Après une nuit passée au gîte de Monte Estremu, A Funtana, Eckard et moi-même retrouvons Achille à 7 h ce jeudi matin 10 septembre 2009, par une belle aube corse sans nuages. L'un des nombreux avantages de randonner avec Achille est que nous pouvons profiter de son 4x4 personnel et de son autorisation de parcours sur la piste de la Cavicchia pour monter en voiture au départ de la trace de chasseurs : soit environ 1 h 30 de marche économisée et autant pour le retour. Cela aide bien pour faire des itinéraires d'envergure à la journée en aller/retour dans cette région !
C'est vers 7 h 45 que nous prenons la sente, évasivement indiquée au démarrage par quelques traces de peinture orange fluo et des cairns erratiques. Elle se dirige vers le SSE dans un sous-bois obscur de petits chênes-verts, avec peu de maquis, en RD du ruisseau de Valle Serrata (seul ruisseau nommé par l'IGN dans ce versant sur les dernières cartes). Sur la trace de montée vers Bocca Laggera : Bocca Rustali Avant que ce ruisseau ne rentre dans un étroit couloir rocheux, la trace tourne à angle droit et continue par un long trajet presque horizontal vers l'WSW, traverse deux ruisseaux à leur confluence et se poursuit vers le SW en montant une pente abrupte dans une forêt de plus en plus confuse et de plus en plus sombre. La sente est déroutante et je suis conscient que, même en connaissant le départ, il m'aurait été difficile de la suivre seul sans la perdre. Les traces de peinture initiales se font de plus en plus rares, les cairns sont très discontinus et les traces au sol peu marquées et multiples ! Les possibilités de sortie de piste sont permanentes et seules de mystérieuses marques décelables sur les arbres par les initiés, les "flashies" (pluriel de "flashy" ? Coupes d'écorces utilisées comme balises par les chasseurs), complètent ce "jeu de piste" pour conserver la bonne trace...
Sur la trace de montée vers Bocca Laggera : Bocca LaggeraLa sente revient ensuite à un ruisseau après avoir obliqué plein Sud. Cette fois, les initiés eux-mêmes ont dû s'y perdre, car plusieurs variantes s'y présentent ! Nous prenons l'une d'elles en RD du ruisseau  sans doute pas la meilleure puisqu'elle alterne raides ressauts rocheux et passages de ronces alors qu'Achille remarque une trace paraissant plus confortable en RG que nous emprunterons à la descente... C'est ainsi que nous arrivons vers 9 h 40 à la hauteur du départ de la vire de l'Andadonna qui démarre plein Est sous la paroi de la RD du ruisseau descendant de Bocca Laggera : le col est à 150 m environ au-dessus de nous.

Sur la trace de montée vers Bocca Laggera : la 1ère partie en sous-bois Sur la trace de montée : dans un ressaut en RD du ruisseau sous Bocca Laggera

Vire de l'Andadonna : le départ non loin de Bocca Laggera et Pinzu Scaffone en arrière-plan

Peu après le démarrage sur la vire, nous atteignons la première arête marquant le début des deux profondes échancrures rocheuses que la vire va franchir pour traverser le ressaut rocheux qui barre le fond de cette vallée. Premier tronçon de la vire dans la 1ère échancrure Le spectacle est assez ahurissant ! Sur ce versant, la vire sur laquelle nous sommes est l'une des quatre vires étagées dans la paroi à l'Est de Bocca Laggera et, sur l'autre versant de la première échancrure en face de nous, trois nouvelles vires nous questionnent sur laquelle utiliser pour la suite du parcours. D'ici,toutes ces vires semblent inaccessibles et l'on ne peut que s'émerveiller de l'ingéniosité des bergers locaux à imaginer de tels passages dans ces recoins vertigineux...
Remontée au bosquet de pins dans la 1ère échancrureLe franchissement de la 1ère échancrure est un ravissement pour des randonneurs "sauvages" ! Descente de la vire herbeuse depuis l'arête jusqu'au renfoncement de l'échancrure marquée par un impressionnant couloir rocheux allant de la traversée des deux ruisseaux que nous avons faite précédemment 500 m plus bas à la vire de Scaffone 600 m plus haut, petite traversée sur des dalles lisses suivie d'une courte désescalade d'un petit dièdre (finalement le seul passage un peu délicat du parcours !) et remontée de la nouvelle vire au milieu de genêts piquants (pantalon long recommandé) jusqu'à un bosquet de laricios donnant accès à la 2ème échancrure.

Les 4 étages de vires de la RG de la 1ère échancrure : où est l'Andadonna ? Les 3 étages de vires de la RD de la 1ère échancrure : où est l'Andadonna ?

