Cette Corse des fleuves et des rivières, elle est celle des "fiumi", ces torrents, issus de l'épine dorsale centrale montagneuse de l'île, qui constituent plus de deux mille kilomètres de cours d'eau façonnant la multitude et la diversité des vallées insulaires. Les caractéristiques hydrologiques de la Corse (abondance des eaux, pentes fortes, terrains rocheux, saisons et climats contrastés, ...) font que cette trentaine de "fiumi" est difficile à franchir en tous points du fait de l'impétuosité des flots et de leur imprévisibilité. D'où la construction, en toutes époques, de ces ouvrages ingénieux pour pouvoir les traverser, passer d'un versant ou d'une vallée à l'autre et permettre d'accomplir les relations communautaires, les tâches agro-pastorales et les échanges économiques.

Jean-Marie Homet, dans son livre cité ci-dessus, décrit les ponts de l'île selon la classification suivante, issue d'unités historiques ayant marqué l'île :

  1. Les ponts génois
  2. Les grands ponts à piles
  3. Les ponts des ingénieurs

Les ponts génois :

L'appellation "pont génois" s'applique à la fois à un modèle d'édifice (arche unique, deux culées renforcées, arc-boutées sur les berges, dos d'âne accentué, tablier étroit) et aux constructions de la période du XIIème au XVIIIème siècle. Aucun pont antérieur à cette époque n'existe encore et cette tranche de l'histoire corse a été riche en construction de "symboles" marquants pour l'île : les citadelles, les tours et les ponts dits "génois". En ce qui concerne les ponts, leur édification est d'une grande complexité et dure en moyenne de une à deux années, avec un choix délicat du site d'édification en préalable.

L'intérêt touristique des ponts génois est qu'ils sont dorénavant très "Corse sauvage", puisque les routes et les grandes voies de communication les évitent désormais. Pour aller à leur rencontre, il faut donc parcourir les chemins muletiers et les sentiers qui emmènent aux "fiumi".

En voici quelques exemples parmi les plus connus :

Le pont de Spina Cavalu

Pont de Spina Cavalu sur le RizzaneseL'un des plus anciens ponts de l'île avec son édification datant de la fin de l'époque pisane (XIIIème siècle). Il enjambe le Rizzanese sur l'ancienne route d'Aullène à Sartène à 500 m du pont de la RN 194 dont on n'est pas certain qu'il soit plus solide. Malgré la violence des crues et intempéries climatiques au cours des siècles, il n'a subi que des réparations minimes et conserve sa chaussée d'origine et son dallage du XVème siècle.


Chaussée du pont de Spina Cavalu sur le RizzanesePont de Spina Cavalu sur le RizzanesePont de Spina Cavalu sur le Rizzanese

 

Le pont d'Ascu

Pont d'Ascu sur l'AscuSitué en contrebas du village en aval de la centrale électrique, il date du XVème siècle et est classé Monument Historique. Il surplombe une magnifique vasque imposante qui sert de baignade aux villageois et touristes d'Ascu et qui peut permettre éventuellement de tester un saut aérien depuis la chaussée du pont  !

 

Le pont de Zipitoli

Pont de Zipitoli sur l'EseIl enjambe l'Ese, un affluent du Prunelli, entre Bastelica et Vignola. Situé dans la magnifique forêt de Pineta, sa date de construction est incertaine mais cela ne l'a pas empêché d'être, lui aussi, classé Monument Historique.

 

Le pont d'Ota

Ponte Vecchju ou pont de Pianella sur la rivière de PortoLe Ponte Vecchju (Pont de Pianella ou d'Ota), situé à la sortie des gorges de la Spelunca et de l'embranchement avec la Lonca, franchit la rivière de Porto sous le village d'Ota à l'intérieur de la boucle formée par la route D124 entre Ota et Porto. Classé lui aussi Monument Historique depuis 1976.

 

Chaussée du Ponte Vecchju ou pont de Pianella sur la rivière de Porto    Ponte Vecchju ou pont de Pianella sur la rivière de Porto

 

Le pont de Zaglia

Pont de Zaglia sur l'AïtoneIl enjambe l'Aïtone à la sortie des gorges de la Spelunca, à la confluence avec la Tavulella. Il fut construit par les habitants d'Evisa en 1745 pour faciliter la transhumance des bergers et le déplacement des habitants à la recherche de terrains.

