muru

Départ au petit matin vers Bocca Meria, obliquer sur le grand couloir de gauche et le gravir jusqu'au col

Dans la montée de Cima a I MoriEn une demi-heure, nous effectuons notre parenthèse Cima di Mori par un premier col à gauche et des chemins de traverse forts sympathiques et revenons guillerets. Doit même pas être 9h. Ça va.

Sommet de Cima a I Mori

On décide alors de plonger dans ce couloir aperçu grâce aux photos satellites pour vérifier si mon a priori (appuyé par quelques on-dits quand même) favorable était justifié. Il est véritablement immense mais très bien dégagé et j’entrevoie au fond sur son coude la fameuse brèche que j’avais espéré lors de mon examen du parcours.

Vallon de descente au Sud de Cima a I Mori à partir du col 2070

La brèche de sortie du vallon Après une descente longue mais facile dans ce couloir immense (ski de rando !!!, encore faut-il pouvoir s’y rendre et en sortir) et dit bonjour aux vaches et pris de la flotte (cool !), un sentier se dessine sur la gauche alors que le vallon forme un coude net et se rend pile poil vers la brèche qu’on aurait dit taillée pour. Là, messieurs dames, je peux vous dire que ce lieu a de l’histoire, c’est sûr.

Depuis la brêche, le vallon que l'on laisse partir plein sud vers l'Ancinu La brèche marquée d'histoire à la sortie du vallon

Passage par le haut de la pinède Retour aux cairns, nous descendons dans une pente désagréable vers la pinède et sa vallée imposante. Dès que nous pouvons, nous longeons vers la gauche et on y retrouvons un sentier cairné à l’orée de la forêt qui se rend sans trop monter vers le col de la Punta Curnaccia.
J’ai omis de dire, bien sûr, que le spectacle depuis le départ du jour est sensationnel de beauté et de sauvagerie. Voilà, c’est fait.
Prochaine étape, le plateau d’Alsatu et l’assurance que nous aurons réellement réussi mon défi.

Au col de la Punta Curnaccia, vers la crête sud Vue sur l'objectif : le col du plateau d'Alsatu

Plusieurs possibilités : la plus simple, une bonne descente bien raide dans la pinède et une remontée tout aussi hard par un couloir évident et cairné. Celle adoptée pour deux d’entre nous, suivre des jolies corniches à gauche, mais, hélas, pas loin du plateau, par sécurité, elle n’évite pas un détour par une descente pénible et la fameuse montée.
Mais nous y voilà en comptant une bonne demi-heure entre les deux cols.

Sur le plateau d'Alsatu

L'arche d'AlsatuImmense et magnifique plateau couvert de genêts bas mais piquants, de genévriers nains et de pousses de larici (la routine quoi). Plus qu’à descendre gentiment plein Est (logique) et profiter de l’heure du repas, comme j’avais espéré, pour se la jouer en face de la fabuleuse arche d’Alsatu, non sans préalablement avoir chassé quelques vaches autochtones de l’ombre qui nous était réservée (normal !).

Arrivée à l'arche d'Alsatu

Bah voilà, retour classique avec descente du plateau pour rejoindre le « sentier-nationale » qui mène gentiment (enfin pas si gentiment que ça, si on connaît pas...) vers les fontaines de Paduli et le village de Castiglione.

La vallée du Terrivolu encadrée par les aiguilles de Rundinaia et d'Upulasca

Petite baignade rafraîchissante sur le Terrivolu et dernier tronçon sur la route goudronnée jusqu’aux voitures qui est passé vite, ma foi. Arrivée 16h alors que le départ était à 8h.

Le cimetière de Castiglione : c'est pas encore cette fois qu'on y restera !

Bilan : rando absolument magnifique, riche mais physique le premier jour. Compter au moins 7 à 8h par jour, sans doute moins pour le retour quand même pour des marcheurs corrects.
Munissez-vous d’un bon sens de l’orientation, de bons renseignements (comme ceux de votre serviteur,) et le mieux, comme moi, d’un GPS IGN sans lequel je n’aurais jamais osé faire cette boucle des rois.

Carte de la région Popolasca/Rundinaia entre Castiglione et Vetta di Muru et parcours du raid Pour terminer, rappel de l'itinéraire emprunté avec la carte consultable sur la gauche de la page, et remerciements à Olivier pour toutes ces informations sur ce superbe et original itinéraire...