Andadonna : vue générale de la 1ère échancrure depuis le bosquet de pins central

Le couloir du renfoncement de la 1ère échancrure Remontée vers le bosquet de pins dans la 1ère échancrure

Depuis le bosquet de pins, vue de la 2ème échancrure et du Pinzu ScaffoneDu bosquet, la vue de la 2ème échancrure n'est pas moins spectaculaire que la précédente ! Nous poursuivons, là encore, par une descente sur une vire toujours encombrée de buissons de genêts épineux pour atteindre le renfoncement correspondant au ravin de la branche Sud du ruisseau de Valle Serrata. Durant cette phase, l'idée fixe est la question du passage pour continuer ce parcours sans escalade : trois vires sont à nouveau possibles et leurs accès dans le ravin semblent assez chauds ! Achille dans la partie finale de l'Andadonna Néanmoins, c'est finalement sans problème et sans escalade que nous prenons pied sur la vire suivante par une traversée sur des dalles lisses moutonnées accédant à une partie plus large avec herbes, genêts et laricios qui se remonte aisément vers l'autre extrémité de l'échancrure. Celle-ci est marquée par un énorme pin laricio pouvant servir de repère remarquable pour trouver la vire à la descente.

L'impressionnante descente depuis le bosquet de pins dans la 2ème échancrure La descente depuis le bosquet de pins dans la 2ème échancrure

La vire de remontée finale dans la 2ème échancrure

La traversée des dalles moutonnées vers la partie finale L'énorme pin laricio marquant la fin de l'Andadonna

Ensuite, il ne nous reste plus qu'à trouver les bergeries en accédant au plus vite au plateau qui les abrite. Achille nous trouve un raccourci, un peu alpin, qui nous y emmène rapidement et nous y arrivons un peu avant midi, après moins de 4 h de montée...
Les nombreuses photos, le déjeuner et la contemplation du panorama nous prennent jusqu'à 13 h 30 avant de penser à la descente.

Arrivée aux bergeries de Scaffone Bergeries de Scaffone : le Pinzu Scaffone

Bergeries de Scaffone : le groupe au complet

Nous choisissons de descendre par le même chemin plutôt que l'autre possibilité envisagée, brèche du Pinzu Scaffone, Laoscella, Saltare et la Cavicchia, plus longue et déjà bien connue de nous tous.
Aucun problème particulier dans cette descente, si ce n'est l'occasion de se pénétrer de ces paysages spectaculaires dans l'autre sens. Après la vire, Achille nous reparle des cols de Laggera et de Rustali, en nous montrant la vire étroite utilisée autrefois par les La vire exposée menant à Bocca Rustali (masquée sur la droite) bergers de Monte Estremu depuis Bocca Rustalai pour rejoindre l'Andadonna : cette vire ne pouvait se réaliser qu'en franchissant un passage exposé qui rebutait beaucoup de candidats... Et de candidates, ...puisque le nom de la vire pourrait être liée au fait qu'on n'a connu qu'une seule femme de la région capable de passer cette vire vertigineuse.
Plus bas, nous avons pu vérifier que, décidément, la trace des chasseurs dans la forêt finale est bien délicate à suivre, avec ou sans "flashies" ! Nous nous y attardons d'ailleurs pour faire des photos originales d'Eckard dans le trou d'un des chênes-verts du sous-bois. Arrivée à la piste vers 16 h 45, après 3 h de descente depuis les bergeries.

Le ravin de descente vers la Cavicchia

Eckard et le chêne percé (tafonatu) La trace des chasseurs

Et, en bonus, une petite vidéo des passages de la vire : le son d'origine a été conservé comme plus représentatif de l'ambiance qu'un ajout musical externe, même si les dialogues sont de peu d'intérêt...

• En synthèse :

Même pour ceux qui sont habitués aux spectacles offerts par les ravins du Filosorma, cette course est grandiose à tous les points de vue. Tout comme Campu di Vetta sous le Tafonatu, elle donne aussi à réfléchir aux traditions pastorales de cette région et de celle du Niolu qui lui est associée. On a peine à imaginer que des gens pouvaient monter en ces lieux pour travailler avec des troupeaux (de chèvres), mais cela démontre bien que l'on manquait VRAIMENT de place dans ce massif pour faire transhumer les bêtes si on en arrivait à être contraint de les amener dans ces nids d'aigles !! Emoticones

Carte du Filosorma avec le versant Scaffone et la Valle Serrata : tracé approximatif de la montée aux bergeries et de l'Andadonna Sur le plan pratique, vous trouverez ci-joint, sous toutes réserves, le tracé APPROXIMATIF de ce parcours. Sous toutes réserves, car il est fortement déconseillé de s'y aventurer sans une forte expérience de randonneur hors sentiers, sachant manipuler sans faille carte, boussole et altimètre et, surtout, capable de savoir s'y reprendre à plusieurs fois pour monter là-haut. C'est une de ces courses typiques de la région qui peut nécessiter plusieurs reconnaissances et explorations préalables avant de réussir à la mener à bien, tant son parcours est complexe. La trace de chasseurs depuis la piste de la Cavicchia risque de faire tourner en bourrique un certain nombre de candidats : il me serait désagréable de savoir que des secours ont été déclenchés dans ce coin parce qu'un hurluberlu a décidé, après avoir visité "Corse sauvage", de se lancer dans ce challenge sans en avoir les compétences nécessaires... Emoticones
En outre, selon les informations d'Achille, les itinéraires traditionnels de montée, soit par le couvent de Santa Maria et Bocca Laggera, soit par Bocca Rustali et sa vire de l'extrême, sont actuellement impraticables, les sentiers de montée n'existant plus et aucune trace fiable apte à les remplacer n'existant en ce moment.