 

Les grands ponts à piles :

L'arche unique des ponts génois ne permettait que des franchissements de distance limitée à 15 à 20 mètres : au-delà, il s'avère nécessaire de construire des ponts avec plusieurs voûtes reposant sur des piliers érigés dans le lit du "fiume". Ainsi, les fleuves importants de l'île (Golo, Tavignano), possèdent des ponts à piles très remarquables et ayant fait l'objet de travaux d'édification plus complexes que les ponts génois et menés par la collectivité sur plusieurs années.

En voici quelques exemples parmi les plus connus, dont le fameux pont d'Altiani :

Le pont d'Altiani

Pont d'Altiani sur le TavignanuSitué sur la N200 entre Corte et Aleria, il enjambe fièrement le Tavignano de ses trois magnifiques arches à encorbellement. Son histoire est bien connue et permet de dater sa construction à 1698, avec des travaux de maintenance réalisés ultérieurement en 1780. Malheureusement, il est avéré qu'il souffre des vibrations liées au passage des poids lourds et la commune d'Altiani se bat depuis de longues années pour le réserver aux véhicules légers.

Pont d'Altiani sur le Tavignanu

Ponte Nuovo

Ponte Nuovo historique sur le GoluSitué à proximité de la N 193 qui emprunte désormais un autre pont, il franchit le Golo entre Bastia et Corte. Théâtre historique de la dernière bataille perdue par Pasquale Paoli contre les Français en 1769, il a souffert de la lutte acharnée qui y a été menée. Malgré des travaux de restauration en 1778, il est demeuré trop étroit pour pouvoir continuer à l'utiliser et il fut décider de le conserver intact, tout en construisant un nouveau pont sur le Golo.

Ponte Nuovo historique sur le Golu

Le pont de Bicciani

Ponte Nuovo historique sur le GoluRencontré au hasard d'une de mes randonnées en juillet 2006, ce magnifique pont, malheureusement ruiné, servait au franchissement du Cruzini avec ses deux culées latérales et ses deux piliers centraux. Je n'en connais malheureusement pas l'histoire et j'ai seulement entendu une rumeur provenant de Lopigna, le village qui le surplombe, comme quoi il serait question de le restaurer prochainement !?

 

Les ponts des ingénieurs :

A partir du XIXème siècle, tout se transforme en Corse et, en particulier, l'art de construire les ponts ! Le dernier grand pont construit de manière traditionnelle (en pierres et bois et construction à la main) est le grand pont d'Ucciani sur la Gravona en 1786. Ensuite, le métal devient l'élément maître des constructions : la fonte d'abord, puis l'acier, beaucoup moins fragile. Les travaux d'édification changent d'échelle : on construit sur des centaines de mètres et non plus des dizaines, il faut des centaines d'ouvriers et non plus des dizaines, beaucoup d'édifices sont construits pour le train et les difficultés deviennent considérables. Dorénavant, les entreprises insulaires ne suffisent plus et il faut faire appel à de grandes sociétés ainsi qu'à des ingénieurs illustres comme Gustave EIffel dont l'épouse est Corse avec une branche de la famille à Canari et Nonza.
Là encore, les ouvrages de ce type regorgent dans l'île et il est difficile de faire un inventaire parmi les ouvrages et les trois modèles de viaducs : dominante pierre, alternance pierres-briques et mariage pierre-brique-métal.

Je n'en donne qu'un exemple célèbre, car je n'ai aucun document photographique personnel sur le sujet :

Le pont-viaduc de Venaco-Vivario

Viaduc de Vivario-Veanco sur le VecchjuC'est l'un des édifices les plus étonnants de l'île et le plus spectaculaire. Oeuvre de Gustave Eiffel, il propose un viaduc métallique à trois travées solidaires de plus de 50 m de long et deux piles hautes de 80 m soutenant un tablier d'acier de 4 mètres de large : des records pour l'époque ! Il a été construit en deux ans et terminé en 1893. La photo qui en est donnée est une photo de Pierre Bona (chinchini), spécialiste des photos de paysages corses, extraite du site The TrekEarth

 

En conclusion, vous pouvez consulter la galerie sur le site consacré à ce sujet à l'adresse Ponts de Corse et contribuer à enrichir cette galerie en m'envoyant vos photos personnelles sur le sujet avec, si possible, un texte d'accompagnement sur le pont ciblé (nom, localisation, histoire)...